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jeudi 5 avril 2012

Etienne Joligler, L'Homme dernier cri

A quoi ressemblera l'homme du futur? HG Wells répondait que l'espèce humaine serait dans un lointain avenir séparé en deux avec les Morlocks et les Eloïs. Dans un artcile scientifique, L'Aventure humaine dans 500.000 ans Pierre Gauroy donnait quelques traits caractéristiques de l'homme du futur. Dans l'article qui suit, extrait du périodique Pêle-Mèle, Etienne Joligler estime que l'homme continuera à se trouver... beau.


L'Homme dernier cri

Il est hors de doute que dans un espace de temps plus ou moins reculé, la nature de l'homme, subissant l'influence de moeurs nouvelles, se sera modifiée, comme elle s'est déjà modifiée, d'ailleurs, depuis l'apparition sur la terre de nos premiers ancêtres.
C'est ainsi que l'usage des vêtements a fait, peu à peu, disparaître, les poils dont notre corps était couvert, et le temps n'est pas éloigné où la barbe et les cheveux seront devenus un anachronisme. Cela est si vrai, que ces derniers vestiges de notre pelage; ne tiennent plus que par miracle. La calvitie (une exception, autrefois) est aujourd'hui; générale, et il n'est pas jusqu'à ces dames, qui n'arrivent à établir leur chignon qu'à grand renfort de postiches
Donc, en l'an X, première caractéristique de l'homme dernier cri : La tête chauve comme un oeuf.
Passons maintenant aux dents.
Les dents, elles aussi, surtout depuis qu'il y a des dentistes, se trouvent affectées d'un tas de maladies inconnues du temps où les mâchoires robustes les premiers hommes dévoraient la viande crue.


De jour en jour, on leur demande moins de services.
Lorsque la nourriture sera vraisemblablement administrée en boulettes ou en injections, elles n'auront plus de fonctions à remplir, et en tant qu'organe, elles disparaîtront. Nous pouvons d'ores et déjà classer l'homme futur parmi les édentés.
Avant d'aller plus loin, je demanderai au lecteur de s'arrêter sur cette particularité que présente le nez humain. A part l'éléphant, le tapir et quelques autres (qui ne sont, du reste, que des exceptions apparentes, puisque; c'est leur lèvre et non leur-nez qui s'est développée d'une façon anormale , tous les animaux, y compris le singe, notre ancêtre probable... ont le nez dans la figure. Le nôtre seul s'en détache, formant un promontoire avancé, sans qu'il en résulte pour nous aucun avantage... au contraire, c'est aux dépens de sa propre sécurité. Il nous faut alors chercher l'explication de cette anomalie dans une cause artificielle et non naturelle. Cette explication est ; simple. La forme de notre nez provient de l'habitude que nous avons prise de nous moucher. Il est évident que l'homme n'a pas tiré sur son appendice nasal pendant des générations et des générations, sans arriver à le sortir peu à peu de sa figure. Comme il est vraisemblable : qu'il continuera dans la suite des temps, nous pouvons en conclure qu'en l'an X, il sera arrivé à faire de son nez quelque chose de long et de mince assez semblable à la queue (je ne dis pas la trompe d'un éléphant).
Son teint sera d'une couleur assez peu définie. Etant donné la diffusion des races, les alliances de plus-en plus fréquentes entre les êtres de différents peuples, on y trouvera un peu du jaune des Chinois, du brun des Malais, du blanc des Européens et du noir des Africains.
Une autre constatation, non moins incontestable, c'est que nos descendants seront de plus en plus myopes.
Causes :
Primo : La fatigue plus (fréquente avec l'instruction), de regarder de près les caractères d'imprimerie ou autres, signes petits,malaisés à saisir sans une application irritante à la longue
Secundo : Les lumières artificielles de plus en plus éclatantes et fatigantes d'autant.
Il en résultera pour l'oeil un développement excessif de l'orbite tel qu'en peut le remarquer déjà chez certains myopes de première marque. A côté de ces gens-là, les grenouilles actuelles passeront pour avoir les yeux en trous de vrille.
Comme vous le voyez, ce sera charmant.

Et je ne parle que du visage.
Mais l'homme, de quelque façon qu'il soit fait, est fait ainsi qu'il se trouve toujours le plus beau des êtres de la Création. En l'an X, il y aura encore certainement des poètes qui chanteront le sourire divin, le regard provocant, la blonde chevelure et le joli nez mutin de la dernière grisette du temps.
De même, en ce temps-là, ce sera comme aujourd'hui. L'homme, parlant tout seul, n'aura pas de contradicteur et il aura grande chance d'avoir raison.

Etienne Joligler.
L'homme dernier cri, Le Pêle-Mèle n°12, 13e année, 24 mars 1907

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