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vendredi 27 janvier 2017

Pour nous servir [sur les automates], 1893

A la fin du XIXe siècle, les automates étaient à la mode. De là à imaginer qu'ils remplacent l'homme dans toutes les professions... C'est le pas que franchi allègrement Le Journal Amusant dans un article anonyme publié le 22 juillet 1893.

POUR NOUS SERVIR 

La mode est en ce moment aux automates. Car il y a une mode pour les découvertes de la science comme pour les jupes et les chapeaux. Un savant qui se couvrirait de gloire, en inventant, tel jour, quelque chose d'électrique, se rendrait ridicule le lendemain avec la même invention , si la mode avait changé.
Aujourd'hui donc on pioche ferme l'automate.
On en a déjà fabriqué de toutes les façons pour distribuer ceci et cela, pour rendre un tas de petits services automatiques fort appréciés.
« Mettez deux sous, et vous aurez une tablette de chocolat ou un bon conseil, ad libitum » , vous dit l'automate du coin.
Nous en avons une foule, de ces ingénieuses machines, depuis le chariot jusqu'au bœuf automate — pardon !
Mais ce n'est rien encore à côté de ce qu'on nous promet.
Un savant se flatte d'avoir trouvé l'automate domestique.
Toute une révolution!
Plus besoin de supplier pendant deux heures : 

Allons, Babel, un peu de complaisance, 
Mon lait de poule et mon bonnet de nuit.

Au rancart Babet. L'excellent bourgeois n'aura qu'à appuyer sur un bouton électrique, et immédiatement la porte s'ouvrira pour laisser passage à l'automate apportant le lait de poule, et venant poser le bonnet de coton sur la tête de son heureux propriétaire.
Pour les repas, aussi, quoi de plus commode?
Une cuisinière automate fait griller le bifteck avec cette conscience que seuls possèdent les automates— pas une seconde de trop sur le feu! aussitôt l'automate serveur prend le plat tout chaud et l'apporte sur la table, pendant qu'un deuxième automate apporte les assiettes.
Seulement il ne faudrait pas contrarier l'automate : une fois monté, il ne s'arrête plus, rien ne lui résiste, il suit son chemin tout droit.
Mais cela encore a son avantage.
Pour faire les courses, par exemple. Il n'y a pas à craindre que l'automate ne s'arrête chez le marchand de vin, ou qu'il n'aille bavarder avec les concierges du voisinage.
Et même lorsque le savant inventeur aura bien voulu livrer ses automates au commerce, l'administration des postes et télégraphes fera bien de se procurer tout un stock d'automates porteurs de dépêches, garantis sur facture, ne jouant pas aux billes au lieu de porter les petits bleus.
Plus fort encore!
Plusieurs savants se sont piqués d'émulation — autant se piquer comme ça qu'autrement— et sont en train de chercher le soldat automate.
Cette invention allégerait beaucoup les budgets de guerre de l'Europe et aurait l'avantage de préserver les vies humaines.
Dans les combats futurs, il n'y aurait en présence que deux armées d'automates admirablement réglés tirant avec une précision merveilleuse et chargeant aussi à la baïonnette.
La victoire appartiendrait au pays qui posséderait les automates les plus résistants.
En attendant, on parle de faire cultiver la terre par des automates laboureurs, ce qui diminuerait beaucoup les frais de main-d’œuvre. On pourrait trancher du même coup la question si irritante des grèves en peuplant les ateliers d'automates.
Les philanthropes applaudiront à toutes ces découvertes destinées à nous ramener l'âge d'or.
Grâce aux automates qui travailleront pour lui, l'homme vivra dans un perpétuel farniente.
Et voilà la question sociale résolue. 

A lire sur ArchéoSF:
L'infirmière automate de l'hôpital Bretonneau (1912)
H. de Brugière, Les aventures d'un automate 1, Un extraordinaire mendiant (1937)

Dans la collection ArchéoSF
Le Passé à vapeur, anthologie de textes proto-steampunk, version numérique, 4,99 euros ; version papier, 12,50 euros 
Ralph Schropp, L'Automate, version numérique, 1,99 euros

mercredi 25 janvier 2017

[Cinéma] L'Elixir capillaire (1910)

L'Elixir capillaire est un film Pathé sorti en février 1910. Il exploite un thème récurrent du cinéma muet : la pousse des cheveux incontrôlable suite à la prise d'un sérum. Selon les renseignements trouvés sur Internet le scénario est de Carlo Rossi (qui avait sa propre société de production en Italie) et l'acteur principal est Morano.

