Il est des livres que je recherche depuis fort longtemps. La Tunisie en l'an 2000 du docteur Louis Carton en fait partie. Malgré des fouilles dans les catalogues des bibliothèques, des bouquinistes, dans les méta-moteurs de recherches je ne l'ai pas encore trouvé (et je pense que je ne le trouverai sans doute jamais).
Quelques informations glanées ici ou là donc seulement pour cet ouvrage: publié chez G. Van Oest et Cie en 1922, le livre est sous-titré Lettres d'un touriste en compte 256 pages. Le docteur Louis Carton (1861-1924), archéologue aujourd'hui contesté, a dirigé de nombreuses fouilles en Tunisie au temps de la colonisation (lire une biographie).
On trouve cet ouvrage mentionné dans des publications universitaires comme la dernière en date Clémentine Gutron, "Voyager dans le temps avec un archéologue à travers la Tunisie coloniale : Louis Carton (1861-1924) et sa Tunisie en l'an 2000" in Explorations et Voyages scientifiques de l'Antiquité à nos jours, Editions du CTHS, 2008.
Le pire est que le texte est là, à portée de clic sur le site Hathi Trust Digital Library mais qu'on ne peut le consulter de France. Il a été numérisé par Google mais on ne peut pas le consulter non plus. Si quelqu'un a une solution pour consulter le livre, je suis preneur!
Il me faut donc me contenter de connaître l'existence de cet ouvrage (à moins, je le répète que quelqu'un, peut-être un universitaire américain - il est dans plusieurs bibliothèques universitaires outre-atlantique en version numérique-, puisse me procurer une copie numérique du texte).
Pour vous faire partager d'autres (trop maigres) informations sur cette anticipation, voici la reproduction d'un article paru en 1922:
Docteur
Louis Carton, La Tunisie en l'An 2000
Sur
un homme et
une
oeuvre
Il
y
a
un
an
tout
juste,
les
personnes
qui,
en
ce
siècle
ingrat,
éprouvent
encore
de
l'émotion,
si
on
leur
parle,
si
on
les
fait
se
souvenir
de
la
beauté
antique,
ces
personnes
avaient,
frémi
d'indignation.
Car
Mme
Burnat-Provins,
tout
animée
elle-même
d'une
juste
révolte,
venait
d'écrire
un
article
sur
le
scandale
de
Carthage.
Carthage,
capitale
d'un
peuple
qui
a
fait
trembler
Rome,
est
à
.quelques
kilomètres
de
Tunis.
Rien
n'y
étant
gardé,
les
déprédations
qu'y
commettaient
les
visiteurs
étaient
inouïes.
Cette
terre
auguste
était
deux
fois
ruinée.
Une
cité,
dont
les
siècles
ont
répété
le
nom,
et
qu'il
eût
été
si
beau
et
,si
utile
pour
la,
France
de
relever,
servait
de
carrière
on
en
extrayait
des
marbres
pour
la
construction
! Incurie
de
l'administration...
Nous
nous
étions
fait
l'écho
de
Mme
Burnat-Provins,
et
les
lecteurs
du
Figaro
avaient
été
affligés
à
l'idée
de
la
détresse
de
Carthage.
Eh
bien
je
veux
aujourd'hui
les
réconforter
Tout
va
beaucoup
mieux
à
Carthage..
Le
docteur
Carton
vient
de
m'en
informer,
et
je
tiens à
communiquer
tout
de
suite
cette
bonne
nouvelle
à
ceux
que
la
mauvaise
avait
affectés.
*
**
Le
docteur
Carton
est
le
bon
ange
des
ruines
tunisiennes.
C'est
lui,
avec
de
P.
Delaltre,
qui
a
exhumé
les
palais,
les
temples,
les
fontaines,
tous
les
monuments
antiques
qu'on
peut
rencontrer
dans
cette
riche
région
de
l'Afrique
du
Nord.
Il
vit
pour
cette
œuvre
il
s'y
est donné
tout
entier.
