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vendredi 30 décembre 2011

Pierre Gauroy, L'Aventure humaine en l'an 500000

Les anticipations nous propulsent dans des temps futurs. Cet avenir peut être proche mais aussi extrêmement lointain. C'est le cas de cet article publié dans Le Chasseur français en juin 1953 dans lequel Pierre Gauroy brosse un tableau de l'histoire de l'humanité de -100.000 à +500.000. Il y décrit des hommes dont les caractères physiologiques ont profondément changé. Comme souvent dans ce genre de textes c'est un homme pur esprit qui émerge. Ce surhomme peut craindre alors la perte de son humanité et de ses liens avec le reste de l'univers...


L’AVENTURE HUMAINE EN L’AN 500000

Quelques cent mille ans avant notre ère... Le vent glacé descendu des régions polaires balaie de ses rafales neigeuses les vastes solitudes de ce qui sera un jour la France. Des ombres glissent sur ce blanc tapis. La pâle clarté de l'aurore découvrira bientôt leur front fuyant et bas, leur mufle de brute au regard dur, leurs mandibules sans menton. Ce sont les hommes de la préhistoire qui passent.
La vie dut être rude à ces premiers conquérants du monde. Il fallait vivre, et, pour vivre, il fallait combattre. Combattre le froid dans la profondeur des grottes où le feu du bouleau jetait sa flamme claire, disputer aux grands fauves leurs cavernes tutélaires, rêver aussi dans les nuits froides sous les étoiles... Et, se voyant là, ultimes fleurons de tout le grand remuement de l’évolution qui avait jeté sur le globe tant d'espèces florissantes, puis disparues, pourquoi n’auraient-ils pas songé que nul, qui fût plus parfait, ne saurait leur succéder. Avec eux, la planète avait ses cerveaux. L’évolution était satisfaite. A cela son devenir s’arrêterait.
Cependant ces races passèrent. D’autres montèrent sur la scène du globe qui passèrent pareillement. Et l'Homo sapiens que nous sommes émergea un jour de la nuit des temps. Mais, si l’homme est différent, son orgueil n’a pas changé. Et qui d’entre nous admettrait, sans sursaut, qu’après notre défunte race d'autres races infiniment supérieures puissent fouler sous leurs pas la poussière sans nom et sans âme de nos générations évanouies ? Fort peu sans doute... Et, pourtant, cela sera quelque jour.
Par le prodige d’une baguette magique, nous voici maintenant en l’an 500000. Surprises partout... Si les grands ancêtres de la préhistoire étaient velus à souhait, si l’homme du xxe siècle n’était plus qu’un pilifère dégradé, celui de ces temps lointains est parfaitement glabre et chauve. Écœurante, cette vision ! Permettez ! Chaque âge a ses idoles... Ecoutez plutôt ces poètes au profil d’œuf chanter les matins clairs dont se jouent les mille reflets sur le miroir inégalé des crânes !
Est-ce tout ? Non pas. « Il » se repaissait de chair et d’herbages crus, de poissons momifiés, de gibiers presque décomposés, d’escargots à bave de poitrinaire ou de batraciens arrachés à la vase des marais. Pauvre créature ! soupirez vous. Soupir vain. « Il »... c’était vous, moi, nous tous qui vivons l'âge de l’atome. Travaillant de la pique et du hachoir, de la fourchette et du couteau, coupant, cisaillant, disséquant, nous roulons dans nos mâchoires aux muscles impressionnants tout un hachis de chair, palpitante de vie le jour d’avant. Et je passe sous silence tel mollusque ou telle huître aux reflets pneumoniques dont les corps mal dilacérés dansent leur sarabande d’agonie au fond de nos estomacs repus.
Dès l’an 10000, en effet, la science alimentaire avait brisé le cycle infernal des repas. La pilule synthétique et prédigérée régnait sur le monde. II avait fallu des siècles pour que le nouveau mode de nutrition fût accepté par tous. Mais, en même temps, d’inévitables transformations anatomiques apparurent. Maxillaires et dentition, désormais inutiles, disparurent progressivement, cette dernière ne laissant à sa place qu’une crête dentaire symbolique.
Chauve, l’humanité était par surcroît édentée, et la teinte de son corps uniforme et verdâtre. La fixation sous la peau d’un pigment vert analogue au pigment chlorophyllien des végétaux permettait en effet d’effectuer certaines synthèses organiques fondamentales, l’exposition à la clarté solaire étant la seule condition requise.
Tout cela était peu cependant. Ce que l’homme avait perdu en potentiel gastrique, il l’avait gagné en cerveau. Au seuil de l’an 300000, la prééminence cérébrale signait la nouvelle race. Concurremment à une hypertrophie des lobes antérieurs et à un enrichissement de certaines sécrétions internes, scientifiquement reconnues, l’intelligence humaine était portée à des hauteurs que nous pouvons à peine concevoir.
C’était déjà beaucoup. Ce n’était encore rien. Trop d’insuffisances marquaient encore nos organes sensoriels. De l’ouïe et de la vision,'on pouvait espérer beaucoup plus. De la première, on savait que, hors la bande des 32 à 30.000 vibrations par seconde, rien n’était plus audible. Qu’était, d’autre part, la vision en regard de celle des grands rapaces ? Dérisoire. L’univers visuel des abeilles s’étendait même jusqu’à l’ultra-violet et la mouche du vinaigre cessait de voir là où nous commencions. Le problème fut posé... Les robots supérieurs le résolurent... Et les hommes ignorèrent désormais la nuit dans la possibilité qu’ils avaient maintenant de percevoir à toute heure les clartés fantomatiques de rayons jusqu’alors interdits. Bousculant la frontière des sons connus, l’oreille humaine, à son tour, plongea dans le monde illimité des ultra-sons... Et les mille voix des insectes et des soleils furent entendues.
Alors l’audace des hommes de science ne connut plus de bornes. Aux approches du cinq millième siècle, une transformation radicale allait marquer cette race de géants. Transmissions de pensée, télépathie étaient, en l’an 2000, des faits suffisamment rares pour qu’on ne leur prêtât qu’une attention amusée et sceptique. Or ce qui n’était jusque-là qu’objet de curiosité était devenu maintenant monnaie d’échange habituelle des intelligences. Il suffisait de penser et, par le moyen des ondes émises et propagées, l’interlocuteur en prenait une connaissance immédiate. La parole et son support, le larynx, apparurent comme des modes d'expression périmés, et leur usage disparut bientôt des mœurs. Certes les relations de cerveau à cerveau ne dépassaient pas encore quelques kilomètres, mais on estimait proche le temps des télécommunications cérébrales d’un antipode à l’autre.
Doté de tels pouvoirs, l’homme rêva la chose la plus inouïe qui fût... Il rêva de penser le monde, l’univers... Puisque chaque corps était le siège d’un mouvement vibratoire spécifique, il rêva d’en prendre conscience à la manière des sourciers antiques, mais sans baguette, ni autre détecteur que la substance grise du cerveau. D’un coup, il allait se hausser à la taille des dieux. Tout le mystérieux domaine des structures intimes allait s’éclaircir, et l’homme n’aurait plus à gravir les âpres chemins de la recherche.
Alors le surhomme eut peur. Il eut peur, après avoir dépouillé le monde de ses attributs et vidé l’univers de sa substance, de se retrouver seul avec lui-même. Il frémit de se reconnaître en celui-là dont le cœur n’avait pas suivi la prodigieuse croissance cérébrale.
Sur la route de la plus fantastique aventure, il s’arrêta. Il resta ce qu’il ne pouvait pas ne plus être, rien qu’un Homme avec son Intelligence pour maître, la Recherche pour but et le Doute pour raison.
Glabres, chauves, édentés, sans menton, les géants de l'an 500000 allaient reprendre la lente ascension sur les traces de ceux qui, aux temps héroïques, épelaient confusément le grand livre des connaissances.