Le film ne semble pas être disponible sur les sites de visionnage. En voici le résumé fait par la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé:

Un vieux beau demande la main d’une jeune fille mais il est chauve. La jeune fille déclare qu’elle n’épousera pas un chauve. Mais, grâce à un élixir merveilleux, notre homme peut faire concurrence à Absalon. Il est agréé. Un jour, la bouteille se casse. La mère et la fille y trempent leur mouchoir et le portent à leurs visages. Catastrophe ! La fiancée se trouve pourvue d’une barbe de sapeur et la belle-mère d’une moustache à la gauloise ! Heureusement l’on trouve l’anti-duvet qui convertit les têtes de nos trois personnages en trois billes de billard !

dimanche 22 janvier 2017

Léon Bailby, Celui qu'on attend (1905), à propos du Potemkine

En 1905, la mutinerie du cuirassé Potemkine, de son nom complet Kniaz Potiomkine Tavritcheski, fait la Une dans la presse mondiale. En France, Léon Bailby imagine même un destin tout à fait autre pour le célèbre cuirassé, nous livrant une véritable anticipation qui pourrait être l'intrigue d'une uchronie !


Celui qu'on attend

Extrait d'un manuel d'histoire publié en l'an 2500...

En cette année 1905, déjà attristée par la guerre russo-japonaise, un incident inattendu se produisit, qui marqua le début de la Révolution en Russie.
Un navire de la flotte russe, le Kniaz-Potemkin, se mutina tout à coup, et vint faire cause commune avec les grévistes de la ville; d'Odessa, lesquels, étant pour la plupart israélites ou Arméniens, s'étaient concertés avec les agitateurs révolutionnaires pour appuyer la sédition du bâtiment russe.
Après que le cadavre d'un marin, tué dans la révolte, eut été exposé en grande pompe à Odessa, des obsèques solennelles lui furent faites. En même temps, un incendie était allumé par les grévistes, sur les quais du port, cependant que le Potemkin bombardait la ville.
L'amiral Kriéger, commandant la flotte de la mer Noire, essaya, il est vrai, de réprimer cette scandaleuse mutinerie. II se présenta dans le port Odessa avec tous les vaisseaux de sa flotte. Mais, soit défection des troupes régulières, soit manque de décision de l'autorité, le Potemkin passa devant le front des navires ; les canonnier s étaient aux pièces ; le chef civil qui commandait les mutins, avait ordonné le branle-bas de combat. Et devant l'allure résolue de l'équipage, aucun coup de feu ne fut tiré par la flotte régulière.
Dès lors, le Potemkin régna en maître sur la mer Noire. Soit qu'il abordât dans des ports étrangers, soit qu'il fît irruption dans les ports russes, il se faisait remettre des vivres, des munitions, il rançonnait les navires rencontrés, les obligeant à lui donner toutes leurs provisions de charbon. Il avait d'ailleurs de larges ressources, deux millions de francs, don d'un gouvernement étranger.
Le navire était devenu la terreur de tous les riverains. La Roumanie, la Bulgarie, et la Turquie avaient donné l'ordre à leurs fonctionnaires d'obéir aveuglément aux ordres du Potemkin, lequel, d'ailleurs, étant armé de pièces d'un fort calibre, aurait pu, en un instant, réduire à la raison les citadelles les mieux défendues. Les grandes puissances-européennes, terrorisées elles aussi par l'audace de ces pirates, et craignant des complications, n'osaient rien faire. La mutinerie durait depuis trois mois, et, en Russie, la Révolution s'étendait, gagnant le fond des provinces.
Un jour, les chefs du Potemkin ayant acquis dans leur aventure plus d'audace et d'habileté, résolurent de sortir de la mer Noire et d'aller porter ailleurs la dévastation. Le passage des Dardanelles serait facile puisque la Turquie avait fait connaître aux mutins que sa flotte n'était pas à craindre, tous ses vaisseaux étant encloués.
Tout à coup, dans la nuit du 25. septembre 1905, le matelot qui était de quart à bord du Potemkin signala un feu à bâbord qui semblait se déplacer d'une façon anormale. Les chefs du navire en étaient à peine prévenus, qu'une violente détonation retentit, que la coque du navire fut éventrée. Et, en quelques instants, l'énorme bâtiment, qui venait d'être torpillé s'abîma dans les flots.

