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jeudi 26 décembre 2013

Jules Lermina : Bavardage ( sur le futur ) ,1910



Jules Lermina a produit quelques textes de science fiction et des textes fantastiques aux côtés d'une importante oeuvre romanesque tendant vers le socialisme avec notamment des suites d'Alexandre Dumas ou d'Eugène Sue.
On trouve dans un numéro du quotidien L'Aurore ce "bavardage" dans lequel Jules Lermina se demande : "Que sera le monde de demain ?". Rappelons la proximité de Jules Lermina avec les milieux socialistes et anarchistes et que L'Aurore accueillait Zola, Clémenceau, etc.

Bavardage

Que sera le monde de demain ? Les utopistes d'autrefois ont toujours tablé sur le connu, pour le développer, l'améliorer, l'idéaliser. Que ce soit la République de Platon, la Cité du soleil de Campanella, l'Utopie de Thomas Morus, les fantaisies de Voltaire et dans des temps plus récents la Cité future, l'An 2000 de Bellamy et tant d'autres dont la liste serait interminable, on a toujours tablé sur les faits actuels ou les institutions existantes pour bâtir un système qui n'était après tout qu'une sorte d'épanouissement de ce qui était en ce qui peut être.
Aujourd'hui, il semble bien qu'il n'en soit pas de même et, en dépit des détracteurs du temps présent, il est bien difficile de ne pas avouer qu'un monde nouveau commence, scientifiquement, industriellement si dissemblable du passé que tout point de repère nous manque pour imaginer l'avenir.
L'aviation, dans la catégorie des conquêtes physiques, le radium, dans le domaine des sciences naturelles nous ouvrent des horizons tellement imprévus que même avec l'irnagination la plus envolée il est impossible de deviner ce que ces découvertes peuvent produire de changements, dans la vie sociale, dans les rapports des peuples entiers, dans la carte au monde, dans la configuration géographique de la terre.
Nos fils seront-ils plus heureux que nous ? C'est notre espoir, mais comme ce qui se modifiera le moins sera la mauvaiseté humaine, nous en sommes à nous demander si tous ces progrès ne seront pas exploités pour rendre plus âpre, plus féroce la lutte pour la vie et pour la domination.
Plus de frontières, c'est-à-dire plus de guerres plus de compétitions farouches pour un bout de terrain, €”plus de douanes, la production universelle servant à satisfaire les besoins de tous. sans monopole national, sans accaparement, et produisant le bien-être pour tous. Ce serait trop beau, comme aussi cette pensée nous éblouit de toutes les forces motrices produites par la matière elle-même par la radio-activité, domestiquée et mise au service de l'effort humain, réduit à un rôle de direction et d'intellectualité.
Voilà le rêve que peuvent former les utopistes d'aujourd'hui : mais ne sont-ils pas arrêtés par cette conviction que demain apportera encore des découvertes nouvelles, dont nous ne pouvons avoir aucune précision ? Qui sait si l'X de demain ne bouleversera pas toutes les notions acquises, de telle sorte que nous soyons pour les vivants futurs les hommes d'avant cet X, c'est-à-dire des sortes d'ignorants et de sauvages, comme nous disons aujourd'hui les préhistoriques ou les hommes du moyen âge.
Dormir mille ans -€” et se réveiller en l'an 3000, ce que très certainement, nous aurions l'air d'imbéciles ! Cette certitude rabat un peu notre caquet, pas vrai !


Jules LERMINA in L'Aurore, n° 4659, 10 août 1910

Image : Jules Lermina

Pour en savoir plus:
L'Effrayante aventure de Jules Lermina
Biographie de Jules Lermina
Bibliographie de Jules Lermina ( fantastique et SF)



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