Pierre Gauroy, Le Chasseur Français, juin 1953

Je remercie  le "webmaster" du site proposant la reproduction de milliers d'articles du Chasseur français qui a bien voulu me fournir quelques scans de pages m'intéressant plus particulièrement. Je vous invite à y faire un petit tour pour découvrir les richesses de cette revue:

jeudi 29 décembre 2011

Jean Kéry, La Reine du Pôle

Science et Vie Hors Série
Sciences et vie (illustration ci-contre) propose au mois de décembre 2011 un hors série consacré à l'Antarctique. C'est l'occasion de rappeler l'existence d'un royaume polaire découvert par l'auteur Jean Kéry (1893-1985) avec son ouvrage La Reine du Pôle paru aux éditions Tallandier en 1950 :


Couverture

mardi 27 décembre 2011

Sylvie Testud est Roxana Orlac

Les Mains de Roxana, adaptation "libre" du roman de Maurice Renard Les Mains d'Orlac, est actuellement en cours de tournage (du 14 décembre 2011 au 19 janvier 2012).
Sylvie Testud y incarne Roxana Orlac, célèbre violoniste à qui l'on a greffé de nouvelles mains. Le résumé de l'intrigue se trouve sur plusieurs sites:


Violoniste de renommée internationale, Roxana Orlac (Sylvie Testud) est victime d’un grave accident qui la prive de l’usage de ses mains. Alors que le docteur Bremmer, un vieil ami de son père, propose à la jeune femme la pose de prothèses, un autre chirurgien, le docteur Christiansen, lui offre une double greffe qui lui rendrait sa liberté de mouvements et même la capacité de jouer à nouveau en public.
Bremmer met en garde Elena, la soeur et impresario de Roxana, contre Christiansen dont les méthodes sont controversées. Mais Roxana décide néanmoins d’abandonner la musique pour se consacrer à sa fille Mina, dont elle a laissé l’éducation à Elena et à des nounous de toutes nationalités. Mais plusieurs incidents surviennent dans l’environnement de Roxana et même un meurtre, qui l’amènent à douter de sa raison.
Le capitaine Almeida chargé d’enquêter sur Roxana tombe amoureux d’elle mais celle-ci demeure la suspecte n°1. Se peut-il que ses nouvelles mains poussent Roxana à commettre des actes terribles dont elle n’a nulle conscience ? Ou se trouve-t-elle au coeur d’une machination diabolique destinée à assouvir une vengeance mûrie pendant plusieurs décennies ?
Le tournage se déroule à Paris et dans sa proche banlieue jusqu'au 19 janvier 2012.
Pour cette adaptation, le personnage principal devient féminin. Cette fiction de 90 minutes est réalisée par Philippe Setbon et on trouve au générique outre Sylvie Testud, Loup-Denis Elion, Micky Sebastian, Coline Leclère, Jean-Marie Winling, Gérard Desarthe... Les Mains de Roxana sera diffusée sur France 2.