Au grand jour, on n'apercevait plus, à la surface de la mer, que des épaves, au milieu desquelles naviguait un minuscule, torpilleur qui portait le pavillon japonais !
On sut depuis que ce petit bâtiment, déguisé en yacht de plaisance, avait franchi le canal de Suez, la Méditerranée et les Dardanelles. Il était envoyé par le mikado, qui, désireux de témoigner de ses bons sentiments envers la Russie, au moment où la question de paix était à l'étude, avait ordonné à un de ses navires de faire cesser une révolte que ni la Russie ni l'Europe ne s'étaient souciées de maîtriser.
Et, délivrées ainsi du vaisseau-pirate, grâce aux soins du Japon magnanime, les grandes puissances désormais commencèrent à respirer.

Léon Bailby, « Celui qu'on attend », in La Presse,
72ème année, Nouvelle série, n° 4788, 9 juillet 1905

samedi 21 janvier 2017

Pierre Giffard (1853-1922)

Le 21 janvier 1922 mourait Pierre Giffard.

Né le 1er juillet 1853, il fut surtout journaliste mais tâta aussi de la fiction.

Si son nom est attaché au roman en livraison La Guerre infernale (illustré par Albert Robida), Pierre Giffard est aussi l'auteur de La Fin du cheval (illustré par Albert Robida, publié dans le Petit Français illustré en 1898 et repris en volume cartonné l'année suivante) dans lequel il prévoit que l'équidé sera supplanté par la bicyclette et les moyens de transport automobiles. Le livre La Fin du cheval a été récemment réédité par les Presses Universitaires de Valenciennes (2015).







Conscient de l'évolution du monde et adepte des pratiques sportives, il fut le propagandiste de la bicyclette (c'est à lui que l'on doit son surnom de "petite reine" et il lança plusieurs grandes courses cyclistes classiques comme Paris-Brest-Paris en 1891), l'organisateur de la première course automobile au monde (Paris-Rouen en 1894) et le créateur du Marathon de Paris (1896).
Il est aussi à l'origine de la création du Paris-Brest après avoir demandé à son pâtissier de Maison-Lafitte de concevoir un gâteau en forme de roue (de vélo).
Politiquement, il fut républicain et Dreyfusard, ce qui lui valu des brouilles durables avec certains journalistes et auteurs comme le Comte (puis Marquis) de Dion, le créateur de l'entreprise automobile De Dion-Bouton  (à lire sur ArchéoSF de cet auteur: L'Automobile et la guerre future, 1906).

La presse de 1922 livre quelques nécrologies de Pierre Giffard rappelant essentiellement son rôle de précurseur dans le domaine des transports.


 In L'Aéronautique, février 1922

Dès 1923, un mouvement est créé, rassemblant différents comités sportifs, pour ériger un Monument Pierre Giffard. Il est inauguré en forêt de Saint-Germain en Laye à l'intersection des routes de Saint-Germain, de Maisons et de Conflans au lieu appelé La Croix de Noailles.
La comparaison entre une photographie prise lors de l'inauguration et une photographie contemporaine montre une différence...






Illustrations:
Pierre Giffard vers 1901 (source: Gallica)
Monument Pierre Giffard


jeudi 19 janvier 2017

André Arnyvelde, Un homme qui organise des voyages dans les planètes (1920)

André Mas a rêvé de voyages dans l'espace tant par la fiction (comme avec Les Allemands sur Vénus publié en 1914) que par l'essai scientifique. André Arnyvelde, dans le Figaro du 4 novembre 1920 lui consacre un article. André Mas a imaginé avec Emile Drouet une fronde destinée à propulser dans l'espace un engin habité, solution adoptée par Henry de Graffigny dans Voyage de cinq Américains dans les planètes (1925). Dans l'article reproduit ci-dessous c'est une autre solution pour s'extraire de l'attraction terrestre dont il s'agit.





Un homme qui organise des 

voyages dans les planètes



C'est très sérieux. Je vais arriver tout doucement à la Grande Chose, parce que je veux tenter d'être compréhensible. Et ce n'est pas trop facile. Il y a là-dedans du rêve, de la balistique, des racines carrées, des explosifs, beaucoup de candeur et une ferveur réellement communicative. Et, au bout du compte, il y aurait pour la France la possession d'un domaine colonial bien imprévu mais non sans envergure, puisqu'il s'agit pour nous d'être les premiers à planter l'étendard tricolore dans la lune, ou, si cela vous convient mieux, dans Vénus, dans Saturne, voire dans Jupiter. L'important, aux yeux du précurseur que je veux vous présenter, c'est que nous arrivions dans les planètes « avant les Yankees, les fils d'Albion ou les Allemands ». Voilà pourquoi ce précurseur inonde en ce moment les journaux et les grands groupements nationaux d'une circulaire annonçant « Le Voyage aux planètes par le projectile téléserpique ». Il souhaite, de la sorte, que l'on prenne date. Il faut que l'Histoire atteste que c'est la France, qui a fait le premier geste. Gesta per Francos. Et quel geste !…

