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ISSN 2496-9346

mardi 25 octobre 2016

Le Quotidien de Montmartre 1929-1930 (4)

Quatrième épisode de notre exploration du Quotidien de Montmartre publié en 1929-1930 qui est disponible sur Gallica (du n° 10 au n° 52). Pour lire la présentation du périodique, cliquez ICI. Pour retrouver tous les billets de cette série consacrée au Quotidien de Montmartre, cliquez ICI.

Dans le n° 36 daté du 11 mai 1930 Bernard Gervaise présente dans la rubrique "Les Gaités de la semaine" le projet des voyages interplanétaires mais exprime aussi des doutes sur la nature humaine qui transforme les avancées scientifiques en moyens de destruction...



M. Robert-Esnault Pelterie, qui consacre depuis des années le meilleur de son activité à l'étude de cette science nouvelle qu'on nomme l'astronautique, vient de faire une conférence au cours de laquelle il a prononcé les paroles suivantes :
« A la suite d'examens approfondis de la question, je peux conclure qu'avant dix ou quinze ans, le voyage dans la lune et retour à la terre sera réalisable. Il ne dépend plus maintenant que d'un facteur, la découverte du mécène qui consacrera les millions nécessaires à la construction et à la mise au point de l'appareil de transport interplanétaire. »
En considérant d'une part le rythme accéléré qu'affecte à notre époque le progrès des découvertes mécaniques et, d'autre part, l'ardeur que l'on apporte à les utiliser, on peut être certain que si le voyage Terre-Lune et retour devient réalisable dans deux ou trois lustres, comme le veut M. Robert Esnault-Pelterie, il sera immédiatement réalisé, d'abord par quelques hardis sportifs amateurs de gloire, puis par une quantité d'amateurs de plus en plus considérable.
Avec une rapidité surprenante, nous verrons surgir des Compagnies commerciales astronautiques dont les services organiseront tout d'abord des « baptêmes de l'éther », puis peu à peu des excursions plus étendues ! Trois jours dans la Lune... « Paris-Neptune, via Mercure, Jupiter, Saturne, Uranus et retour... » Nous irons passer le week-end à la surface de Séléné ; nos grandes vacances se passeront au bord des canaux martiens, plus poissonneux, il faut l'espérer, que les rivières d'ici-bas et Vénus sera le but tout indiqué de tout voyage de noces !
La nouvelle invention arrive d'ailleurs à point nommé. Elle répond à un des plus pressants besoins de notre pauvre humanité dont le domaine se rétrécit de jour en jour à mesure que s'accroît la vitesse des véhicules mécaniques.
Il y a seulement un siècle, il fallait quinze ou dix-huit mois pour faire le tour du monde, le plus long voyage que l'on puisse accomplir sur terre en ligne droite ou, si vous préférez, en ligne courbe. Cinquante, ans plus tard, le temps-limite de cette randonnée avait déjà beaucoup diminué, puisque les héros de Jules Verne purent le réduire à 80 jours. Aujourd'hui, nouveau progrès, les aviateurs doués de quelque endurance et de bons moteurs bouclent la boucle en moins de trois semaines.
Dans quatre ou cinq ans, moins peut-être, c'est en trois jours que se fera ce périple.
Enfin, un jour viendra, plus tôt qu'on ne pense sans doute, où l'on pourra se faire transporter sur n'importe quel point du globe en moins d'une journée. Ce sera la mort du tourisme, tout au moins du tourisme terrestre. Qui donc, en effet, voudrait se mettre en route pour si peu !
Il était grand temps, comme on le voit, que de nouveaux débouchés s'ouvrissent à notre activité. Grâce à l'astronautique, c'est chose faite, ou presque. Lorsque nous nous sentirons par trop à l'étroit sur notre misérable planète, rien ne nous empêchera de nous échapper par la tangente pour aller faire un petit tour dans les étoiles.
Espérons que cela contribuera dans quelque mesure à désembouteiller les routes de banlieue !
Selon Jules Verne, le meilleur moyen pour aller dans la Lune était de s'y faire expédier par un canon géant, à l'intérieur d'une sorte d'obus de gros calibre. M. Robert Esnault-Pelterie estime qu'il vaut mieux s'y rendre à bord de la fusée-dirigeable inventée il y a deux ou trois ans par le professeur allemand Hermann Oberth.
C'est ce merveilleux engin qui nous permettra d'aller nous promener un jour dans l'éther comme on se promène actuellement dans les airs.
Puisse-t-il ne jamais servir à autre chose, mais hélas ! n'y comptons pas trop ! Jusqu'ici, toutes les inventions primitivement destinées à faire le bonheur du genre humain ont été tour à tour mises au service de l'art militaire. Il est donc fort probable que la découverte du professeur Oberth ayant été comme les autres détournée de son véritable objet, nous verrons bientôt la fusée se substituer à l'obus dans les applications ordinaires de la balistique.
Et vous pensez, avec un engin capable de marmiter la Lune, quel jeu ce serait pour des artilleurs européens de démolir New-York, Yokohama ou Pékin tandis que les artificiers américains, japonais ou chinois écraseraient Paris, Londres, Rome et Berlin !
Une fois de plus, notre pauvre humanité, dont l'ambition était de canarder pacifiquement les astres, n'aura fait que cracher en l'air pour que ça lui retombe sur le nez !

