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vendredi 3 juin 2011

Le roman scientifique de JH Rosny par Georges Casella


Le texte suivant est extrait de l'opuscule écrit par Georges Casella en 1907 et publié sous le titre  J.-H. Rosny : biographie critique illustrée d'un portrait-frontispice et d'un autographe, suivie d'opinions et d'une bibliographie. Georges Casella montre l'antériorité de JH Rosny Aîné sur HG Wells et la fécondité du merveilleux scientifique.


Le roman scientifique



J.-H. Rosny, bien avant H.-G. Wells, a « utilisé » le merveilleux scientifique. Il n'est pas impossible que Wells ait été influencé par Rosny. Dans la Guerre des Mondes qui ressemble si étrangement aux Xipehuz, dans Place aux Géants qui rappelle comme impression le Cataclysme, c'est la lutte de l'humanité contre des races nouvelles. Mais alors que Wells écrit surtout pour divertir et impressionner, Rosny soulève l'angoissant problème de la vie et de la perpétuation des races. Chez Wells, l'homme est toujours vaincu ou près de l'être Dans la Guerre des Mondes, les Marsiens qui sont presque maîtres de la Terre ne doivent la mort qu'au hasard dans Place aux Géants les Géants dominent définitivement l'homme normal. Rosny met en présence deux espèces civilisées, l'espèce humaine triomphe.
Les Xipehuz sont des êtres bizarres, intelligents et doués d'une vie électrique. Voici comment ils apparurent aux hommes « mille ans avant le massement civilisateur d'où surgirent plus tard Ninive, Babylone, Ecbatane » :

C'était d'abord un grand cercle de cônes bleuâtres, translucides, la pointe en haut, chacun du volume à peu près de la moitié d'un homme. Quelques raies claires, quelques circonvolutions sombres, parsemaient leur surface tous avaient vers la base une étoile éblouissante comme le soleil à la moitié du jour. Plus loin, aussi excentriques, des strates se posaient verticalement, assez semblables à de l'écorce de bouleau et madrés d'ellipses versicolores. Il y avait encore, de-ci de-là, des formes quasi cylindriques, variées d'ailleurs, les unes minces et hautes, les autres basses et trapues, toutes de couleur bronzée, pointillées de vert, toutes possédant, comme les strates, le caractéristique point de lumière.

Ces Formes qui se multiplient avec une rapidité singulière vont-elles envahir le monde ? La lutte est inévitable, et le livre de Bakhoun (que feint de recopier Rosny) c'est l'histoire du massacre de deux Règnes « dont l'un ne peut exister que par l'anéantissement de l'autre ».
Mais après la victoire, Bakhoun s'écrie « Maintenant que les Xipehuz sont morts, mon âme les regrette. ». C'est la revanche d'une bonté impérieuse qui atténue l'orgueil de la force.
Cette bonté se manifeste toujours à l'égard des races nouvelles « Un charme adorable me pénètre à contempler les Mœdigen », dit le héros d'un Autre Monde, et Vamireh ira jusqu'à laisser la vie à ses adversaires les plus féroces.

En dehors de la curiosité avide de Rosny, de sa science profonde et sûre, de sa logique presque inquiétante (1), on distingue dans ses romans scientifiques un étonnement de penser que l'homme, entre toutes les races connues et inconnues, est le vainqueur définitif du globe. L'intelligence limitée des hommes ne sera donc pas dépassée lorsqu'elle aura atteint son apogée ?. N'y-a-t-il rien « au-delà des forces humaines » ? On devine que Rosny serait satisfait de prouver que nous ne sommes qu'intermédiaires. Et il crée des êtres doués d'une force supérieure et de moyens neufs d'action les Xipehuz, les Moedigen, les Vuren. Il a même écrit que les éléphants eussent été les maîtres du monde s'ils avaient eu deux trompes. Théorie de penseur influencé par Darwin, d'évolutionniste qui ne peut admettre qu'il soit possible de déterminer avec certitude un avenir plein de surprises.
Réalisant la prédiction de Flaubert « Plus il ira, plus l'art sera scientifique (2) », accomplissant le vaste programme que Zola imagina sans parvenir à le suivre tout à fait, Rosny a non seulement utilisé la science comme eût pu le faire un savant, mais il l'a chantée, magnifiée comme devait le faire un « savant-poète ». [...]

(1) Rosny est peut-être le plus puissant évocateur de ce temps. La sensation de vérité qui se dégage de ses oeuvres de fiction est poignante.
(2) Correspondance, 1852.




Georges Casella, J.-H. Rosny : biographie critique illustrée d'un portrait-frontispice et d'un autographe, suivie d'opinions et d'une bibliographie, Editions E. Sansot, 19047, p. 13 à 15.

1 commentaire:

  1. Un article passionnant qui remet sur le devant de la scène l'importance de l'œuvre de Rosny-ainé ( encore faut-il que sa valeur eût été une seule fois contestée) et qui nous montre à quel point au delà de l'écrivain de génie et précurseur des grands thèmes de l'anticipation moderne, il était également un scientifique ou du moins possédait un solide esprit scientifique doublé d'un philosophe, conscient de la place de l'homme dans l'échelle de l'univers et dont l'existence pouvait à tout moment être remise en question.

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