Ce n'est pas la première fois que Les Mains d'Orlac est adapté. Citons Orlacs Hände de Robert Wiene (Autriche) (1924) avec Conrad Veidt ; Les Mains d'Orlac (Mad Love) (1935) de Karl Freund (É.-U.) avec Peter Lorre ; Les Mains d'Orlac (The Hands of Orlac) de Edmond T. Gréville (France/Grande Bretagne) (1961) avec Mel Ferrer ; Hands of a stranger (1962) de Newton Arnold (U.S.A.)  avec Paul Lukather et une adaptation dans la chanson : Les mains d'Orlac par Régis Vogelene.

Les Mains d'Orlac est disponible aux éditions Publie.net (version numérique)

Livre numérique Les mains d'Orlac

En 2008, les éditions Les Moutons électriques avaient réédité le roman de Maurice Renard.

samedi 24 décembre 2011

Richard Bessière est mort

La nouvelle va sans doute vite faire le tour de la sphère SF, Richard Bessière, l'un des piliers de la collection Fleuve Noir Anticipation est mort le 22 décembre 2011 à l'âge de 88 ans. Son oeuvre fortement marquée par le côté populaire de la SF a sans doute permis à beaucoup de lecteurs de s'évader vers des horizons lointains tant il a écrit de space operas.



Joyeux Noël !


Pour Noël, une petite vidéo "trailer" d'un objet cinématographique non identifié: Santa Claus conquers the Martians, film datant de 1964. parmi les enfants martiens, vous reconnaîtrez peut-être Pia Zadora alors âgée de 8 ans.






vendredi 23 décembre 2011

Luc Alberny, Le Mammouth bleu

Il est toujours agréable de pouvoir mentionner des rééditions, c'est à dire un accès aisé à des textes anciens, comme celle réalisée par les éditions L'Oeil du Sphinx.

Le docteur Edmond Astruc écrivant sous le pseudonyme de Luc Alberny s'est bien laisser porté par son imagination dans ce roman délirant. Le résumé donné par Joseph Altairac dans sa présentation témoigne de cette débauche d'imagination: "Avec Le Mammouth bleu, délirant roman spéléologique du méridional Luc Alberny, initialement publié en 1935 et jamais réédité depuis le lecteur va découvrir un prodigieux royaume souterrain sous le Midi, rencontrer le véritable Roi du Monde, résoudre l'irritant mystère de la langue basque et constater que la première espèce intelligente de la planète n'était pas l'Homo sapiens.
M. LE PRÉSIDENT adresse à M. Astruc ses félicitations et celles de la Société et le remercie de l'hommage fait de son roman que tout le monde voudra lire.

De quoi modifier en profondeur notre regard sur l'histoire du monde..."

Des mammouths formant une société intelligente vivant sous nos pieds et parlant... basque, voilà qui méritait amplement une réédition!


Signalons que le roman bénéficia en 1936 d'une présentation dithyrambique dans le Bulletin de la Société d'études de l'Aude:
Le Secrétaire présente le dernier roman « Le Mammouth bleu », offert à la Société par Luc ALBERNY, pseudonyme derrière lequel se cache modestement notre collègue M. le docteur ASTRUC.

Cet intéressant ouvrage, contient une description magistrale des Gorges de Galamus et de l'Ermitage de Saint Antoine, donne le portrait fort suggestif de l'ermite de Céans dont l'auteur fait un savant géologue et archéologue. M. Astruc décrit d'une façon fort émouvante et avec des détails techniques très intéressants, la descente dans une grotte traversée par une rivière souterraine torrentueuse.
M. LE PRÉSIDENT adresse à M. Astruc ses félicitations et celles de la Société et le remercie de l'hommage fait de son roman que tout le monde voudra lire. 
Grâce à Guy Costes, co-auteur avec Joseph Altairac de la monumentale somme consacrée à la littérature conjecturale des grottes, gouffres, cavernes et autres souterrains, Les Terres Creuses (éditions Encrage), je peux publier une photographie de Luc Alberny:





Luc Alberny, Le Mammouth bleu, Archives de l'Université de Nouvelle Souabe, volume 1, éditions Oeil du Sphinx, 2005


Source de la citation: Gallica

mercredi 21 décembre 2011

André Baudet, Le commerce dans cent ans ( 1932 - 2032 )

La projection à cent ans fut fort à la mode. Aujourd'hui la prospective porte souvent sur des dates plus proches. André Baudet, espérantiste, imagine en 1932 ce que sera le commerce cent ans plus tard dans un discours reproduit dans Le Chasseur français en mars 1933 (1). Nous avons mis en gras quelques passages plus particulièrement intéressants. Le Chasseur français proposait de nombreuses rubriques et parfois des anticipations. Il ne s'agit pas d'espérer y trouver de véritables fictions, plutôt des articles à tendance conjecturale. Deux rubriques sont assez riches: "Par-ci, par-là" qui rassemble de nombreux varia et "Le mois scientifique". 