Bernard Gervaise, « Les Gaîtés de la semaine », in Le Quotidien de Montmartre n° 36 daté du 11 mai 1930.


Dans le n° 37 daté du 18 mai 1930 Bernard Gervaise, toujours dans la rubrique "Les Gaîtés de la semaine", imagine le futur de Paris en l'an 1970. L'anthologie Paris Futurs porte sur ce même thème: que deviendra la capitale dans l'avenir?

Des calculateurs, non dénués d'imagination, ont imagine de dresser une sorte de recensement de la population parisienne en 1970. A cette époque, la capitale et sa banlieue compteront huit millions d'habitants, pas un de moins.
Ce chiffre a été établi de façon scientifique, en appliquant le calcul des probabilités aux données de la statistique. Depuis le milieu du dix-huitième siècle, le nombre des Parisiens double environ tous les cinquante ans. Ils étaient cinq cent mille en 1770, un million en 1820, deux millions en 1870, quatre millions en 1920. Ils seront donc huit millions en 1970 et un milliard en 2320, comme vous pourrez aisément vous en assurer en continuant à faire paroli de cinquante en cinquante ans.
Pour nous en tenir aux chiffres cités par les auteurs de la statistique plus haut reproduite, une chose semble à peu près certaine, c'est que la circulation déjà bien difficile aujourd'hui dans un Paris de quatre millions d'âmes (et surtout de corps) sera devenue, si nous n'y mettons bon ordre, tout à fait impossible aux huit millions de Parisiens de 1970. Conclusion : il faut trouver un remède à la crise d'embouteillage dont souffrent de plus en plus les artères de la capitale, nonobstant les divers palliatifs envisagés jusqu'à ce jour.
Ce n'est peut-être, mon Dieu, pas aussi difficile qu'on l'imagine. Voyons, pour rendre nos rues accessibles à une intense circulation, il faudrait, de toute évidence, les élargir. Mais comment ?... On a proposé de démolir Paris pour le reconstruire ensuite sur de nouveaux plans. Ce serait beaucoup de travail. Mais si l'on démolissait seulement le rez-de-chaussée des maisons en remplaçant la maçonnerie par des piliers de soutènement entre lesquels les véhicules s'entrecroiseraient avec grâce et facilité...
C'est ainsi que, pour ma part, je vois le Paris de 1970, lequel, étant de la sorte monté sur pilotis aurait en outre l'avantage de se trouver à l'abri des inondations... 

Bernard Gervaise, « Les Gaîtés de la semaine », in Le Quotidien de Montmartre n° 37 daté du 18 mai 1930.

Dans le n° 38 du 25 mai 1930 on trouve un conte pseudo-oriental, intitulé "Le vrai Mahamed Pacha", ayant pour cadre le harem de Mahamed Pacha sous la signature de Jean de Lozère, collaborateur régulier du Quotidien de Montmartre sous ce pseudonyme ou celui de André Romane. Le conte est prétexte à un texte légèrement coquin illustrant la maxime quand le chat dort, les souris dansent...

 

Suite du dépouillement ce périodique la semaine prochaine!

jeudi 20 octobre 2016

Le professeur Biccard a atteint la planète Mars (1933)

En 1933, Paris-Soir propose dans sa rubrique "Paris-Soir rit ce soir" un ensemble d'articles narrant le voyage, l'amarsissage et la découverte de la planète Mars du professeur Biccard. Il s'agit d'un hommage au professeur Auguste Piccard qui fut le premier à réaliser un vol stratosphérique en 1931.
L'apparition d'un passager clandestin n'est pas sans annoncer Objectif Lune - On a marché sur la Lune d'Hergé. 
Comme le montre la capture de la demi-page du journal, l'ensemble est composé de plusieurs petits articles illustrés par des montages photographiques.

