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jeudi 3 décembre 2015

Charles Baudelaire, "Le monde va finir" (1880)

Rencontrer Charles Baudelaire sur ArchéoSF n'a rien de surprenant. Traducteur d'Edgar Allan Poe, il a côtoyé le merveilleux scientifique et eut même le projet d'un roman intitulé La Fin du monde cité dans les Fragments publiés en 1908 (Oeuvres Posthumes, éditions Mercure de France, 1908) avec cette mention:

La fin du monde. Un roman sur les derniers hommes. Les mêmes vices qu’autrefois. tances immenses. De la guerre, des mariages, de la politique parmi les derniers hommes. Les dernières palpitations du monde, luttes, rivalités. La haine. Le goût de la destruction et de la propriété. Les amours, dans la décrépitude de l’humanité. Chaque souverain n’a que cinquante hommes armés. (Éviter le dernier Homme) [Baudelaire fait référence au Dernier homme de Grainville]

Quelques autres textes méritent d'être annexés. Ainsi dans Fusées (paru à titre posthume en 1880), on trouve ce paragraphe sur le monde qui va finir:


Le monde va finir. La seule raison, pour laquelle il pourrait durer, c’est qu’il existe. Que cette raison est faible, comparée à toutes celles qui annoncent le contraire, particulièrement à celle-ci : Qu’est-ce que le monde a désormais à faire sous le ciel? — Car, en supposant qu’il continuât à exister matériellement, serait-ce une existence digne de ce nom et du Dictionnaire historique? Je ne dis pas que le monde sera réduit aux expédients et au désordre bouffon des républiques du Sud-Amérique, que peut-être même nous retournerons à l’état sauvage, et que nous irons, à travers les ruines herbues de notre civilisation, chercher notre pâture, un fusil à la main. Non ; car ces aventures supposeraient encore une certaine énergie vitale, écho des premiers âges. Nouvel exemple et nouvelles victimes des inexorables lois morales, nous périrons par où nous avons cru vivre. La mécanique nous aura tellement américanisés, le progrès aura si bien atrophié en nous toute la partie spirituelle, que rien, parmi les rêveries sanguinaires, sacrilèges ou antinaturelles des utopistes, ne pourra être comparé à ses résultats positifs. Je demande à tout homme qui pense de me montrer ce qui subsiste de la vie. De la religion, je crois inutile d’en parler et d’en chercher les restes, puisque se donner la peine de nier Dieu est le seul scandale, en pareilles matières. La propriété avait disparu virtuellement avec la suppression du droit d’aînesse; mais le temps viendra où l’humanité, comme un ogre vengeur, arrachera leur dernier morceau à ceux qui croient avoir hérité légitimement des révolutions. Encore, là ne serait pas le mal suprême.

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