Débarqué
à
Gabès
en
1886,
comme
aide-major,
dès
1887,
il
sent,
au
milieu de
cette
atmosphère
antique,
son
cœur
s'ouvrir
à
la
passion
de
l'archéologie,
et
il
a
presque
tout
de
suite
le
bonheur
de
dégager
une
grande
ruine
Dougga.
Il
a
travaillé
avec
Gaston
Boissier,
Georges
Perret,
Héron
de
Villefosse,
c'est
dire
qu'il
a
été
sous
les
meilleurs
maîtres.
Il
connaît
parfaitement
la
Tunisie
et
il
a repéré
tous
les
points
où
l'on
peut
espérer
les
plus
belles
trouvailles.
Aujourd'hui,
il
est
à
Bulla.
Regia,
non
loin
de
la
route
où
chevaucha
souvent
sur
sa
mule
saint
Augustin,
l'ancienne,
route
qui
reliait
Hipipone
à
Carthage.
On
a
dégagé
à
Bulla
Regia
des.
palais.
souterrains
qui
renferment
des
mosaïques,
des
pavements
de
marbres
multicolores
et
des
fresques.
On
y
trouve
encore
un
temple
d'Apollon,
un
théâtre,
des
thermes
qui
donnent
nettement
l'impression
que
cette
ville
fut
réellement
une
capitale.
Le
docteur
Carton
a
fait
aménager
là
une
citerne
qu'il
habite
et
d'où
il
dirige
les
fouilles. La
situation
a
donc
changé
à
Carthage
et
en
Tunisie
elle
s'est
améliorée
depuis
que
M.
Lucien
Saint
est
gouverneur.
C'est
lui
qui
ayant
compris
l'intérêt
qui
s'attache
à
ces
recherches,
les
a
encouragées
et
a
puissamment
soutenu
le
docteur
Carton.
Les
temps
héroïques
de
l'archéologie
tunisienne
sont
donc,
espérons-le,
révolus,
et
maintenant
va
s'ouvrir
une
période
de
réalisations
méthodiques
très
précieuses.
La
Résidence
a
déjà
accordé
une
forte
subvention
pour
Bulla
Regia,
et
les
élus
de
la
colonie
s'apprêtent
à
voter
une
somme
importante
pour
sau;ver
les
restes
de
Carthage.
Est-ce
donc
qu'il
y
aurait
aussi
de
l'argent
pour
des
entreprises
non
exclusivement
sportives
?
*
**
C'est
à
M,
Saint,
en
reconnaissance
de
son
appui
éclairé,
que
le
docteur
Carton
vient
de
dédier
La
Tunisie
en
l'an
2000,
un
volume
de
curieuse
anticipation.
Le
savant,
y
décrit
là
son
rêve
les
vestiges
carthaginois
retrouvés,
les
cités
antiques
déblayées,
et
toute
la
vie
des
anciens
mêlée
à
notre
existence
moderne.
Que
trouvons-nous
à
Carthage
aujourd'hui
?
écrit-il
à
peu
près
« On
sait
le
prestige
qu'exerce
en
tous
pays
ce
grand
nom
de
Carthago.
Tous
les
visiteurs
arrivent
l'imagination
surexcitée.
Tous,
quand
ils
s'en
vont,
sont
déçus.
Ce
n'est
pas
être
sincère
que
de
parler
avec
enthousiasme
des
célèbres
ruines
de
Carthage
et
de
n'y
offrir
que
quelques
monuments
abandonnés
dans
un
chaos
de
fondrières,
de
tas
de
pierres
et
de
villas
modernes.
Qu'on
se
hâte
donc
de
donner
au
service
des
antiquités
une
loi,'
un
personnel,
.les
fonds
nécessaires
pour
mettre
en
valeur
une
ruine
qui,
par
la
déception
qu'elle
cause
aujourd'hui
aux
visiteurs,
dessert,
au
lieu
de
la
servir,
la
Tunisie. »
Cet
appel,
M.