 
Le premier article est celui qui apparaît au centre et annonçant l'arrivée du professeur Biccard sur la planète Mars:


On se souvient des incidents qui marquèrent la nouvelle sensationnelle que, seuls dans la presse, nous annoncions il y a trois jours : le professeur Biccard, accompagné de ses aides, MM. Clovys et Kappet, après s'être enfermés dans une « herzosphère » s'étaient fait lancer par une catapulte électro-magnétique.
Le but de leur voyage ? La planète Mars.
Immédiatement la foule assiégea nos bureaux. Des milliers et des milliers de personnes réclamaient des détails. De tous les points du monde, des télégrammes nous parvenaient, demandant confirmation.
Car le secret du départ avait été bien gardé, et seul, un de nos reporters, M. Saint-Mart avait pu, soigneusement caché, y assister.
Et à cette foule, à ces télégrammes, nous ne pouvions que répondre :
Nous confirmons la nouvelle du départ du professeur Biccard pour la planète Mars.
Aujourd'hui, nous pouvons annoncer triomphalement :
Pour la première fois, un homme a atteint la planète Mars. Le professeur Biccard a réussi dans sa tentative.
Nous publions, ci-dessous, les premiers « marsogrammes » qui nous ont été envoyés par notre collaborateur Paul Renaud, qui a réussi à s'embarquer dans l'herzosphère comme passager clandestin.

Suit un photomontage accompagné d'une longue légende:

Notre envoyé spécial a pu placer son appareil téléphotographique à l'orifice de la lunette géante qui permet au directeur de l'Observatoire de Mzel (Mars) de voir ce qui se passe sur la Terre. Voici la photo unique qu'il a pu obtenir en dirigeant le supertélescope sur Paris. On remarquera que, grâce à un procédé dont les Martiens gardent jalousement le secret, les principaux monuments de notre capitale ont pu être groupés dans la lunette d'observation. Malheureusement, il n'a pas encore été possible d'obtenir des vues « à l'endroit ». On obvie, dans Mars, à cet inconvénient — somme toute minime - en procédant aux observations la tête en bas. 

Sur la droite, un article explique comment les voyageurs sont arrivés sur Mars:

 
Je ne vous conterai pas le voyage. Les voyages heureux n'ont pas d'histoire. Sachez seulement que lorsque je fus découvert par Kappet, le second aide du professeur Biccard, notre herzosphère se trouvait déjà à 3.680 kilomètres de la terre.
Amené devant le professeur, celui-ci se borna à dire :
- Cela ne m'étonne pas. Il y a toujours un passager clandestin dans les raids dangereux.
Puis il ajouta simplement, montrant ma cigarette.
-Allez... et ne fumez plus.
Durant tout le voyage, il ne s'occupa que de ses instruments de bord.
Le voyage dura exactement trois jours, deux heures, 6 minutes, 11 secondes, c'est-à-dire environ une heure de moins que le temps prévu par le professeur Biccard. Aussi celui-ci, qui faisait un brin de toilette en prévision de notre arrivée, se montra-t-il d'assez méchante humeur quand — par distraction, ayant regardé dans le périscope au lieu de se regarder dans la glace — il s'aperçut que nous étions sur le point... d' « amarsir » (si j'ose écrire).
Par le plus favorable des hasards, nous nous posâmes en pleine campagne, sans -aucun dommage. Mais, à peine étions-nous sortis de notre herzosphère, à peine nous étions-nous dégourdi un peu les jambes, à peine avions-nous, remarqué avec étonnement que nous étions sur un champ où l'on cultivait... des... pâtes alimentaires, qu'un bourdonnement se fit entendre.
Par une route — analogue à nos belles routes de France — une foule de Martiens arrivaient, à grande allure, chacun d'eux étant à califourchon sur une machine assez semblable aux bicyclettes, mais où les roues seraient remplacées par des patins : les routes sont si bien faites qu'on n'y roule pas : on y glisse.
Les Martiens — qui ont la même contexture que les humains — nous reçurent avec de grandes marques d'amabilité…
Il était facile de prévoir que nous ne pourrions nous comprendre.
Heureusement, après quelques, minutes, le professeur Biccard, qui est vraiment un homme extraordinaire, eut l'idée de prononcer quelques mots en... français.
Aussitôt, à notre grand étonnement, un Martien âgé et d'aspect vénérable, se détacha du groupe et nous dit... dans notre langue :
Messieurs, je suis heureux de voir que, sur la Terre, on étudie aussi les langues mortes. Cela nous permettra de nous entendre.
(Ainsi, dans Mars, la civilisation est-elle beaucoup plus avancée que chez nous, puisque la langue la plus riche de la Terre n'y est plus qu'une langue morte.)
Puis il se présenta :
M. Wlatiscoque, directeur de l'Observatoire de Mzel.
Une heure après, nous faisions, dans Mzel, une entrée triomphale.
Dix minutes après, nous allions nous coucher.
 Les Terriens peuvent assister à un grand spectacle martien, la planète Mars portant le nom de Mzel en fait.