Pour commencer par le commencement, je dis que si la France arbore un de ces jours son pavillon dans la Lune, dans Saturne ou dans Jupiter, c'est parce qu'il y a trente ans les parents de M.André Mas firent, pour ses étrennes, cadeau à leur fils, alors âge de sept ans, de L'Astronomie Populaire de M. Camille Flammarion. Il est bien certain que beaucoup d'enfants ont reçu en étrennes, depuis qu'il fut imprimé, ce livre propice aux rêves vastes. Et sans doute il n'est un seul de nous qui, tant par Flammarion que par Jules Verne ou par Wells, ne fût poussé à contempler le ciel avec la douce et angoissante envie d'y aller faire un tour... Mais M. André Mas fut saisi de cette envie avec une véhémence singulière, puisque voilà trente ans maintenant qu'il n'a cessé un seul jour de rêver,
étudier, combiner, échafauder les moyens d'y aller réellement.

Ces moyens, je les sais. Il me les a dits. Ils sont de deux sortes. Il y a la projection dans l'Infini par grande Roue, et par douilles. Quant au retour sur la Terre, qui a son importance, s'il n'est pas prévu par le système grande Roue, il est assuré par le système des douilles, à condition de garder quelques-unes de celles-ci en réserve…

M. André Mas est un homme jeune, grand, maigre, il porte un lorgnon comme tous les mathématiciens, il parle très simplement des choses les plus effarantes, et je tiens que vous mettriez plus d'emphase à parler de Madagascar ou de Tombouctou qu'il n'en met à dire : - Dans la colonie lunaire... Par malheur, il est employé dans une importante banque anglaise de Paris, et il fait grand cas des objections que ses camarades, les employés de cette banque, présentent à ses itinéraires intersidéraux.

Et voici : pour quitter notre monde, il faut et il suffit que la vitesse, à la sortie de notre atmosphère, soit égale à la vitesse-limite (11.309 mètres dans la première seconde). Qu'est-ce que c'est que cette vitesse-limite ? M. André Mas s'est donné beaucoup de peine à me l'expliquer. Je n'ai pas bien saisi. Au demeurant, il m'a confessé « qu'il avait toujours été cancre en mathématiques, et qu'il voyait les choses plutôt sous le jour imaginatif ». Il a ajouté qu'il regrettait fort l'absence de son beau-frère et collaborateur qui, lui, était très calé en la matière.

Dans une petite étude parue en 1913, M. André Mas et son beau-frère ont expliqué ce qu'ils entendent par vitesse-limite. Il s'agit d'échapper à l'attraction terrestre, et pour ce, de partir avec une vitesse initiale égale à la longueur du diamètre (ou rayon) terrestre. La pesanteur diminuera en proportion des rayons d'éloignement. Elle est quatre fois moindre à une hauteur égale la longueur du rayon de la terre. L'attraction tombera au 100e à dix rayons, soit 63,660 kilomètres, elle tombera au 1/10,000e à 100 rayons...

Voilà le grand secret. Le reste n'est, plus que d'engins propulseurs. Laissons la roue, qui ne nous garantit pas le retour. Le voyage par douilles est beaucoup plus sûr. Le projectile est engainé dans une douille d'acier, chargée d'une poudre « très vive ». Le tout est engainé dans une deuxième douille, celle-ci dans une troisième, et ainsi de suite. La nombre des douilles engainantes est illimité. Les douilles se développant à la suite les unes des autres, « à mesure qu'elles détonent », tout le système joue comme un énorme « canon accélérateur » et la vitesse croit en proportion arithmétique...

Mais vous souriez. Vous soulevez mille objections, Comme les employés de la banque où travaille M. André Mas. Je vais vous affirmer quelque chose : M. André Mas connaît aussi bien que vous toutes les objections. Il travaille patiemment à les résoudre. Il est doté d'une invincible foi. Et quand c'est trop compliqué pour lui, il demande à son beau frère.



André Arnyvelde.