Saint
l'a
entendu,
je
l'ai
dit.
Le
docteur
Carton
peut
donc
écrire
ses
anticipations
dans,
la
pensée
qu'elle
correspondent
bien
exactement
à
ce
que
l'avenir
verra.
En
l'an
2000,
le
touriste
qu'il
amène
en
Tunisie
ne
souffre
d'aucun
ennui,
ni
contre-temps,
pour
lui-même,
ni
ses
bagages,
en
chemin
de
fer
et
dans
le
transbordement
à
Marseille
du
train
au
bateau.
Tout
est
parfaitement
organisé
et
s'accomplit,
pour
ainsi
dire,
automatiquement.
Mais
ici,
j'arrête
M.
Carton.
Croit-il
vraiment
que
dans
quatre-vingts
ans
on
voyagera
encore
par
voie
ferrée
et
par
steamer
?
N'aura-t-on
pas,
depuis
longtemps,
fui
les
wagons
incommodes
et
les
catastrophes
des
grandes
lignes
?
Qui
donc,
en
l'an
2000,
voudra
encore
prendre
un
autre
chemin
que
celui
des
airs
et
du
ciel?
Ah
oui.
peut-être
quelque
archéologue
amoureux
du
passé,
et
qui
rêvera
longuement
au
temps
des
chemins
de,fer,
comme
nous
rêvons
à
celui
des
diligences.
Enfin,
le
touriste
du
XXe
siècle
arrive
à
Tunis.
Tous
les
petits
défauts
que
l'on
peut
trouver
aujourd'hui
à
la
ville
ont
naturellement
disparu
elle
est
parfaite,
son
aménagement
est
irréprochable.
Mais
c'est
a
Carthage,
bien
sûr,
que
le
docteur
Carton
conduit
immédiatement
son
voyageur.
Quel
changement
! Les
temples,
les
palais
et
tout
un
quartier
de
la
ville
antique,
sont
dégagés,
mis
en
valeur,
exposés
à
l'admiration
des
visiteurs.
Que
s'est-il
donc
passé
?
Ceci,
tout
simplement.
le
Comité
des
« Amis
de
Carthage »
a
su
faire
adopter
par
l'administration
et
les
propriétaires
de
terrain
le
plan
qu'il
avait
conçu
et
les
mesures
à
prendre
pour
sa
réalisation.
Les
propriétaires
de
terrain
ont
compris
qu'ils
servaient
leurs
propres
intérêts
en
autorisant
des
fouilles
chez
eux.
D'autre
part,
un
décret
a
imposé
à
quiconque
voulait
bâtir
ou
planter
d'en
faire
la
déclaration
six
mois
à
l'avance,
afin
que
l'Etat
puisse
explorer
d'abord
le
sous-sol
et
exproprier,
.en
cas
de
découverte
valable.
Une
société
financière
est
venue
au
secours
des
«
Amis
de
Carthage,
elle
a
racheté
tous
les
terrains
intéressants
et
l'Etat
lui
a
prêté
son
,concours
pour
les
fouilles
et
la
restauration
des
ruines.
Voilà
par
quelle
méthode
Carthage,
en
l'an
2000,
est
devenue
l'un
des
points
du
globe
les
plus
fréquentés
par
toutes
les
personnes
cultivées
et
artistes.
Espérons
que
l'imagination
du
docteur
Carton
n'est
en
avance
sur la
réalité
que
de
quelques
lustres,
et
que
nous
pourrons
tous voir
les
merveilles
qu'il
nous
annonce.
Et,
en
tout
cas,
félicitons-le
de
sa
foi
et
de
sa
ténacité
il
agit,
et
agit
bien.
On
peut
le
remercier.
Sa
passion
sert
et
la
civilisation
et
la
France.
Eugène
Montfort,
Le
Figaro,
68e année, 3e série, n°106, 16 avril 1922
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