 
Nous avons assisté à une représentation de gala au Grand Opéra de Mzel.
Cette représentation était donnée — en toute modestie — en notre honneur, et aussi à l'occasion du progrès considérable qui vient d'être réalisé en Marsouinie, dans l'art dramatique.
Jusqu'à présent, en effet, toutes les représentations publiques avaient lieu, dans Mars, à l'aide de ce qu'on appelle - sur Terre — le cinématographe.
Or, depuis de nombreuses années, les Martiens cherchaient un autre moyen pour donner des spectacles.
C'est ainsi que, peu à peu, ils sont parvenus à simplifier cet appareillage compliqué.
Ils ont d'abord supprimé ce qu'on appelle ici « Laikran », puis ils sont arrivés à supprimer ce qu'on nomme, en martien. « La Pareille Deprot-Jaiklion ». De progrès en progrès, les savants, au lieu de montrer au public l'image des artistes, sont enfin parvenus à montrer les artistes eux-mêmes.
C'est à la première représentation où les artistes jouaient directement devant les spectateurs que nous étions conviés.
Disons immédiatement que tout se passa le mieux du monde et que la nouvelle invention fonctionna magnifiquement.
Un éclatant succès salua, à la fois, les vaillants artistes et les ingénieux inventeurs.
A la sortie de l'Opéra, on nous emmena dans un studio spécialisé dans les rétrospectives. Et l'on nous projeta le genre de spectacle qui précédait celui que nous vîmes ce soir : des images mouvantes et parlantes !
Et cela nous sembla bien désuet. 




Enfin, l'envoyé spécial de Paris-Soir peut livrer quelques nouvelles de la planète rouge:


Voici quelques « Petites Nouvelles » que nous envoie notre envoyé spécial dans Mars. Il nous transmet fidèlement les « Petites Nouvelles » d'un journal martien (« En avant… mars », pour préciser), afin que nos lecteurs puissent se faire une idée plus exacte de ce qu'on appelle déjà « la Planète-Sœur ».

Par suite d'une forte hausse dans le prix des produits chimiques servant à fabriquer artificiellement la « pomme de mars », ce précieux tubercule ne se produit plus qu'en infimes quantités. Une conférence internationale va se réunir à Mzel pour envisager les mesures à prendre.

L'arrivée des Terriens dans Mars a déjà été la cause d'un progrès dans la civilisation martienne. Interrogé par une journaliste de modes sur la signification d'un objet qu'il portait au bras, le professeur Biccard a expliqué que c'était un « parapluie ». Cet ustensile a été immédiatement adopté par nos élégantes... bien que ce qu'on appelle « pluie » soit complètement inconnu ici. Il paraît que le... « parapluie » peut aussi servir au cours des querelles de ménage. On verra bien...

Publié dans Paris-Soir, n° 3488 daté du 24 avril 1933.

A lire:
JH Rosny Ainé, Les Navigateurs de l'infini, collection ArchéoSF (un classique de la littérature martienne)
Allo ! la planète Mars, s.v.p. (anthologie), collection Sérendipité, éditions Bibliogs



mercredi 19 octobre 2016

[22-23 octobre] ArchéoSF au festival Scorfel de Lannion (Côtes d'Armor)

La collection ArchéoSF sera présente les 22 et 23 octobre au Festival Scorfel de Lannion (Côtes d'Armor) qui se déroule Salle des Ursulines de 10h à 18h. Entrée libre.
Pour cette occasion, ArchéoSF publie Imaginaire au Trégor une anthologie recueillant trois nouvelles  de Charles Le Goffic (fantastique et anticipation) à tirage limité (seulement 50 exemplaires numérotés), n'oubliez pas de réserver votre exemplaire! (écrire à @archeosf[at]gmail.com ).



mardi 18 octobre 2016

Le Quotidien de Montmartre 1929-1930 (3)

Troisième épisode de notre exploration du Quotidien de Montmartre publié en 1929-1930 qui est disponible sur Gallica (du n° 10 au n° 52). Pour lire la présentation du périodique, cliquez ICI. Pour retrouver tous les billets de cette série consacrée au Quotidien de Montmartre, cliquez ICI.

Dans le n° 29 daté du 23 mars 1930 Bernard Gervaise propose dans la rubrique "Les Gaités de la semaine" une réflexion à caractère anticipateur au sujet d'une prophétie scientifique. Remarquons que l'auteur confond les millénaires et les millions d'années.