A lire sur ArchéoSF:
André Mas, "La conférence de Washigton et le partage de l'espace" (1922)

Dans la collection AchéoSF :
André Laurie, Les Exilés de la Terre
Samuel Henri Berthoud, Voyage au ciel
JH Rosny, Les Navigateurs de l'infini

mercredi 18 janvier 2017

[cinema] Le Barbier fin de siècle (1896)

Le Barbier fin de siècle, court métrage de 1896, n'est pas à proprement parler un film relevant de la conjecture. Il s'agit plutôt d'un film à trucs, dans la veine de Georges Méliès, à l'effet saisissant !
Produit par Pathé films, distribué aux Etats-Unis sous le titre The up to date barber, les acteurs et le réalisateur du film sont anonymes.




mardi 17 janvier 2017

Soutenez ArchéoSF et Publie.net !

Le site Publie.net permet désormais d'acquérir directement les ouvrages de la collection ArchéoSF (format papier et numérique). 

Ce sont plus de 40 titres qui sont disponibles avec des ouvrages de référence comme les anthologies Les Autres vies de Napoléon Bonaparte (uchronies & histoires secrètes), nominée pour le prix ActuSF de l'uchronie en 2016, Paris Futurs, Les Ruines de Paris, Le Passé à vapeur (textes proto-steampunk, préface d'Etienne Barillier), des ouvrages indisponibles par ailleurs tels Une Ville souterraine de Charles Carpentier, L'Amour en mille ans d'ici de Gustave Marx ou Zigzags à travers la science de Michel Verne.


Découvrez tout le catalogue d'ArchéoSF en cliquant ICI et n'hésitez pas à parcourir le catalogue de publie.net !

lundi 16 janvier 2017

[critique] Jacques Spitz, L'Agonie du globe (1935)

Le 16 janvier 1963 mourait Jacques Spitz, auteur de plusieurs ouvrages de science-fiction.
En 1935, lors de la parution de son premier roman L'Agonie du globe, Abel Manouvriez publia cette critique:



M. Jacques Spitz fait la supposition que voici : à la suite d'une série de catastrophes, inondations, raz de marée, éruptions volcaniques, secousses sismiques, le globe se dédouble, et chacun des deux hémisphères s'en va de son côte : d'une part l'Europe. l'Asie et l'Afrique, de l'autre le Nouveau-Monde. Au lieu d'une seule planète, il y en a désormais deux, d'abord réunies par la même atmosphère et entre lesquelles les communications sont possibles par avion et par T. S. F.,ensuite complètement distinctes, parce qu'à mesure que l'écart qui les sépare s'est accentué, tout moyen d'entrer en relations est devenu illusoire.
Sur cette donnée, M. Spitz construit un roman d'anticipation à la façon de Jules Verne. On imagine sans peine, en effet, les troubles de tout genre qu'un événement pareil a pu produire dans l'humanité. Le pire est qu'on peut s'attendre aux plus graves éventualités : les observations des astronomes établissent que la rotation commune des deux masses terrestres, se produisait dans un plan incliné de 5° 8' 48" sur l'écliptique. Or, l'orbite lunaire est précisément inclinée sur l'écliptique du même nombre de degrés. Par suite, dans le même plan et autour du même point — l'ancien centre de la terre — se trouvent graviter trois masses : la lune. l'Ancien Monde et le Nouveau. L'écart entre ces derniers allant toujours en augmentant, une collision de l'une d'elles ou de toutes les deux avec la lune va devenir inévitable.

Les calculs des savants déterminent que la rencontre de l'Ancien monde avec la lune, se produira à une date qu'ils ont exactement fixée. Dès lors, les hommes vivront dans l'attente de la fin du globe, comme les contemporains de l'an mille. M. Jacques Spitz énumère plaisamment les traits distinctifs des réactions de chacun. En France, ce furent des demandes de mise à la retraite dans la classe bourgeoise et semi-bourgeoise ; en Angleterre, ce fut une recrudescence sans précédent de la consommation du whisky. Les compagnies d'assurances sur la vie font faillite, l'administration des pompes funèbres n'enregistre plus une seule demande de concession à perpétuité ni l'Académie française une seule candidature à ses sièges vacants. La veille de la date fatale, le pape Léon XVI a donné son absolution à tous les peuples de la terre. Quant au gouvernement français, il a constitué, conformément à nos vieilles traditions démocratiques, un Comité de salut public
qui a publié, à l'usage des électeurs français, un superbe message dans lequel l'humanité, à la veille de disparaître, est félicitée d'avoir rempli dignement sa mission historique.
Ce n'était, d'ailleurs, qu'une fausse alerte. Les savants s'étaient trompés dans leurs calculs. Ce n'est pas l'ancien monde, c'est le nouveau, qui rencontre la lune et est pulvérisé. Alors, -l'affolement se calme, les fuyards regagnent les villes, chacun reprend sa tâche interrompue au 'point où il l'avait laissée. Au Parlement, l'opposition interpelle le chef du pouvoir dont la légèreté a plongé la population dans une angoisse aussi inutile. Le ministère est renversé. La vie ordinaire, en un mot, a repris...