LE COMMERCE DANS CENT ANS

Un auteur français du XVIIe siècle a écrit : « Si l’on juge par le passé de l’avenir, quelles choses nouvelles nous sont inconnues dans les arts, dans les sciences, dans la nature et, j’ose dire, dans l’histoire! Quelles découvertes ne fera-t-on point ! Quelles différentes révolutions ne doivent pas arriver sur la face de la terre, dans les Etats et dans les Empires ! quelle ignorance est la nôtre ! et quelle légère expérience que celle de six ou sept mille ans !» (La Bruyère.)
La Bruyère, lorsqu’il écrivait ces lignes, ne soupçonnait pas qu’en 1932, c’est-à-dire moins de trois siècles plus tard, on communiquerait sans fil d'un bout à l’autre du monde, qu’on irait de France en Indochine en moins de cinq jours et que, dans le même laps de temps, on traverserait le Nord-Atlantique en avion, que les routes verraient passer des bolides faisant 120 kilomètres à l’heure, qu’à travers Persiennes et fenêtres closes, confortablement installé chez soi, on entendrait des concerts donnés à l’autre bout de l’Europe, que des colons perdus dans la plus profonde brousse africaine resteraient en communication par T. S. F. avec le reste du monde, que le cinéma et surtout le cinéma parlant ressusciterait la vie.
Ce qui est plus frappant, lorsqu’on jette un coup d’œil en arrière, c’est la rapidité avec laquelle la science progresse. Elle semble animée, comme disent les physiciens, d’un mouvement non « uniforme », mais « accéléré ». 11 s’agit, comme disent les mathématiciens, d’une progression non « arithmétique », mais « géométrique ». Lorsqu’on cherche à se présenter l’avenir, il ne suffit donc pas de croire que les progrès scientifiques vont se développer à la même allure que dans les dernières années ; on est en droit de supposer qu’ils se développeront encore beaucoup plus vite, entraînant dans un délai assez restreint des applications pratiques que nous ne pouvons pas soupçonner.
Il est d’abord à présumer que la rapidité des communications en l’année 2032 présentera sur celle actuelle une différence encore plus grande que celle constatée dans l’espace des cent dernières années.
La transmission de la pensée, si prodigieusement facilitée depuis l’époque des diligences par le télégraphe et, le téléphone, est encore actuellement entravée par la difficulté de faire comprendre cette pensée à n’importe quel homme dans le monde en raison de l’extrême diversité des langues... Le développement progressif de l’Espéranto en ces dernières années, constaté à l’occasion du XXIVe Congrès international tenu à Paris, en 1932, donne l’impression très nette que les résistances du début sont désormais vaincues. Non seulement cette langue commune facilitera des tractations internationales, mais elle permettra d’intensifier la publicité dans les pays étrangers.
L'aviation se perfectionnera probablement dans deux sens :
1° Par la construction d’appareils extrêmement légers et peu encombrants, permettant à l’homme de se déplacer individuellement comme un oiseau ;
2° Par l’emploi d’appareils-géants pouvant transporter des marchandises lourdes à grande distance.
L’imagination peut se donner libre cours pour concevoir l’aspect des cités futures et le sillonnement de l’espace par des appareils dont il nous est aussi difficile de supposer la forme qu’il était impossible aux hommes de 1832 de prévoir l’automobile et l’avion.
Dans cent ans, on ne considérera probablement plus comme une utopie —: s’ils ne sont pas déjà même réalisés à cette époque — les voyages interplanétaires dont la possibilité théorique est dès maintenant démontrée scientifiquement.
Mais ce que nous pouvons considérer comme une certitude, c’est que la rapidité des transports s'accroîtra considérablement, permettant de mettre en valeur des richesses de contrées jusqu'ici improductives et de transformer en consommateurs des millions d’hommes actuellement sans besoins, parce que vivant encore à l’état rudimentaire.
Bien entendu, cela suppose que le monde civilisé existera encore en 2032 et que les hommes auront la raison de ne pas utiliser leurs nouvelles découvertes à s’entretuer et à détruire leurs propres œuvres.
Cela suppose avant tout que l’homme ne cherche pas uniquement à utiliser les progrès de la science à des fins purement égoïstes et à la satisfaction d’un bien-être exclusivement matériel.
Si les hommes continuent à élever des barrières entre les différents pays, s'ils en arrivent à se préoccuper seulement d'eux-mêmes et non de leurs voisins, s’ils laissent s'abaisser le niveau moral de leurs relations, s’ils n’ont plus de respect des contrats, que sera le commerce dans cent ans ? C’est bien simple, il n’existera plus. La civilisation aura fait place à un état de nouvelle barbarie perfectionnée, où tous les moyens seront multipliés pour s’approprier par la force le bien d’autrui.
Si, au contraire, les hommes comprennent qu’embarqués sur un même navire dont ils ignorent le destin, ils sont égaux devant ce destin et doivent s’entr'aider fraternellement pour tâcher d'arriver au port, alors le sort de l’humanité apparaît comme pouvant être glorieux et tous les espoirs lui sont permis.


André Baudet
(Extrait du discours,prononcé en esperanto au XXIVe Congrès Universel d’Esperanto)
in Le Chasseur Français, n° 516, mars 1933

mardi 20 décembre 2011

André-Michel, Le Pôle tragique

Pour illustrer le fascicule Le Pôle tragique, écrit en 1938 par André-Michel et publié dans la collection Le Petit roman d'aventures (n° 168) aux éditions Ferenczi, Georges Vallée crée un étrange aéroplane.


lundi 19 décembre 2011

Robert Black, Fantaisie préhistorique

Continuons notre exploration des oeuvres à tendance conjecturale publiées dans Le Chasseur français avec cette "Fantaisie préhistorique" datant de 1967.
Les dessins sont aussi de Robert Black.




