ISSN

ISSN 2496-9346

dimanche 26 juin 2011

Vladimir Maïakovsky, Le Prolétaire volant (1925)

Vladimir Maïakovsky (1893-1930) a écrit de nombreux textes qui peuvent relever de l'anticipation. Dans l'extrait qui suit - trouvé au détour du web et dont je cherche la source (si quelqu'un connaît le recueil, merci de me l'indiquer dans les commentaires) - on trouvera anticipés des voitures volantes, les communications interplanétaires et plus prosaïquement le rasoir électrique, la brosse à dents électrique ou la baignoire qui se déplace (ce qui rappellera quelque chose aux lecteurs de la nouvelle "La Journée d'un journaliste américain en 2889" signée Jules Verne (mais certainement rédigée par son fils Michel). 



II. LE MODE DE VIE DE L'AVENIR

AUJOURD'HUI

(...)
Et pour ce
----------------nid
------------------------entre des cages
et des salaisons
----------------où il n'y a pas
------------------------même
la place de poser un coin de lèvres
----------------il faut s'agiter
------------------------des jours entiers
et se défendre
----------------contre les expulsions
------------------------avec un ordre du syndicat
--------ou un papier de la CACVS.
On rentre
--------à la nuit
----------------épuisé par la ville.
Le mufle tout écumeux
--------on voudrait bien le laver.

(...)

je tends le museau
--------vers le vasistas.
Je vois
--------dans les cieux
----------------l'affairement des aéroplanes.
Voilà qui
----------------doit 
----------------transformer à neuf
notre vie
-------- morose 
----------------de sardines !

CE QUI SERA

Une année
--------avec des zéros à l'infini
Les derniers
--------tonnerres des batailles
----------------auront fini de tonner.
A Moscou
--------il n'y aura plus
----------------ni ruelles
------------------------ni rues
rien que des aérodromes
--------et des maisons.
Les jours futurs
--------nous sont obscurs
----------------et indistincts.
Mais
--------en manière de plaisanterie,
je vais représenter
--------un citoyen de l'avenir
pendant
--------un jour et une nuit.

LE MATIN

Huit heures.
--------Le radio-réveil poli
----------------crie :
"Camarade -
--------levez-vous
----------------si vous ne dormez plus !
L'usine
--------appelle.
Pour le moment
--------rien à commander
----------------au réveil ?
Au revoir !
--------Salut !"
Surgissant de son sommeil
--------mais déjà tout
----------------à son ardeur active
le citoyen a branché
--------l'autoraseur électrique.
Une minute 
--------et le voilà peigné
----------------ses joues
------------------------sont plus lisses
que la citoyenne Vénus
--------de Milo elle-même.
Il a planté la fiche dans la prise
--------ouvert la bouche
et l'electrobrosse
--------hop !
----------------fait briller les dents.
Plus besoin de personnel !
--------Appelée par un bouton
la baignoire elle-même
--------vient clapoter
----------------sous lui.
D'abord
--------elle le savonne
puis se met
--------à le gratter et à le frotter.
Un coup de sonnette
--------et le plateau à thé
----------------de lui-même
se présente 
--------sous le nez
----------------du citoyen.
Pour le vêtement
--------il n'y a plus ni vestes
----------------ni pantalons
la chemise
--------ne serre plus
----------------de ses mesures trop étroites.
D'un coup
--------il s'enveloppe
----------------des talons jusqu'aux mains
dans la soie
--------d'une pièce génialement taillée.
Il glisse sa paire de pieds
--------dans des chaussures.

(...)
EN ALLANT AU TRAVAIL
Un ascenceur traverse la pièce.
--------Il y monte 
----------------et sort
sur la surface lisse
--------d'un toit fleuri.
Un dirigeable
--------qui se dirige 
----------------vers son lieu de travail
s'approche
--------jusqu'à la corniche.

(...)

AU TRAVAIL

L'usine.
--------La Centrale de l'air.
----------------On fait ici
de l'air 
--------pressé
----------------pour les communications interplanétaires.
Un petit cube
--------pour une cabine de n'importe quelle dimension
et pendant vingt-quatre heures
--------on respire l'odeur des pins.
(...)
De la même façon
--------avec des nuages
----------------on fabrique
de la crème
--------et du lait artificiel.
Bientôt
--------on oubliera
----------------jusqu'au nom des vaches.
(...)
L'ascenceur
--------en dépose un par étage.
Et là ni bruit
--------ni foule !
Simplement un clavier
--------dans le genre des "Underwood".
Il fait bon travailler.
--------C'est déjà facile.
De plus
--------la radio diffuse
----------------une musique qui donne la mesure.
Il suffit de frapper
--------sur les lettres qu'il faut
et tout
--------le reste
----------------est fait par des machines.
Quatre heures.
--------Elles ont passé comme un rien.
(...)

LE DEJEUNER

(...)
La vaiselle
--------s'auto-dessert.
Tu manges
--------et tu t'en vas !
Le citoyen
--------porte le radiophone
----------------à son oreille.
Il y lance simplement
--------tout en calinant ses petits :
----------------"Donnez-moi Tchoukhlomskaïa !"

(....................................)

LA SOIREE
(...)

Sur les voies lactées
--------suivant les zigs-zags des comètes
----------------avec derrière eux
un aéroplane attaché
--------comme un poulain.
----------------Ca c'est l'espace !
Rien à voir
--------avec le Parc Pétrovski
où tout est usé
--------par les derrières des couples.
En marchant
--------il raconte
----------------comment c'était en vingt-cinq.
- Aujourd'hui
--------j'ai entendu des radio-livres.
Oui...
(...)
il y avait aussi
--------ce qu'on appelait
----------------des automobiles.
C'était vraiment
--------,qu'on me pardonne,
----------------un drôle de moyen de déplacement !
Ca n'allait pas dans l'air
--------ni
----------------dans l'eau,
Ca ne pouvait
--------traverser
ni les forêts
--------ni les maisons.
Vous imaginez un peu
--------ce que c'était !
(.......)

Il descend de l'avion.
--------Un bouton,
----------------tu touches.
L'avion se replie
--------et se met dans un coin
----------------comme un parapluie.
Il s'est déshabillé.
--------Trois mots 
----------------dans le micro :
- Demain
--------me réveiller
----------------à sept heures et demie ! -
le citoyen satisfait
--------se tourne
----------------sur le côfé
baîlle
--------et ferme les paupières.
C'est ainsi
--------que passe
----------------ses journées,
le citoyen
--------au XXX° siècle

2 commentaires:

  1. Le Prolétaire volant.
    Poèmes: : Volume 4
    Vladimir Vladimirovič Maâkovskij
    ISBN: 2-7384-9431-5 p.257
    1ere édition, Messidor/Temps Actuels 1987
    © L'Harmattan, 2000

    RépondreSupprimer
  2. Merci beaucoup.
    Il s'agit ici seulement d'un extrait (si j'ai bien compris). Quelle est l'ampleur de ce texte dans son intégralité?

    RépondreSupprimer