Un prophète américain, le professeur Conrad Tharaldsen, de la Nordwestern University, a réussi à déterminer l'aspect que présentera l'humanité dans deux milliers d'années.
Selon lui, notre lointain descendant aura une tête énorme, un corps étique (à cause de la vie chère sans doute !) des bras menus, des jambes dérisoires et des sabots en guise de pieds.
En cet âge heureux, conclut le visionnaire, la terre sera devenue le royaume de l'intelligence pure.
Je crains bien que le distingué professeur se fourre le doigt dans l’œil. Dans deux millions d'années, l'humanité ne comptera sans doute plus pour grand'chose sur la terre devenue la propriété d'une race nouvelle dont les progrès devraient nous paraître déjà singulièrement inquiétants. J'ai nommé la race mécanique.
L'avenir appartient à la machine et, en particulier, à l'automobile qui tient déjà parmi nous une place prépondérante. Avant deux millions d'années, cet intelligent organisme aura certainement escaladé tous les barreaux de l'échelle symbolique sur lesquels les naturalistes placent les êtres vivants. Douée d'un cerveau comme un membre de l'Institut, de muscles comme un boxeur, d'un système nerveux comme une jolie femme, elle aura depuis longtemps parachevé la conquête de la planète et l'asservissement du genre humain.
Sous son règne, notre lointain descendant ne sera plus qu'un esclave docile chargé de construire des routes, pour ses promenades, de prospecter des nappes de pétrole pour sa consommation et de creuser des fosses pour ses petits besoins.

Bernard Gervaise

Dans le n° 32 daté du 13 avril 1930, Roger Salardenne nous entretient de "la femme électrique" et en imagine les conséquences. La nouvelle est illustrée par Marcel Mars-Trick. Le thème de la femme électrique est présent dans Zigzags à travers la science de Michel Verne (Photographie combinée. L'électricité chez soi) où une femme guérit les rhumatismes de son époux grâce à l'électricité produite par son corps. Chez Roger Salardenne le thème est plus coquin mais aussi plus dangereux...





M. Louis Forest, ayant publié dans le Matin un article sur l'électricité humaine, a reçu une lettre du célèbre professeur d'Arsonval dont nous extrayons ce passage :
« Tout le monde (homme et femmes, les femmes surtout) peut devenir électrique. C'est, en somme, l'électricité à la portée de tout le monde, comme dans le bouquin de notre ami Georges Claude. Il suffit, pour cela, d'être très sec (pas à la façon américaine) de peau et de vêtements et de les frotter l'un contre l'autre ».
Hein ? voyez-vous ça ? Nous pouvons devenir électriques ! Et surtout les femmes ! Ah ! posséder une femme électrique, quel beau rêve ! Comme ce serait pratique !... Pensez donc, pour avoir chez soi la T. S. F., il suffirait de brancher son poste sur le tuyau à gaz et le nombril de son épouse. Ce serait charmant !
Et peut-être qu'en installant un haut-parleur dans le... Hum !... Hum !... Enfin ! admettons, pour être correct, que ce soit dans la bouche ou dans l'oreille... On arriverait peut-être à entendre le poste de
Langenberg ou celui de Leipzig !
Une femme électrique, mais ce serait un bienfait pour l'humanité... Tenez, par exemple, en Amérique du Nord, au lieu d'électrocuter les condamnés à mort sur la sinistre chaise meurtrière, on les exécuterait d'une façon beaucoup plus agréable et beaucoup plus douce en les jetant tout simplement dans les bras d'une femme électrique... Au moment psychologique, une décharge de plusieurs centaines de mille volts expédierait instantanément le patient au pays des songes éternels. Et les assassins payeraient ainsi leur dette à la société.... voluptueusement. Evidemment me direz-vous, cela aurait aussi ses inconvénients. Le mari d'une femme électrique, en remplissant ses devoirs conjugaux, ne risquerait-il pas également de périr électrocuté ? Mais non, voyons, il lui suffirait de se munir d'un isolant, du caoutchouc, par exemple. Ce qui, en somme, ne serait pas si nouveau que cela...
Et puis, il y aurait sans doute moyen de couper le courant à volonté...
Et quel avantage pour la femme vertueuse !... Etant électrique, il lui serait facile de se protéger contre les assiduités des soupirants audacieux... Un monsieur polisson qui, voulant caresser la croupe d'une jolie femme, recevrait dans les doigts une décharge électrique, hésiterait certainement à recommencer.
Ou alors, c est le cas de le dire, il prendrait des gants pour renouveler son geste !
L'adultère, dans de telles conditions, deviendrait un petit jeu dangereux et on lirait très probablement à la troisième page des journaux quotidiens des faits-divers de ce genre :
« Mort tragique d'un Don Juan. — Un jeune avocat parisien, Me Dupont-Durant, courtisait depuis quelque temps l'épouse légitime d'un industriel de Levallois-Perret. Hier, il avait réussi à attirer la jeune femme dans sa garçonnière de la rue de Chazelles. Mais le malheureux ignorait que Mme X... était électrique. Il a été tué sur le coup. Son cadavre a été transporté à l'Institut médico-légal aux fins d'autopsie.»
Peut-être y aurait-il moins de cocus sur la Terre ?