FANTAISIE PRÉHISTORIQUE

En ce temps-là, c’est-à-dire dans un temps encore plus loin que ce temps-là, mon archi-archi-arrière-arrière-grand-père vivait sur un terrain de chasse où la grive pesait 9 kilogrammes, l’escargot vulgaire 22, pour arriver au dinosaure de 15 tonnes et des pous­sières. Les animaux pullulaient. Il n’était pas questionà cette époque de faire 300 kilomètres et plus pour aller au Tréport ramasser des bigorneaux, comme nous le faisons aujourd'hui.


Mon archi-archi-arrière-grand-mère adorait son mari, un barbu capable de nourrir onze personnes avec un lance-pierre, qui ne fumait pas, qui dédaignait le tiercé, qui ne mettait jamais les pieds dans une caverne de nuit, le strip-stease se passant à la maison. De plus, un costaud, lequel d’un seul coup de pied faisait filer devant lui, affolé, un diplodocus adulte, et pouvait essouffler à la course un hypselosaurus pricus (un lézard plus conséquent que notre baleine bleue actuelle) !
Élégants toujours ! lui, en short de castor naturel, elle, en mini-jupe d’opossum tondu à la pierre taillée.




C’est à eux que nous, leurs descendants, nous devons de ne pas aller encore à quatre pattes au cinéma.
Cette allure, nous l’avons améliorée avec nos vestons cintrés, nos noeuds papillons, nos coiffures à « l’Antoine », en ruminant du chewin-gum aidés par nos compagnes décolorées avec faux cils, pantalons collants, sautillant sur des talons aiguilles pour danser ces airs mesurés aux gestes décents et harmonieux actuels ! Le tout agrémenté de cette distinction moderne et silencieuse que l’on peut admirer surtout sur les routes, quand arrivent à se heurter (heureusement très rarement !) ces véhicules rapides autrement dangereux, de nos jours, que la rencontre autrefois de protoceratops andrewsi, ces dinosaures à cornes qui maintenant, ne piétinent plus les fraises des bois et le muguet.
D’aucuns, bien sûr, regrettent cette époque lointaine où il fallait aller chercher sa pitance dans la nature, alors qu’on ne disposait que d’une massue pour « enquiquiner » le monde et la gent animale, et non, comme de nos jours, faire la queue, un petit carré de papier ou quelques piécettes à la main, pour obtenir une livre de lapin congelé !
Loyalement, cependant, reconnaissons que nous disposons de moyens à présent autrement plus puissants et radicaux pour empoisonner le voisin (voire pour l’occire !), également souverains pour exterminer le genre animal terrestre ou aquatique de façon nette et définitive, polluant du même coup rivières et océans, en attendant d’aller saccager la Lune ou tout autre monde (dès qu’accessibles !).
Homo homini lupus !... l’homme, las ! n’est pas un loup que pour l’homme. On pourra bientôt se propager dans la campagne, sans un oiseau dans l’air, ni une bestiole sur terre, avec un transistor minuscule (mais aussi abrutissant) dans sa poche, cela au milieu des panneaux réclames, en mâchonnant une pilule remplaçant toute nourriture, cela en vous rendant inoffensif, auprès des dames, le cas échéant !
Après nous avoir dotés de toutes ces choses merveilleuses, nos savants trouveront enfin ce qui, en moins de deux, nous ferons repartir à zéro ! c’est-à-dire ce qui ratissera la terre surpeuplée...
Et les quelques survivants reprendront la massue de nos pères, dans le silence retrouvé et dans un air pur... si tant est qu’il y ait quelques survivants et encore de l’air ! (pur !).

Robert BLACK.
Le Chasseur français, n° 841, mars 1967

samedi 17 décembre 2011

Le rêve des stations spatiales

Les revues scientifiques offrent encore aujourd'hui des visions d'artistes (pensons à Manchu par exemple) de faits ou de prévisions scientifiques.
Le n° 70 de Science et avenir (1952) présente ainsi des satellites artificiels qui auraient toute leur place dans des oeuvres de science fiction...




vendredi 16 décembre 2011

Virginie de Sabliaux, L'an 2000, un paradis ?

On trouve dans des revues diverses et variées des articles de prospective qui souvent sont fort amusants quand on compare les prévisions aux réalités. Pourtant, ici ou là des conjectures sont devenues réelles. L'article extrait des pages féminines d'un numéro du Chasseur français datant de 1966 imagine l'an 2000 et les conséquences du progrès.
 La congélation permet en effet de "préparer" des repas rapidement, la télévision a pris des couleurs et maintenant du relief, des fibres artificielles remplacent des fibres naturelles mais on attend encore le linge jetable et les femmes, si l'on suit les études récentes, continuent à être astreintes à nombre de tâches ménagères... L'an 2000 ou 2011 n'est pas encore tout à fait un paradis !


L'an 2000, un paradis ?

