La semaine dernière nous nous sommes intéressés à la suite musicale En souvenir de Jules Verne (1943) d'Alexandre Spengler (voir l'article).
Le concert est annoncé le 20 février 1943, sans mention au titre des pièces jouées (Symphonie, Souvenir de Jules Verne, Vision antique et Images), dans Comoedia (qui publie ensuite la même annonce les 27 février et 6 mars) :
Jouée pour la première fois le 13 mars 1943, elle est critiquée par Tony Aubin dans le numéro de Comoedia du 3 avril 1943:
Tumultueux, désordonné, enivré du
fracas qu'il déverse, voici M. Alexandre
Spengler de qui la modestie n'attend certes pas le nombre des années ! Il est normal en effet que cette modestie n'attende rien de quelqu'un qui l'ignore si parfaitement. Car une réclame éhontée a précédé le festival symphonique que cet auteur
a donné de ses œuvres. [...]
J'ai entendu une « Symphonie du Feu» dont on souhaiterait qu'elle se purifiât elle-même,[...] et un «Hommage à Jules Verne», vaste poème en quatre parties où sont censées revivre les images chères à notre enfance du « Voyage au centre de la terre » et des aventures des capitaines « Hatteras », « Grant » et « Nemo ». Ce trio d'officiers distingués parle un langage musical véhément, décoratif et interchangeable. On ne peut nier qu'il y ait dans tout cela un certain tempérament et que de l'abondance et de la richesse de l'instrumentation employée naisse une exubérance sonore assez saisissante — surtout quand c'est un artiste de la classe et du soin de Gustave Cloex qui prend l'ingrate charge de lui donner la vie — mais où la poésie ? où l'émotion ? où cette conduite intelligente du discours qui nous associe à la vie même d'une œuvre et nous gagne et nous conquiert et nous possède ? Musique pléthorique, tornade de printemps. M. Spengler ignore-t-il que les plus fortes vagues s'éparpillent en écume, cette écume en poussière et cette poussière en néant?
J'ai entendu une « Symphonie du Feu» dont on souhaiterait qu'elle se purifiât elle-même,[...] et un «Hommage à Jules Verne», vaste poème en quatre parties où sont censées revivre les images chères à notre enfance du « Voyage au centre de la terre » et des aventures des capitaines « Hatteras », « Grant » et « Nemo ». Ce trio d'officiers distingués parle un langage musical véhément, décoratif et interchangeable. On ne peut nier qu'il y ait dans tout cela un certain tempérament et que de l'abondance et de la richesse de l'instrumentation employée naisse une exubérance sonore assez saisissante — surtout quand c'est un artiste de la classe et du soin de Gustave Cloex qui prend l'ingrate charge de lui donner la vie — mais où la poésie ? où l'émotion ? où cette conduite intelligente du discours qui nous associe à la vie même d'une œuvre et nous gagne et nous conquiert et nous possède ? Musique pléthorique, tornade de printemps. M. Spengler ignore-t-il que les plus fortes vagues s'éparpillent en écume, cette écume en poussière et cette poussière en néant?
Pierre Berlioz dans Paris-Soir (2 avril 1943) est bien moins sévère:
Un grand festival symphonique dirigé par
Gustave Cloez vient de mettre en lumière le
nom d'Alexandre Spengler, jeune compositeur qui représente de façon hautement qualifiée le noble enseignement de la Schota
Cantorum, non que celui-ci ait mis sur lui
une empreinte définitive. Comme dans
d'autres cas, Alexandre Spengler, maigre
son attachement à sa discipline artistique
s'en évade avec la soif de la nouveauté, la curiosité de l'inattendu et un haut goût
marqué pour le fantastique.
Les « Deux Images », un «Hommage à
Jules Verne », « Vision antique » et surtout
la «Symphonie du feu » nous ont fait
prendre contact avec un musicien d'une
chaleureuse exaltation qui séduit par sa netteté d'accents.
La "critique" de Tony Aubin reflète bien ce qu'a été cette façon de s'exprimer sur la musique pendant encore quelques années. Je me souviens de ces envolées quelques années après la guerre qui ont détruit la réputation de nombreux compositeurs.
RépondreSupprimerPlus c'était incisif, plus les auditeurs s'extasiaient sur les mots.
Maintenant, il y en aurait beaucoup pour leur dire : "de quel droit et au nom de qui ou de quoi?"
Paul Auster parle de Spengler, sans le nommer, dans l'Invention de la Solitude, éd Babel, p 170...
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