Roger Salardenne, « La Femme électrique », in Le Quotidien de Montmartre, n° 32, 13 mars 1930, illustration de Marcel Mars-Trick

Suite du dépouillement ce périodique la semaine prochaine!

lundi 17 octobre 2016

Enigme du lundi #10: Mais que font ces gens?

Sur cette image datant de 1886, on voit plusieurs personnes face à des appareils de différentes tailles. Mais que font ces gens?


mercredi 12 octobre 2016

[nouveauté] Imaginaire du Trégor, 3 nouvelles de Charles Le Goffic

Dans la collection ArchéoSF, Imaginaire du Trégor, un livret à tirage limité, est mis en vente à partir du 22 octobre dans le cadre du festival Scorfel qui a lieu à Lannion (Côtes d'Armor) les 22 et 23 octobre 2016 (précommandes et réservations en bas de page).
Le livret Imaginaire du Trégor recueille trois nouvelles de Charles Le Goffic, né et mort à Lannion. 
La nouvelle fantastique La Maison des mines a pour cadre Poullaouen (Finistère). Un chasseur rencontre une étrange famille et est confronté à un revenant.
Autre nouvelle fantastique, Le Cheveu d'or: quand un double crime est commis au phare des Roches Douvres, quand toutes les explications rationnelles sont écartées, il ne reste plus qu'à accepter l'intervention d'une marie-morgane, fascinante sirène bretonne.
Enfin Le Secret du docteur narre le cas de conscience d'un médecin capable de soigner son ami et patient atteint d'un glaucome. Mais être l'amant de la femme de son ami peut tout compliquer...


















Caractériques techniques:
52 pages format A5, dos agrafé, couverture quadrichromie
Couverture: papier 220 grammes
Intérieur : papier 120 grammes glacé.
Tirage limité: 50 exemplaires + 10 exemplaires hors commerce.
Illustration de couverture: Roxane Lecomte

L'ouvrage est tiré à 50 exemplaires numérotés seulement. Il n'y aura pas de retirage. Vous pouvez réserver votre exemplaire en envoyant un message à archeosf[at]gmail.com


mardi 11 octobre 2016

Le Quotidien de Montmartre 1929-1930 (2)

Deuxième épisode de notre exploration du Quotidien de Montmartre publié en 1929-1930 qui est disponible sur Gallica (du n° 10 au n° 52). Pour lire la présentation du périodique, cliquez ICI. Pour retrouver tous les billets de cette série consacrée au Quotidien de Montmartre, cliquez ICI.

Le n° 22 daté du 2 février 1930 accueille une petite nouvelle ruritanienne signé le pseudonyme de Jean de Lozère (alias André Minot, 1888-1941) qui n'est pas un inconnu car il a aussi signé sous un autre pseudonyme André Romane un conte préhistorique : "La plus belle conquête".  "En exil" conte les déboires du prince Christophore de Boskovie qui vit un exil parisien qui lui est somme toute fort agréable mais qu'une révolution monarchiste dans son pays oblige à reprendre le trône, abandonnant les petites femmes parisiennes. La nouvelle est accompagnée de deux dessins suggestifs bien dans le ton du Quotidien de Montmartre.
Nous le reproduisons ci-dessous avec les illustrations :