Faisons un saut dans le temps. Imaginons le monde futur ; un monde où tout sera automatique, simplifié par des machines, lesquelles se chargeront pour nous des besognes que notre civilisation, pourtant déjà bien au point, n’est pas encore parvenue à supprimer.
Oui, un jour viendra où la poussière n’existera plus ; où le chauffage individuel sera remplacé par le chauffage urbain ; où, grâce aux progrès de la congélation, un bon repas ne sera plus qu’une question de quelques minutes. Le linge — ce linge qu’on lave encore aujourd’hui, mais qu’on ne repasse plus — le linge se jettera au panier après usage, comme on jette déjà les mouchoirs de papier, les draps de papier. Les raffinées serviront peut-être les pilules remplaçant les repas sur des assiettes de carton, assiettes qui prendront aussitôt le chemin d’une poubelle avaleuse.
L’on peut broder à l’infini sur ce monde futur. L’on peut même se demander ce que feront les femmes quand elles n’auront plus rien à faire.
Oh ! je vous entends ! Le ménage, la lessive, les repas, comme l’on s’en passerait certains jours ! Ah ! ne plus avoir à se casser la tête pour le déjeuner, pour le dîner ! Ne plus avoir à surveiller les casseroles, à laver les chaussettes, à repasser les tabliers des gosses ! Se lever le matin, libre comme l’air ! Se coucher le soir, reposée de n’avoir fait que des choses agréables !...
Oui, mais voilà, quelles choses agréables restera-t-il à faire dans ce monde simplifié à l’extrême ? Le théâtre ? Le ciné ? La télévision (en couleurs et en relief, bien entendu) ? En supposant que les acteurs deviennent des travailleurs de force dans un monde où l’ouvrier verra ses loisirs prendre le pas sur ses heures de travail, donc en supposant que le monde du spectacle continue à travailler d’arrache-pied, arrivera-t-on à tenir longtemps en se bornant à regarder s'agiter les autres ?
Les vacances ? Mais quel sens aura le mot puisqu’il n’y aura pour ainsi dire plus de fatigue ? Dans un monde où chacun pourra s’évader hors de chez soi plusieurs jours par semaine, éprouverons-nous encore du plaisir à voyager, à nous en aller un mois (ou plus) à la mer ou à la montagne ? « Je m’occuperai davantage de moi-même, m’a dit une amie à qui je posais la question de savoir s’il lui plairait, ou non, de vivre à une époque où elle n’aurait rien à faire chez elle. Au lieu de m’acheter une robe à la va-vite comme je le fais parce que le temps me manque de pouvoir fouiner dans les rayons, je chercherai le tissu qui me plaît, la forme qui me va, la couleur dont je rêve. La mode existera toujours. »
Cela, je le crois. Même en l’an 2000, j’imagine mal la femme dédaignant son miroir et s’habillant simplement pour se vêtir. Mais étant donné la simplification de l’époque comment sera la mode à l’ère des voyages interplanétaires ? Les robes seront-elles en tissus-papier, fabriquées sur des mesures standard, et vendues sous sachet de cellophane, exactement comme sont vendus les bas d’aujourd’hui ? Verra-t-on, comme les nappes de nylon d’à présent, de froufroutants jupons aux broderies trompe-l’œil ? De coquines culottes de dentelles, tout artificiel garanti ? De quelles matières seront fabriqués les manteaux de fourrure imitant le pelage de bêtes en voie de disparition ? Ou déjà disparues. La joaillerie gardera-t-elle sa vogue, ou en viendra-t-on aux clinquants dont le bon marché permettra un renouvellement constant ?
Je ne verrai pas ce temps, Dieu merci ! Peut-être des satisfactions seront-elles données aux femmes de l’an 2000. Mais pourront-elles remplacer l’arôme d’un ragoût qui mijote, ou la douceur de draps de lin dans lesquels on se glisse ? Ça aussi, je me le demande.

Virginie de Sabliaux, Le Chasseur français, n° 828, février 1966

jeudi 15 décembre 2011

Idée cadeau? Galaxies science fiction s'offre à vous (ou à quelqu'un d'autre!)

Les fêtes de fin d’année sont proches, et le casse-tête des cadeaux revient. Pourquoi pas, cette année, un cadeau Galaxies ?
Pour 18 €, vous pouvez vous offrir  ou offrir un abonnement de trois numéros : près de 600 pages de lecture pour vous ou un de vos proches. C’est le moment de faire partager votre passion pour la SF !
Si vous allez maintenant sur le site www.galaxies-sf.com, en deux clics, ce sera fait. Vous pourrez payer par carte, par paypal, directement en ligne, et le premier numéro (No 14, Ugo Bellagamba) sera dans la boîte aux lettres du bénéficiaire avant Noël !
Faites des heureux : abonnez vos amis, neveux, etc. à Galaxies !
Bonnes fêtes
Pierre Gévart et l'Equipe Galaxies - SF
34 rue Jean Jaurès - F 59135 - Bellaing
galaxiessf[at]gmail.com

mercredi 14 décembre 2011

Cami, La Machine-à-explorer-l'avenir

Extrait de Cami, Le Neveu du Baron Crac, 1927 (source de l'image, Cirroco Jones sur BDFI)

lundi 12 décembre 2011

Albert Bonneau, La Cité sans soleil

Profitons de la publication de cette image pour diffuser l'information transmise par le libraire Jérôme Serme de la mise en place d'une association consacrée à Albert Bonneau:

