A sa manière ArchéoSF participe au débat sur la refondation de l'école avec le texte proposé le 28 décembre 1884 par M. A. Moullart, membre de la société savante ayant pour nom l'Académie des sciences, agriculture, commerce, belles-lettres et arts du département de la Somme. Le texte a été publié dans les Mémoires de l'Académie des sciences, agriculture, commerce, belles-lettres et arts du département de la Somme datés 1884.
L'auteur imagine un lycée réformé en 1989 (soit plus d'un siècle après) dans cette anticipation éducative.
Premier épisode ci-dessous:
UN
LYCEE EN 1989
par
M. A. Moullart
(28
décembre 1884)
Mesdames,
Messieurs,
Vous
connaissez
cet
état
délicieux
d'un
sommeil
sans
fatigue
où
l'on
se
réveille
en
achevant
un
songe
commencé.
La
raison
paresseuse
encore
et
sans
sévérité,
se
contente
de
mettre
un
peu
d'ordre
dans
les
combinaisons
ingénieuses
de
l'imagination
qui
continue
son
beau
voyage
celle-ci
était
partie
sans
sa
sœur,
son
guide
et
sa
lumière;
elle
termine
avec
elle
sa
course,
conduite
un
peu,
mais
plus
souvent
marchant
en
avant.
C'est
le
rêve
:
Voici
le
mien.
A
la
fin
du
mois
de
mai,
un
matin,
je
m'achemine
vers
le
lycée
de
garçons.
Il
est
construit
sur
le
plateau
qui
borde
la
vallée
dans
le
faubourg
Saint-Pierre.
L'architecte
a
eu
à
sa
disposition
un
terrain
magnifique.
D'une
terrasse,
à
la
limite,
sur
les
bords
de
la
route
de
Rivery,
on
domine
nos
marais,
nos
hortillonnages,
on
voit
fuir
et
se
perdre
la
Somme
dans
des
massifs
verts.
J'avais
pris
le
tramway,
au
bout
de
la
rue
Saint-Louis,
sur
le
boulevard
extérieur,
et
traversé
la
Somme
et
les
Etangs
près
de
la
solitude
Gresset.
Une
municipalité
active,
sans
faire
crier
le
contribuable,
(je
ne
sais
comment
elle
s'y
est
pris),
avait
achevé
le
boulevard
qui
forme
une
ceinture
autour
d'Amiens
agrandi
; de
l'autre
côté,
il
passait
à
travers
le
faubourg
de
Hem,
traversait
aussi
la
rivière
sur
un
large
pont
et
tournant
derrière
le
quartier
riche
et
peuplé
bâti
sur
l'emplacement
de
la
Citadelle
démolie,
il
arrivait
près
du
lycée,
joindre
le
réseau
de
l'Est.
La
grande
voie
centrale,
qui
forme
avec
les
rues
de
la
République,
des
Sergents,
Flatters
et
Saint-Leu
élargies,
une
artère
principale
de
la
cité
transformée,
amenait
les
écoliers
de
l'intérieur
de
la
ville.
Le
service
est
si
bien
organisé
que
des
points
les
plus
éloignés,
il
ne
faut
pas
plus
de
vingt
minutes
pour
arriver
en
tramway
au
lycée,
l'écolier
paie
dix
centimes
par
voyage
et
des
abonnements
réduisent
encore
ce
prix.
J'arrive
avec
un
flot
d'élèves
; quelques-uns
sont
venus
en
vélocipède.
Tous
n'ont
pas
ce
grand
trajet
à
faire
autour
du
lycée,
quelques
maisons
reçoivent
des
pensionnaires,
la
plupart
ont
des
jardins
spacieux,
la
loi
défend
aux
maîtres
d'avoir
plus
de
cent
internes.
Du
reste
des
inspecteurs
de
l'État
visitent
ces
établissements
comme
ils
visitent
les
usines
où
travaillent
des
enfants.
L'internat
est
supprimé
dans
les
écoles
publiques.
On
a
bien
jeté
les
hauts
cris,
paraît-il
« comment
nous
allons
avoir
à
nous
occuper
de
nos
enfants,
il
faudra
les
surveiller,
prendre
une
responsabilité
qu'il
était
si
commode de
rejeter
sur
l'Administration
! » Puis
après
avoir
crié,
on
a
trouvé
que
rien
n'était
plus
simple,
les habitants
de
la
ville
ont
gardé
leurs
enfants,
ceux
du dehors
ont
trouvé
pour
se
charger
des
leurs
des
familles amies,
des
professeurs,
les
pensionnats.
Dans
toute
la France, d'ailleurs on a ainsi séparé l'instruction de
l'éducation.
C'est
un spectacle nouveau pour moi que celui de ce grand lycée avec ses
vastes constructions, ses cours, ses jardins, ses allées, peuplé de
plus de douze cents écoliers. II n'y a pas d'élèves au-dessous de
douze ans. Dans les établissements, les seuls que je connusse,
j'avais constaté la présence d'innombrables marmots presqu'en robe
et je cherchais parfois les nourrices qui en avaient soin.
A suivre!