En exil 
 

Le prince Christophore de Boskovie est une victime de la guerre.
Après quatre ans d'espérance,
Quand les peuples alliés
Avec les poilus de France
Ont moissonné les lauriers,
il a faussé compagnie à son peuple prêt à se révolter et est allé grossir le bataillon grossir le bataillon des rois en exil.
Comme il dispose d'une fortune assez rondelette, mise depuis longtemps à l'abri de tous risques dans les coffres du Crédit Lyonnais, il mena, dès son arrivée à Paris, une vie des plus agréables.
Depuis son abdication les Boskovites font, non sans déception, l'apprentissage de la République une et indivisible. Tandis que ses ex-sujets sont en proie aux luttes fratricides des factions politiques se disputant l'assiette au beurre gouvernementale. Christophore savoure l'illusion de se croire citoyen libre d'un pays libre.
Nul protocole, nulle tradition ne viennent guinder ses gestes et discipliner ses paroles ;
Il peut sortir de chez lui à toute heure du jour ou de la nuit, aller où et chez qui bon lui semble, sans qu'une escorte bruyante et chamarrée ou une garde occulte mais vigilante ne l'accompagne.
Plus d'audiences, de conseils de ministres, de réceptions d'ambassadeurs, d'inaugurations, de harangues et de discours, Christophore de Boskovie est libre et frétillant comme le poisson dans l'eau ou la bactérie dans un bouillon de culture et, pour comble de bonheur, il est l'amant, épris et chéri, de la petite Chouquette, des Folies-Bergères.
Pourtant l'habitude étant une seconde nature, il arrive encore à Christophore de fureter sous le lit de sa maîtresse avant de s'y aller coucher à ses côtés, comme si quelque espion, quelque policier ou quelque régicide pouvait se trouver caché sous sa couche, et, quand l'impatiente Chouquette lui demande d'une voix suave :
- Eh ! Bien, Cricri, viens-tu te plumer, qu'est-ce que tu fiches donc ainsi en liquette à quatre pattes sur la descente de lit, il revient à la douce réalité et, âme pure, coeur allègre, il se livre, sans plus attendre, aux délices de l'amour.
Une seule ombre ternit parfois l'éclat de sa félicité :
Ah ! n 'exilez personne, ah ! L'exil est impie.
V. HUGO.

La cause royale a gardé en Boskovie quelques partisans convaincus. L'influence de ce petit groupe de monarchistes résolus grandit chaque jour et Christophore ne peut se dispenser de remercier de temps en temps ces fidèles de leur zèle intempestif qu'il maudit en son for intérieur.
Car le bonheur est bref et les Dieux sont jaloux. Ebranlé par les coups de boutoirs de la réaction la république Boskovite tremble aujourd'hui sur sa base. Les chefs du mouvement monarchiste pressent de plus en plus Christophore de rentrer dans ses états où le peuple l'accueillera en sauveur et père de la patrie.
Christophore en perd le boire, le manger, le sommeil et le libre exercice de l'amour.
Et la catastrophe redoutée se produit ;
Un matin, tandis qu'il contemple, étendue en travers de son lit, la blonde Chouquette qui, telle la Tanit du poète, Rêve languissante, voluptueuse et nue, son valet de chambre, après avoir gratté discrètement à la porte, lui tend sur un plateau un télégramme que Christophore ouvre d'une main tremblante.
Il est ainsi rédigé :
« Victoire, Sire, victoire ! Les usurpateurs sont chassés ; Un gouvernement provisoire a pris le pouvoir au nom de votre majesté, que son peuple appelle à grands cris.
Léonidas Dodévich. »
- Nom de D… ! s'écrie Christophore.
- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiète Chouquette réveillée en sursaut.
Puis après avoir pris connaissance de la dépêche :
- En Bien ! Quoi, t'as qu'à les laisser tomber ces mufles-là. Abdique mon vieux Cricri. T'as bien un frangin , un n'veu ou un bon zigue quelconque qui acceptera de porter la couronne à ta place.
Mais le Faible Christophore sent bien qu'il n'aura pas le courage de rompre tous les liens qui le rattachent au trône.
Et, tandis que Chouquette lui suggère des solutions plus saugrenues les unes que les autres, il laisse, en bouillonnants sanglots d'enfant, couler sa lourde peine sur son pyjama de soie rose.

Jean de Lozère, « En exil », in Le Quotidien de Montmartre, n° 22, 2 février 1930


Le n° 23 daté du 9 février 1930 comporte un dessin humoristique d'inspiration préhistorique signé par le célèbre Dubout (1905-1976) invitant à lire Le Petit Néolithique sous le patronage de "Rausny et Né":



Le dépouillement de ce périodique est à suivre dès la semaine prochaine


lundi 10 octobre 2016

Enigme du lundi #9 : A quoi servait cette installation urbaine?

On ne voit plus cette sorte de matériel urbain. Celui-ci est le premier de son espèce à avoir été installé en 1930 à Paris. Mais à quoi servait-il?




jeudi 6 octobre 2016

Charles Wall, Dans mille ans au musée Dupuytren (1929)

Sur ce dessin, on peut apercevoir les cartels du musée dédié au football dans 1000 ans. On y trouve la momie de Jules Rimet (dirigeant de la Fédération Française de Football de 1919 à 1947), le squelette du championnat de France donné par Henri Jooris (dirigeant de la Ligue du nord de Football entre 1919 et 1932) et le ballon du match France-Hongrie, remporté 3 à 0 par l'équipe de France (don d'Henri Delaunay, secrétaire général de la Fédération Française de Football de 1919 à 1955).