Les Amis d'Albert Bonneau

Composition du bureau :
Président : Mme Odile Bonneau
Vice-Président: Mme Marie-Elisabeth Bonneau
Trésorier: M.Pascal Jonard
Trésorier adjoint: Mme Marianne Jonard
Secrétaire: M.Marcel Chameau
Secrétaire adjoint : M.Philippe Arnaud (fils de Mme Odile Bonneau)

Notons que l'association a déjà, par l'intermédiaire des éditions Edilivre, réédité plusieurs romans d'Albert Bonneau, et que d'autres rééditions sont prévues.

samedi 10 décembre 2011

Rencontres de l'imaginaire de Sèvres (10/12/2011)

Aujourd'hui des savanturiers, des amateurs de SF (et même de fantaisie) se retrouvent à Sèvres pour les Rencontres de l'imaginaire.
C'est l'occasion pour des blogueurs de l'imaginaire de partager un repas.
RDV à 12h30 devant le SEL ou bien traversez la rue, on est au Restau Japonais en face!

jeudi 8 décembre 2011

Alfred Capus, L'Homme-bicycle

Après "Un repas en 1910", ArchéoSF propose un second texte à tendance conjecturale d'Alfred Capus. Dans L'Homme-bicycle, fantaisie sur le thème de la vélocipédie, il est question d'une nouvelle espèce humaine, sorte de Centaure mêlant homme et bicycle!
Le texte est à lire dans la rubrique Téléchargement.

mercredi 7 décembre 2011

Arthur de Marsy, Dans mille ans

Le Picard Arthur de Marsy, comte de son état, né à Doullens (Somme) en 1843 et mort à Compiègne (Oise) en 1900, archiviste paléographe et membre de diverses sociétés savantes (à dominante historique) a écrit sur l'un de ses presque voisins: Jules Verne. Dans l'article qui suit, il évoque La journée d'un journaliste américain en 2889/2890 et réfléchit sur la valeur des anticipations livrées par les romanciers.




DANS MILLE ANS

De temps à autre quelques-uns de nos romanciers, parfois de nos hommes politiques, tantôt nous introduisant dans quelque partie inconnue du royaume d'Utopie, tantôt déchirant pour nous quelques siècles du livre de l'histoire, nous font pressentir ce que sera notre existence dans un lointain avenir.
Nous ne voulons pas à ce sujet faire d'érudition inutile, rappeler les voyages de Gulliver ou l'an 2440, encore moins passer en revue les écrivains qui, comme Geoffroy-Château, ont poursuivi dans un rêve la souveraineté universelle de Napoléon Ier, enlevé au ciel dans une apothéose, ou fait régner pendant un demi-siècle Henri V sur le trône de France.
L'un de nos écrivains les plus populaires, de nos romanciers les plus répandus, l'auteur que lisent avec le même plaisir les enfants et les grandes personnes, dont les pièces de théâtre comptent leurs représentations par milliers, et qui est le plus traduit dans toutes les langues, Jules Verne, est presque notre voisin ; il habite Amiens, et s'il ne fait pas partie des quarante immortels qui se réunissent au Palais Mazarin pour régler l'orthographe de notre langue et décerner les prix de vertu, à Amiens, il est académicien, et membre actif de cette compagnie dont Gresset fut le fondateur.
Presque chaque année, il lit à ses collègues, quelque morceau nouveau spécialement écrit pour eux ; et les XXXIV, car tel est leur nombre en ce moment, magistrats et chanoines, médecins et ingénieurs, avocats et professeurs, industriels, anciens ministres et même simples bourgeois, se pourléchent, par avance, de ce régal.
Négligeant ces récits pittoresques dans les quels il excelle., tels que Michel Strogoff ou le Tour du Monde en 80 jours, M. Jules Verne soulève volontiers pour ses auditeurs le rideau de l'avenir ; il y a quelque temps il leur montrait dans un siècle la ville d'Amiens transformée, construisant ici, démolissant là, créant à son gré des institutions nouvelles et donnant à la population des moeurs en rapport avec le milieu dans lequel elle serait appelée à vivre.
Aujourd'hui, c'est un saut de dix siècles qu'il nous faut faire et en Amérique qu'il faut nous rendre, si nous voulons avoir une idée de ce que sera la vie de nos successeurs à la vingt- cinquième génération (1).