Le roman de M. Jacques Spitz est des plus amusants. Les jeunes gens y trouveront des aventures extraordinaires qui leur rappelleront Jules Verne ou Wells. Les autres goûteront plus particulièrement la satire souvent imperceptible sous le ton légèrement ironique qui fait le sel dé ce récit. L'Agonie du globe est écrit par un pince-sans-rire, dans le style des journaux d'information ou des proclamations gouvernementales. Il contient des pages impayables. 

Abel Manouvriez, critique de L'Agonie du globe, Ric et Rac n° 347, 2 novembre 1935 

Illustrations: couverture de l'édition de 1935 et de l'édition de 1977. 

jeudi 12 janvier 2017

Pola in der Zukunft / Pola (Pula - Pulj) dans l'avenir (vers 1905?)

Poursuivons notre exploration des cartes postales réalisées à partir de photo-montages et présentant des vues de l'avenir de villes européennes.
Pula, Pola en italien ou Pulj en slovène, est située en Istrie sur les bords de la mer Adriatique. Elle a appartenu successivement à la République de Venise, à l'Autriche-Hongrie, à l'Italie, à la Yougoslavie et est aujourd'hui slovène. La légende est ici en allemand et en italien. Certains éléments du photo-montage sont identiques à ceux utilisés sur une carte postale commercialisée en France vers 1905 et intitulée "Paris futur, les grands boulevards".


mercredi 11 janvier 2017

[cinéma] La découverte du Docteur Mitchoff (1912)

Pathé a été l'une des firmes éditrices de cinéma très importantes au niveau international avant la Première guerre mondiale. Son catalogue recèle des titres relevant de la conjecture. Malheureusement beaucoup de films muets sont considérés comme perdus. Parfois il en reste des traces comme un résumé, un scénario, une affiche ou des photogrammes. Nous savons par exemple que la Cinémathèque de Toulouse conserve dans ses collections l'affiche de ce film (dessinée par Candido Aragonez de Faria ) et que deux exemplaires du scénario sont disponibles à la BnF. Nous nous contenterons donc du résumé publié sur le site de la Fondation Jérôme Seydoux - Pathé :


La découverte du Docteur Mitchoff, février 1912
Pathé frères
270 m

Le docteur Mitchoff vient de faire une surprenante découverte qui lui permet de fixer dans l’oeil d’un mort les traits de la dernière personne qu’il a fixée. Le savant soumet au commissaire de police Lenoir sa découverte, d’une si haute portée pour la police et à laquelle elle doit fournir désormais, en matière de crime, la preuve irréfutable de la culpabilité. Justement, on téléphone du commissariat qu’un crime vient d’être commis. C’est l’occasion d’expérimenter la nouvelle méthode sur la victime, l’usurier Nathan Gobsek. L’expérience réussit parfaitement. Peu à peu, sur l’oeil se dessine une image. Mais à mesure, les yeux du commissaire s’emplissent d’épouvante. Bientôt, il ne peut plus douter de l’évidence, ce sont les traits de son fils qui sont fixés sur la rétine du cadavre. Le malheureux père, après avoir confessé son fils que des dettes de jeu ont acculé au crime lui indique, en lui tendant un revolver, la seule voie qui lui reste à suivre et le fils coupable se fait justice.

Illustration : annonce de la sortie du film parue dans Ciné Journal n° 186 du 16 mars 1912

mardi 10 janvier 2017

[uchronie] Pierre Soymier, Si la TSF avait existé... aux galères (1935)

Les dessins uchroniques d'humour ne sont pas très courant... en tout cas en 1935. Pierre Soymier a produit une oeuvre abondante mais n'a abordé que marginalement la conjecture. Ici il imagine une histoire alternative dans laquelle la TSF donne le rythme aux galères:


Pierre Soymier, Si la T.S.F. avait existé... in Ric et Rac n° 310, 16 février 1935

samedi 7 janvier 2017

En 2017 : Très curieuses prophéties de Thomas-Joseph Moult sur les événements contemporains

Thomas-Joseph Moult est un auteur mystérieux. ArchéoSF a présenté quelques informations (douteuses) à son sujet (lire sa biographie).
Dans les Très curieuses prophéties de Thomas-Joseph Moult sur les événements contemporains on peut lire à propos de l'année 2017:




Ce billet fait partie d'une série consacrée à l'année 2017 vue par les auteurs du passé (prophétie, anticipation, prospective). Pour retrouver tous les billets de cette série, cliquez ICI

vendredi 6 janvier 2017

[Epiphanie] Fabophilie : les fèves "Romans de Jules Verne"

Le Centre International Jules Verne a publié une série de fèves sur le thème des romans verniens :



jeudi 5 janvier 2017

Świdnica dans l'avenir / Schweidnitz in der Zunkuft (vers 1910?)