 Publié dans Paris-Soir, n° 2014 daté du jeudi 11 avril 1929

mercredi 5 octobre 2016

Prix ActuSF de l'uchronie 2016 : Les Autres vies de Napoléon Bonaparte nominée !

L'anthologie Les Autres vies de Napoléon Bonaparte est nominée dans la catégorie Prix Spécial pour le Prix ActuSF de l'uchronie.  

Les Autres vies de Napoléon Bonaparte, uchronies & histoires secrètes est une grosse anthologie (720 pages ! ) disponible au format papier et numérique.
Elle recueille des textes patrimoniaux qui constituent les germes même du genre uchronique.

"Et si Napoléon avait suivi les traces d’Alexandre le Grand et envahi le Moyen-Orient? S’il s’était évadé de Sainte-Hélène à bord d’un submersible faisant furieusement écho au Nautilus? Si l’Empereur des Français avait conquis l’Amérique du Sud, avait coulé des jours paisibles dans une plantation de Louisiane? C’est tout cela et bien plus encore qui est raconté dans ce volume, consacré aux autres vies de Napoléon Bonaparte, celles qui n’ont pas existé."


Sommaire:

Napoléon Apocryphe – Louis Geoffroy
Histoire de ce qui n’est pas arrivé – Joseph Méry
Insanité – Alphonse Allais
Évasion d’empereur – Capitaine Danrit
Si Napoléon s’était enfui en Amérique – H.A.L Fisher


L'anthologie est disponible au format numérique (5,99 euros) et papier (29,50 euros) sur le site de Publie.net. Cliquez simplement ICI pour la commander.

mardi 4 octobre 2016

Le Quotidien de Montmartre 1929-1930 (1)

Le Quotidien de Montmartre était un journal non pas quotidien mais hebdomadaire dirigé par Jules Bastia. La collection numérisée disponible sur Gallica est incomplète (elle commence au n°10) mais rassemble tout de même 42 des 52 numéros parus.
Pour retrouver tous les billets de cette série consacrée au Quotidien de Montmartre, cliquez ICI.
On y trouve, à travers les 16 pages qui le constituent, des réflexions humoristiques sur l'actualité (surtout parisienne), des dessins souvent osés et des contes et nouvelles parrois lestes. Parmi les collaborateurs signalons les dessinateurs Dubout, Moisan, ... et les auteurs Colette, Roger Salardenne, André Romane (ou Jean de Lozère), Gabriel Timmory (dont ArchéoSf a proposé un texte A rires d'ailes en feuilleton), Gaston Derys (on peut lire l'amusante nouvelle d'anticipation L'Essence de baiser), Rodolphe Bringer (auteur de l'article du Journal amusant Allo!Allo! la planète Mars disponible sur ArchéoSF), René Virard (créateur du prix Scarron), Albert Verse, Tristan Berrnard...
Le journal est dirigé par Jean Bastiane pas confondre avec le réalisateur Jean Bastia) né en 1870 et mort en 1940.  Son patronyme serait  Simoni. Il était parolier, chansonnier, acteur, chanteur et on pouvait par exemple le trouver au théâtre des Deux Anes.
Jean Bastia en 1913, dessin signé Yves Marevéryl
(source Gallica)


 
Nous proposons une exploration du contenu relevant du domaine de la science-fiction, de l'anticipation et de la conjecture rationnelle dans ce périodique. Comme des lecteurs de ce site sont aussi amateurs de fantastique, nous indiquerons les références des textes et illustrations relevant de ce domaine.

Dans ce premier épisode, vous trouverez une bande dessinée un peu osée dans laquelle les Amazones découvrent l'amour avec un homme et une critique de Nora la guenon devenue femme de Félicien Champsaur.

Le n°11 paru le 17 novembre 1929 comporte une sorte de bande dessinée sur une pleine page, intitulé Amour vainqueur!, assez leste (tout au moins pour l'époque) dans laquelle des amazones s'emparent d'un homme... Le principal intérêt pour le dessinateur était vraisemblablement de montrer des femmes dénudées.









Le n° 13 daté du 1er décembre 1929 accueille le texte "Sortilèges" de Colette qui récuse les éléments fantastiques ainsi que la nouvelle "La Belle et la laide" signée JH Rosny Aîné (première édition en 1902 avec des reprises en 1904, 1923, 1927, selon les informations de l'incontournable site consacré à JH Rosny).

Le n°14 daté du 8 décembre 1929 comporte une courte critique de Nora, la guenon devenue femme (éditions Ferenczi et fils, 1929)  de Félicien Champsaur:


Le dépouillement de ce périodique est à suivre dès la semaine prochaine avec une nouvelle ruritanienne (un pays imaginaire d'Europe Centrale) et un amusant dessin préhistorique du grand Dubout en hommage à JH Rosny !