Le type qu'a choisi M. Jules Verne, on ne s'en étonnera qu'à demi, est un journaliste, Francis Benett, le descendant du rédacteur du New-York-Herald. Gordon Benett, est aussi connu à Paris que dans le nouveau monde ; c'est lui qui eut le premier l'idée d'envoyer un reporter au centre de l'Afrique à la recherche de Livingstone et ce reporter, on ne l'a pas oublié, n'était autre que Stanley. Francis Benett est journaliste comme son ancêtre, mais son journal a changé de nom, la capitale des Etats-Unis aussi et on est porté à croire que c'est Benett qui a baptisé la nouvelle capitale d'une république qui s'étend alors du Pôle Nord à la Terre de Feu.
Nous ne pouvons tout passer en revue dans ce court tableau la Presse et l'organisation du journal prennent une large place.
Il n'y a plus d'articles écrits, plus de journaux imprimés, chaque abonné se met le matin à son téléphoneil ne sont pas moins de quatre-vingt-cinq millions— et les rédacteurs leur apprennent, dans une rapide conversation, tout ce qui peut les intéresser. Quant aux acheteurs au numéro, ils entrent dans des cabinets phonographiques on leur répète les articles parlés.
Les villes ont atteint des proportions gigantesques et l'hôtel de Benett, situé dans la 16.823e avenue, n'a pas moins de trois kilomètres de façade ; aussi a-t-on de rapides moyens de locomotion ; les aéro-cars, qui ont remplacé les voitures, font 600 kilomètres à l'heure, les aéro-trains 1.000, mais ils sont dépassés par les tubes sous-marins qui vous amènent d'Europe en 295 minutes, soit trois heures moins cinq. Tout cela n'a été obtenu qu'à l'aide d'un grand développement de forces, et on a utilisé les chutes du Niagara pour charger les accumulateurs.
Après une série de courses dans Universal City, la, nouvelle capitale, Benett rentre se mettre à table et la Société d'alimentation à domicile lui expédie par des tubes pneumatiques un déjeuner tout fait, transmis comme aujourd'hui on envoie les petits bleus, et devant son téléphote (appareil permettant de reproduire les images à distance et que, depuis la lecture de M. Verne, l'on dit déjà inventé par Edison), il regarde tendrement la jolie Mistress Benett, qui est allée à Paris, centre éternel des élégances, commander des chapeaux et essayer des toilettes chez un couturier-modeleur.
Nous ne pouvons signaler toutes les améliorations prévues par M. Verne, la peinture remplacée par la photographie japonaise en couleurs et Y Angélus de. Millet ne trouvant pas d'amateur au-dessus de 15 francs, les villes transportées d'un point à un autre, comme de simples fauteuils, les communications établies avec plu- sieurs planètes, ainsi que le prévoit Flammarion et que l'espère Madame Guzman dans son testament. Il y en a cependant qui résistent, la Lune notamment. Qu'on nous permette de citer ici quelques lignes du dialogue de Benett avec ses rédacteurs scientifiques, qui ont pourtant des télescopes de trois kilomètres de long :
« Mais, à défaut de Jupiter, obtenons-nous au moins un résultat du côté de la lune?
Pas davantage, Monsieur Benett !
Ah ! cette fois, vous n'accuserez pas l'optique. La lune est six cents fois moins éloignée que Mars, avec lequel, cependant, notre service de correspondance est régulièrement établi. Ce ne sont pas les télescopes qui manquent.....
Non, mais ce sont les habitants.
Vous osez affirmer que la Lune est inhabitée ?
Du moins, M. Benett, sur la face qu'elle nous présente. Qui sait si de l'autre côté...
Eh bien, Corley, il y a un moyen très simple de s'en assurer.
Et lequel?....
C'est de retourner la Lune !.,..
Et ce jour-là, les savants de l'usine Benett piochèrent les moyens mécaniques qui devaient amener le retournement de notre satellite. »
Descendu de ces hautes régions, Francis Benett s'occupe aussi de politique. Les questions internationales, du reste, se sont simplifiées. Il n'existe plus comme puissances en Europe, que la France et la Russie, ayant l'une les pays latins, l'autre les pays slaves avec le Rhin pour limite ; l'Australie est indépendante, comme la Nouvelle-Zélande, les Etats-Unis comprennent les deux Amériques et ont pour colonie en Europe l'Angleterre. Mais, ils ont été généreux et ont laissé aux Anglais Gibraltar. Tout le monde serait content si les Chinois, se développant toujours, ne voulaient déborder sur les Russes. Heureusement Benett est là et promet en ces termes à l'Ambassadeur de Russie son intervention :
« N'est-ce que cela, monsieur, eh bien, puisque la prolifieation chinoise est un danger pour le monde, nous pèserons sur le Fils du Ciel. Il faudra bien qu'il impose à ses sujets un maximum de natalité qu'ils ne pourront dépasser sous peine de mort. Cela fera compensation.. »

Tel est, dans ses grandes lignes, le tableau, tracé par le romancier amiénois, de la vie de notre planète dans mille ans. Mille ans, c'est beaucoup et bien téméraire serait celui qui nous dirait ce qui existera à ce moment, quand, chaque dix ans, nous voyons des prophètes ou de simples devins, des savants parfois comme le professeur Plantamour, nous annoncer la fin du monde.
Dieu seul sait le sort qu'il nous réserve, mais nous croyons, si nous en jugeons par ce que nous voyons depuis moins d'un demi-siècle, que, de même que l'auteur de l'an 2440 verrait, au bout d'une centaine d'années ses projets non seulement réalisés mais dépassés. Le spirituel écrivain de la Journée d'un journaliste américain de 2890, s'il revenait au monde plus heureusement que son docteur Nathaniel Faithburn qui n'est qu'un maladroit imitateur de L'homme à l'oreille cassée d'About, trouverait que toutes les inventions qu'il nous promet ne demanderont pas mille ans pour être mises au jour et perfectionnées, sauf une seule, et que le chercheur de l'absolu, qui s'offre à fabriquer toute matière, répondrait encore au journaliste, lui demandant s'il pourrait fabriquer une créature humaine?
« Entièrement... Il n'y manquera que l'âme. » Tel est le seul problème qu'il ne sera jamais en notre pouvoir de résoudre, la seule création qu'il ne nous appartiendra pas d'animer.


(1) Mémoires de l'Académie des sciences, des lettres et des arts d'Amiens, 1890. Tome XXXVII.

Comte Arthur de Marsy, Varia - 1891-1893, 1900
Source: Gallica