Avant Photoshop, les concepteurs de cartes postales utilisaient le photo-montage, plaquant sur des vues photographiques d'une rue par exemple des éléments qu'ils pressentaient comme des anticipations de l'avenir.
Ici une vue de la ville qui se nommait Schweidnitz jusqu'en 1945 et les modifications de frontières entre la Pologne et l'Allemagne.


Plusieurs cartes postales datant d'avant la Première guerre mondiale proposent ce type de vues en utilisant sur le procédé du photo-montage.

mercredi 4 janvier 2017

[cinéma] Polidor en l'an 2500 [Polidor nel 2500] (1916)

En 1916, une annonce du cinéma Max Linder (Paris) parue dans la presse indique un titre de film : Polidor en l'an 2500. Le titre est évocateur, l'artiste, Polidor, oriente immédiatement vers le burlesque.




Sous le pseudonyme de Polidor se cache Ferdinand Guillaume. Né à Bayonne le 18 mai 1887, il est naturalisé italien et meurt le 3 décembre 1977.
Ferdinand Guillaume a joué dans une cinquantaine de films burlesques dont il était aussi le réalisateur. En 1910, il crée en Italie le personnage de Tontolini qui est une sorte de précurseur de Charlot, puis, en 1912, il devient Polidor. Le passage au cinéma parlant efface son nom comme pour beaucoup d'acteurs et de réalisateurs du muet et il serait oublié s'il n'avait pas reçu l'hommage (et quelques rôles) de la part de Federico Fellini. Sa carrière en temps que Polidor débute au sein de Pasquali e C. ensuite il travaille pour Caesar film (compagnie fondée en 1914).

En octobre 1916, Ferdinand Guillaume réalise et joue Polidor nel 2500. Ce film semble perdu mais l'on peut trouver quelques résumés en italien qui nous livrent l'essentiel de l'intrigue. Ce métrage (de 377 mètres soit environ 5 minutes), caractérisé comme une "fantaisie humoristique" dans la publicité du cinéma Max Linder pourrait être résumé ainsi : Polidor est projeté dans le futur et les "sources contemporaines décrivent [le film] comme une vision grotesque de l'avenir, avec Polidor qui s'agite entre machines monstrueux et dragons mécaniques(1)". 
L'intérêt du film est aussi historique car il s'agirait de la première anticipation du cinéma italien. 
Quelques autres titres de la série pourraient possiblement relever de la fantaisie conjecturale comme Polidor fa le iniezioni (octobre 1912, Polidor fait des piqûres); Polidor électrique (Polidor electrico, VO avril 1913; VF mai 1913); Polidor géant (Polidor gigante, VO janvier 1914, VF 27 février 1914)  L'Invenzione de Polidor de juin 1914 (sorti en Grande Bretagne sous le titre Polidor's invention en septembre 1914)...
Malheureusement, comme c'est le cas de beaucoup de films muets, tous ces films semblent perdus... 

Source illustration: Encart publicitaire paru dans Le Gaulois daté du 1er décembre 1916 (Gallica)
(1) Cité dans L. Pastore, in La vita cinematografica, Torino, 7 gennaio 1917, cit. in Valerio Martinelli, Il cinema muto italiano. I film della grande guerra. 1916, vol. I, 41.

Cet article fait partie d'une série consacrée aux "films oubliés"

mardi 3 janvier 2017

Une soirée en l'an 2000, revue... d'anticipation d'année (1929)

Les soirées sur le thème de l'an 2000 ont traversé tout le vingtième siècle. Elles échappent pourtant à notre connaissance le plus souvent mais parfois la presse en rend compte.
En 1929 chez M. et Mme R... I... se tint Une soirée en l'an 2000, revue... d'anticipation d'année. La Rampe, périodique consacré aux spectacles, en livre un compte-rendu nous permettant d'imaginer cette folle nuit :


Chez M. et Mme R... I...

UNE SOIRÉE EN L'AN 2000
Revue... d'anticipation d'année.

