Une
interpellation en 2896
L'INTERPELLATEUR. —
Messieurs, la situation est grave. Sous les ordres du gouvernement il
vient de se commettre l'acte de vandalisme le plus monstrueux que
l'histoire ait eu à enregistrer. Une armée de bûcherons, à la
solde de l'Etat, vient de s'abattre sur le Bois du Quai
d'Orsay, justement recherché des Parisiens. De quel droit s'est
donc autorisé le ministère pour agir delà sorte? Les distractions
qu'il offre au peuple sont-elles donc , si nombreuses, qu'il ne
craint pas de lui supprimer la plus chère? Y a-t-il nous dire que
les nécessités du budget l'ont poussé à ce crime ? Le pays
demande à ses représentants de mettre un terme aux abus du pouvoir;
la Chambre en a l'occasion, qu'elle la saisisse. (Applaudissements
sur tous les bancs).
M. LE PRÉSIDENT. —
La parole est à M. le Président du Conseil.
M. LE PRÉSIDENT DU
CONSEIL. — Messieurs, je n'ai que quelques mots à dire pour
justifier notre conduite. Le bois qu'on nous reproche d'avoir saccagé
n'a pas toujours été un bois (rires). C'était autrefois un
monument (nouveaux rires).
UNE VOIX. — Sous
Charlemagne ?
M. LE PRÉSIDENT DU
CONSEIL. — Ce monument, dit Cour des Comptes...
UNE VOIX (à
l'extrême-gauche).— A bas la noblesse !
M. LE PRÉSIDENT DU
CONSEIL. — La Cour des Comptes fut incendié en 1871. Peu de temps
après, le Parlement chargea le ministère d'élaborer un projet de
reconstruction. Ce projet fut soumis à une étude approfondie de la
part des bureaux ; il nous est enfin parvenu il y a 8 jours.
Devions-nous considérer la végétation qui s'était développée
naturellement, à l'endroit? Nous ne l'avons pas cru. La Chambre dira
si nous avons bien fait.
(L'ordre, du
jour, pur et simple, accepté par le gouvernement, est repoussé à
200 voix de majorité. Le ministère se retire).
L. Charme, "Une
interpellation en 2896", Le Pêle-Mêle, 2ème année, n°26, 27 juin 1896
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