Les événements qui viennent projettent leurs ombres en avant.
(Thomas Campbell )

Par un coup de la baguette magique de Mme R... I... nous fûmes transportés un soir dans les arcanes de l'an 2000.
Dépassant Mme de Thèbes,enjambant Mme Fraya, notre amphitryonne nous dévoila les mystères de cette année 2000 que nous n'envions pas et que nous espérons bien ne jamais atteindre.
N'importe, dans ce domaine, où la fantaisie était reine, chacun put donner libre cours à son esprit.
Aidés par Paul Colin, les Maîtres de la maison s'étaient transformés en masculinité et en.... au fait en quoi était M. R... L... ? Quant au décorateur, il avait composé une Marianne ridée, amochée et flétrie. Stupéfiant et magnifique se présentait l'intérieur. On entrait par une sorte de Galerie souterraine, habitée par des bruits d'avions, de klaxons et d'appareils nouveaux et inconnus -- puis on nous précipitait dans un bar tenu par six nègres, le toise nu et les verres pleins — le salon vous attirait par ses machines abracadabrantes, ses hublots « enciélés « et sa scène tournante.... Les invités se pressaient et tentaient de s'asseoir, mais on ne trouvait plus de chaise cette année-là, des cercueils les remplaçaient.
Un individu — quelque peu gris et même noir lut très remarqué ; c'était exactement la reproduction d'un des malheureux de1929 : habit, carcan, cravate blanche, cheveux plats, pieds serrés dans des sortes de cartons noirs durs et étroits un ridicule qui remporta un gros succès de rire !...
Pol Rab et ses amis descendent d'un aéronef, Gustave Baehr de Mussolini et Mlle Rosambert, de la mode 1949...
Mais l'aviateur Moriss annonce la revue En plein dans l'deux mille, de Pierre Varenne (de cette année) et Henri Dumont (Ids) ; et très applaudi-, évoluant allègrement malgré le poids des années, Sim Viva. plus adorable que jamais. Nina Myral, plus spirituelle, Yvonne Guillct, plus en voix, Pizani. plus en forme. Paul Ville, plus en mémoire, Dalio, plus comique, et le reste plus joli nous firent apprécier le « cru » de cette année.
Marie Dubas distribua la gaieté par son sourire, Carlos Gardel, la passion par le sien. Clarel, le rire par ses jambes et le quatuor Moussorgski, l'harmonie par ses voix ! Robert Blinder applaudissait Nina Myral ; Géo Bury réclamait Sim Viva, M. X... réclamait tontes les femmes. Les réclamations n'étant pas admises, elles n'eurent pas de suite. Pierre Humble nous prouva qu'il est un organisateur de génie, et. Moriss, un speaker de grande allure...
M. Fernand Ranzina doit également être à l'honneur, car il lut à la peine pour la machinerie, les rappels de texte et la bonne ordonnance du spectacle.
Quant à Mlle Dorys Casanova, ravissante et vivante, Mlles Colette Hayes, Ginette et Madv Genesky, Maguy Roche et Renée Terrier, elles amusèrent la scène de leur charme et de leur brio.
Et comme c'est l'allure qui nous fait vivre, a dit l'autre, on a vécu double ce soir-là, et M. et Mme R.... I s'en sont aperçus. Pendant la revue, notre exquise hôtesse et Mme M.... M.... esquissèrent une danse fantaisiste (réglée par Malatzoff) parfaitement réglée et admirablement dansée, 2000 pas sur 2000 ans ! et Mmes Déléage. Eugène Lévi, Parmentier et M. André Meyer firent preuve d'un joli brio dans leur danse grippée (!).
A 6h30 du matin, on nous servit le café au lait (on en prenait encore à cette époque-là) et comme le centenaire Moytet prenait la porte, nous l'aidâmes dans son vol, et nous le conduisîmes en riant et en chantant à sa dernière demeure.
Ainsi nous enterrâmes dignement et avant sa naissance, la déjà fameuse deux millième année. 

in La Rampe, 15 février 1929 

dimanche 1 janvier 2017

ArchéoSF vous souhaite une bonne année 2017 !

ArchéoSF vous souhaite une bonne année 2017 avec ces quelques cartes postales "Vers l'avenir".
Le timbre à date donne des envois entre 1914 et 1916 pour ces cartes. Le Rijksmuseum d'Amsterdam possède un tirage photographique original de cette oeuvre de P. Mastroianni et indique qu'il s'agit d'une sculpture faite en argile.

La première présente un texte en français et en allemand (vers l'avenir) :
La légende de la seconde est uniquement en français:
Pour la troisième, la mention "Bonne année" est absente: