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samedi 30 juillet 2016

Willy, Dans mille ans (1893)

Willy, connu comme mari de Colette, a écrit quelques textes relevant de la science-fiction. L'anthologie de textes proto-steampunk Le Passé à vapeur propose ainsi "Une invention", nouvelle écrite par Willy en 1895. 
Voici un autre texte qui aurait pu figurer dans l'anthologie Les Ruines de Paris car il s'agit d'archéologie future avec comme objet le piano.

DANS MILLE ANS

(Traduit des procès-verbaux de L'Académie des Sciences inutiles, année 2093, folio 69. Rapport sur un instrument trouvé dans les fouilles de Paris).

L'instrument bizarre que nous présentons aujourd'hui fut primitivement destiné à accompagner les danses religieuses, ainsi que le démontrent les cordes et les marteaux qui garnissent l'intérieur de la caisse. On le nommait piano, terme tiré d'une autre langue morte et dont il est à supposer que la signification est « Retentissant » Les bruits qu'il émet sont baroques et désagréables. Du reste, la destination du piano semble avoir été modifiée ; on l'employa communément, en guise de meuble, à ranger les vêtements, et, surtout le cache-jambes appelé « Pantalon » (parce que ses pans traînaient sur les talons), trop long pour être placé en d'autres commodes. Certains servaient aussi de caves à liqueurs ; dans le piano que nous présentons, nous avons trouvé six bouteilles de Champagne en parfait état de conservation.
L'usage du piano se généralisa. Vers le quatorzième siècle (d'autres disent le quinzième) il servait d'instrument de torture domestique; les jeunes filles insoumises étaient condamnées par leurs parents, suivant la gravité de la faute, à 6, 8 et même 10 heures de trituration pianistique par journée.
Sous un dictateur du nom de Carnot — qui n'a pas laissé d'autre trace dans l'histoire — il fut reconnu que l'abus de cet instrument dangereux avait notablement déprimé la race, et qu'il était temps de réagir. Des lois somptuaires furent édictées contre ceux qui se servaient du piano autrement que comme buffet, ou garde-malade. De même que pour les chiens, il y eut les pianos de garde et les pianos de luxe, taxés suivant qu'ils étaient à queue ou acaules.
Le piano que nous offrons à l'Académie appartenait à un nommé Ernest Reyer qui y fourrait les Critiques de cette époque sauvage quand ils avaient dit du mal de ses œuvres.

Willy, « Dans mille ans », in Mascarille, 1893

A lire:
Anthologie: Les Ruines de Paris, collection ArchéoSF, versions numérique et papier disponibles. 
Anthologie Le Passé à vapeur, (contenant un texte de Willy) collection ArchéoSF, versions numérique et papier disponibles

vendredi 29 juillet 2016

[conférence] Jean-Marie Seillan, Le roman aérostatique est-il un genre?

La chaîne Youtube de l'Université de Paris 13 offre une vidéo ayant pour titre A quelles conditions minimales un genre existe-t-il ? Le cas limite du " roman aérostatique" dans le cadre du colloque "Les Genres au XIXe siècle"
Jean-Marie Seillan y parle des romans aérostatiques de Léo Dex (pseudonyme d'Edouard Deburaux, né en 1864, mort en 1904, capitaine d'aérostiers) dont le plus célèbre est sans doute Trois reporters à Fachoda (1901). Il cite de nombreux auteurs ayant usé du ballon et du dirigeable dans leurs fictions.

En complément de la conférence, on peut lire avec profit l'article de Christine Luce : "Trois reporters à Fachoda, ou les romans aérostatiques de Léo Dex " sur l'incontournable et indispensable site L'Amicale des Amateurs de Nids à Poussière.


jeudi 28 juillet 2016

Chanson de l'été #4 La Marche de demain (1911)

Chaque jeudi de l'été, ArchéoSF vous propose une chanson oubliée relevant de ses domaines de prédilection : l'anticipation, l'utopie, la science-fiction...

En 1911,  P. Briollet écrit "La Marche de demain", sur une musique de Raoul Solet. Un vieil homme y assure un avenir radieux et pacifique. 


1

C'était un vieillard de quatre-vingt ans
Solide encore malgré ses cheveux blancs
Et chaque jour aux petits enfants
Il racontait l'histoir' du vieux temps.
Mais un matin
Sentant sa fin
Il réunit près de lui les gas [sic] du village
Puis il leur dit :
Mes chers amis
Je vais bientôt partir pour le grand voyage
Les temps passés en mou vont disparaître,
Mais c'est en vous que les temps nouveaux vont naître

REFRAIN

Ah ! Suivez le chemin
Qu'aux jours passés vous ont tracé vos pères,
Et, croyez que demain
Sera pour tous, le jour béni de la lumière ;
Non ! Le bonheur humain
Ne sera plus une chimère !
Grand jour que l'on espère
Demain verra la fin de vos misères.

2

J'ai, leur dit-il, bien souffert autrefois
Car j'ai connus les tyrans et les rois ;
Un empereur que vingt ans je servis
A fait de moi jadis… un proscrit.
Ils sont nombreux
Vos chers aïeux
Qui payèr'nt de leur sang de demander justice,
Hélas ! Mes jours-ci
Seront trop courts
Pour voir enfin le droit vaincre le caprice,
La Liberté c'est la lutte grandiose
Dont la jeuness' verra l'apothéose.


REFRAIN

Ah ! Suivez le chemin
Qu'aux jours passés vous ont tracé vos pères,
Et, croyez que demain
Sera pour tous, le jour béni de la lumière ;
Non ! Le bonheur humain
Ne sera plus une chimère !
Grand jour que l'on espère
Demain... verra l'Egalité sur terre.

3

« Lorsque j'irai vers le champ du repos,
Je ne veux rien… ni soldats ni drapeaux ;
Bien que sur mon coeur brille cette croix
Et que mes campagn's m'y donnent droit... »
Je combattis
Des ennemis
Qui, comme moi cherchaient les honneurs militaires,
Mais depuis lors
Songeant aux morts
Je sens dans l'âme toute l'horreur de la guerre
Ah maudissez ces bandits de la gloire
Dont notre sang rougit les pag's de l'histoire !

REFRAIN

Ah ! Suivez le chemin
Qu'aux jours passés vous ont tracé vos pères,
Et, croyez que demain
Sera pour tous, le jour béni de la lumière ;
Non ! Le bonheur humain
Ne sera plus une chimère !
Grand jour que l'on espère
Demain verra les hommes vivre en frères !.


« La Marche de demain». Paroles de P. Briollet. Musique de Raoul Soler, 1911

mardi 26 juillet 2016

Paul-Louis Hervier,  En l'an 2000. Comment vivront nos fils (1922)

La presse entreprend souvent d'imaginer, avec plus ou moins d'audace, l'avenir. En 1922, Paul-Louis Hervier se projette dans le futur jusqu'à l'an 2000. Il fait pour sa part preuve de prudence...


En l'an 2000

Comment vivront nos fils

Dans soixante dix-huit ans,nos enfants ou nos neveux vivront l'an 2000.
Une statistique récente nous dit que sur sept nouveaux nés, un peut espérer vivre jusqu'à quatre-vingt ans. Il y a donc dans nos villes et villages de jeunes êtres qui connaîtront cette date pour nous mirage inaccessible.
De quoi l'an 2000 sera-t-il fait ?
Nous sommes encore bien superstitieux et volontiers nous nous plions aux manies de croyances multiples dont votre vie quotidienne s'embarrasse et se complique, mais moins ignorants et mieux guidés qu'il y dix siècles, nous n'appréhendons plus pour cette date une fin du monde avec fléaux, catastrophes et tourments.
Les devins et les sorciers ne seront plus là pour jeter l'alarme et la frayeur dans l'esprit de ceux qui seront contemporains de cette date dont l'importance sera sans doute fort relative. L'an 2000 différera peu de l'an 1999 ou de l'an 2001. Les astronomes ne nous ont encore prédit aucune possibilité dont nous puissions nous effrayer pour nos enfants et petits-enfants, nos neveux et arrière-petits neveux.
L'an 1000 fut marqué par une panique universelle et folle. L'an 2000 ne connaîtra que l'apothéose du progrès.
Le progrès, ou ce que nous appelons ainsi, fait depuis peu des pas de géants. Nous vivons actuellement entourés des améliorations ou des évolutions qui datent à peine d'un quart de siècle. Que verrons-nous demain ? Que verront dans soixante dix-huit ans les habitants de la terre ?
Questionnez un vieux Parisien octogénaire, il vous parlera des vignes de Montmartre, des champs de la rue Jouffroy, des omnibus lents dont l'impériale s'escaladait par quelques marches malaisées. La vie du boulevard était intense du côté de la Porte Saint-Martin. Peu à peu, le mouvement, l'élégance, se sont portés plus à l'ouest, du côté du nouvel Opéra, de la Madeleine, des Champs Elysées. L'octogénaire vous dira les progrès de la poste, puis de l'électricité, de l'eau, du chauffage, du phonographe, du téléphone, du télégraphe, mais comme on regrette toujours les belles années de sa jeunesse, il vous dira d'un ton très convaincu : « C'était le bon temps ! Et on avait un poulet pour trente sous ! »
Tous les jours, l'évolution des choses forme sur les bases de l'ancien un nouveau monde. Dans soixante-dix-huit ans, les merveilles de notre époque paraîtront des jouets d'enfants à ceux qui vivront Dieu sait comment.
Notre aviation, nos sous-marins qui, avant d'être des prophéties de Jules Verne furent des rêves et des utopies, connaîtront par stades des améliorations qui en feront des moyens aisés de locomotion pour tout le monde, à moins qu'on ne découvre un moyen plus simple encore.
Nous ne pouvons pas prévoir toutes les merveilles de demain que le bébé d'aujourd'hui pourra connaître au cours de sa vie.
En l'an 2000 nos merveilleuses locomotives, mondes ou monstres puissants, seront aussi démodées que la vieille pataches de nos ancêtres. Les trains sans doute existeront encore, mais ils seront électriques et ils iront si vite qu'on pourra, de Bruxelles ou Paris, gagner la Riviera ensoleillée en quelques heures. Toutes les machines de toutes les usines seront mues certainement par l'électricité. On aura capté la force de toutes les chutes d'eau, peut-être la force du vent, sans doute celle des marées, on aura peut-être trouvé le moyen de ravir à l'air, l'électricité qui s'y trouve.
On disposera peut-être grâce à l'électricité des forces telles que la transmutation des métaux ne sera plus pour les savants qu'une bagatelle. Il sera aussi aisé pour un chimiste de faire de l'or que pour une cuisinière moderne de faire une marmelade de fruits.
Un savant prévoit qu'on fera dans l'avenir des meubles avec un métal dérivé du nickel – le nickalum – si léger qu'on pourra déplacer une armoire avec autant d'aisance qu'une chaise si peu coûteux que tout le monde aura la possibilité de se meubler ainsi, si propre que l'hygiène y trouvera son compte. Les beaux meubles d'autrefois seront relégués dans des greniers ou exposés dans des musées, mais il y aura certainement des originaux pour désirer faire de leur maison de campagne une reconstitution d'habitation ancienne.
Comment vivra-t-on dans les appartements ? Tout sera électrique : la cuisine, le balayage, le lavage, et la main-d'oeuvre sera réduite au minimum. La crise des domestiques sera peut-être enfin résolue.
Un éditeur américain prévoit une grande amélioration dans la façon de présenter les nouveaux ouvrages. IL croit qu'on fabriquera des feuilles de nickel si légères et si minces qu'un seul volume pourra contenir 30.000 pages, plus flexibles et plus résistantes que les pages de papier. Il y a certainement un grand progrès dans ce rêve, mais ce n'est pas celui d'avoir des romans ou des études historiques de 30.000 pages.
Vous avez vu certainement ce dessin de publicité, représentant un lapin, sautant dans une machine en mouvement, qui éjacule de l'autre côté un merveilleux chapeau haut de forme au poil lisse. M. Edison croit que, peu à peu, tout pourra être fabriqué de cette manière. Par exemple, un complet sera coupé, cousu, garni de ses boutons par une machine minutieusement réglée et actionnée par l'électricité.
Les grandes villes seront-elles des enfers ou des paradis ? Un statisticien, par anticipation, prévoit que Londres aura quatorze millions d'habitants et Paris neuf millions. Il ajoute que les rues seront pavées de nickalum, métal plus durable, plus souple et moins bruyant que le caoutchouc. L'air des grandes cités sera devenu plus respirable. Il n'y aura plus de fumées d'usines. On se déplacera facilement grâce à de confortables trottoirs roulants souterrains ou peut-être même grâce à des wagonnets aspirés rapidement en des tubes pneumatiques.
LE charbon aura-t-il encore une valeur ? Se nourrira-t-on de produits synthétiques ? Est-ce que le laboratoire ne remplacera pas la ferme ? Un avant anglais prévoit qu'on demandera à la terre, non plus les légumes et les fruits, non plus les grasses prairies et les champs fertiles, mais une source inépuisable de chaleur et d'énergie. Il serait, dit-il, suffisant de creuser un puits de quelques kilomètres pour y trouver la chaleur nécessaire à toutes les industries. L'eau, à cette profondeur, serait à une telle pression et à une telle température qu'elle pourrait actionner aisément toutes les machines du monde.
Et la médecine ? Fera-t-elle les progrès qu'on attend depuis plusieurs siècles ? Sa sœur merveilleuse, la chirurgie, aura-t-elle découvert les secrets de la vie plus belle, de la vie éternelle. Prolongera-t-on l'existence, améliorera-t-on l'espèce humaine ? Un successeur du docteur Voronof rendra-t-il communs et aisés le changement de sexes et le rajeunissement par étapes des vieillards ?
Que de choses que nous ne prévoyons pas ! C'est toujours le rêve que nous n'avons pas qui se réalise. Il est impossible de de faire d'exactes prévisions, le progrès le plus inattendu se manifestera soudain dans le domaine dont on ne semblait pas s'occuper. Si un journal dans soixante-dix-huit ans retrouve l'exemplaire du « Midi » où a paru cet article, peut-être le reproduira-t-il avec quelques commentaires amusés.
« Si ce pauvre chroniqueur qui vivait en 1922, écrirait-il, revenait parmi nous, il n'en reviendrait pas. Nous avons fait bien d'autres progrès que ceux qu'il prévoyait. Il nous voyait végétant, or, nous vivons. »
Peut-être au contraire est-ce nous qui vivons. Je me souviens qu'un humoriste prévoyait que les hommes de l'avenir n'auraient plus d'estomac puisqu'ils ne mangeraient plus ; plus de jambes, puisqu'ils ne marcheraient plus. Après tout, nous nous sentons parfois bien heureux tels que nous sommes !

Paul-Louis Hervier, « En l'an 2000. Comment vivront nos fils »,
 in Le Midi, n° 4585, samedi 11 février 1922.

samedi 23 juillet 2016

[Uchronie] Emile Faguet, Sur Mirabeau (1913)

Nombre d'études historiques se plaisent à faire de l'uchronie. En 1913, l'écrivain, essayiste et critique littéraire Emile Faguet imagine, à la fin de son article "Sur Mirabeau" le destin du révolutionnaire Honoré-Gabriel Riquetti comte de Mirabeau s'il n'était pas mort en 1791.


Que serait-il arrivé de Mirabeau s'il n'était pas mort le 2 avril 1791 à l'âge de quarante-deux ans ? Ces questions sont trop oiseuses pour que je consacre à l'une d'elles plus de vingt lignes, mais encore elles contribuent à fixer les idées sur un homme. Il aurait été assurément guillotiné en 1793 s'il fût resté en France; si, ce qu'il aurait sans doute compris qu'il fallait faire après les découvertes de l'armoire de fer, il avait fui à l'étranger, il n'aurait pas pu revenir avant le Consulat, et très probablement il n'aurait pas été employé par Napoléon qui s'accommodait mal d'hommes de sa taille, et il n'aurait pu devenir ministre qu'avec Louis XVIII vers 1818 ou 1820, et, à cette époque, il aurait eu soixante-dix-ans. C'était un peu tard. On peut donc dire qu'à la date où Mirabeau mourut, sa carrière était si près d'être finie qu'en vérité elle l'était.
Inversement, s'il avait été prêt d'autre sorte qu'intellectuellement en 1788, s'il avait été moralement ministrable en 1787 ou 1788, s'il avait, à la place de Necker ou de Montmorin, présidé comme chef de gouvernement à la Révolution naissante, s'il avait été appelé à la diriger, à la contenir, à la guider, à l'éclairer avec la netteté de ses vues et la décision de son geste, il est possible, il est presque probable que ce grand mouvement, très nécessaire, eût pris un tout autre cours, et meilleur, et que son seul produit net, l'Empire (qu'il a prévu), n'aurait jamais existé.

Emile Faguet, Sur Mirabeau, in Revue des deux mondes, 1er juin 1913

Image:  François Louis Lonsing, Portrait d'Honoré-Gabriel Riqueti, Comte de Mirabeau (1749-1791), huile sur toile, deuxième partie du XVIIIe siècle, Musée des Beaux Arts de Bordeaux

jeudi 21 juillet 2016

Chanson de l'été #3 : L'avenir (1885)

Chaque jeudi de l'été, ArchéoSF vous propose une chanson oubliée relevant de ses domaines de prédilection : l'anticipation, l'utopie, la science-fiction...

En 1885,  Louis Pontier propose une chanson républicaine à chanter sur l'air du Batelier Cupidon. La République est comme une mère bienveillante pour ses enfants. Repoussant l'action violente l'auteur assure un avenir radieux aux ouvriers.








Source: Médiathèque de Roubaix

lundi 18 juillet 2016

Enigme du lundi #7 : A quoi sert cet appareil?

Voici une photographie extraite des collections numérisées de la Bibliothèque Municipale de Lyon. Mais à quoi sert l'appareil représenté?


samedi 16 juillet 2016

Le fil de l'avenir

Les supports publicitaires ont toujours été variés. On connaît bien les chromolithographies des chocolatiers. Voici autre exemple pour le fil. Les fils (pour la couture) bénéficiaient d'étiquettes à collectionner et certaines de ces étiquettes peuvent avoir marginalement un caractère anticipateur. La Médiathèque de Roubaix propose pas moins de 400 de ces étiquettes sur son site.

C'est le cas du Fil de l'avenir faisant partie de la série Principes et idées ( série complète de 11 étiquettes avec les titres suivants: l'union fait la force, à l'alliance, à la liberté, à la victoire, à l'espérance, au souvenir, au destin et à l'avenir, seul le dernier nous intéresse ici).


Source: Médiathèque de Roubaix

jeudi 14 juillet 2016

Chanson de l'été #2 : L'avenir du bataillon scolaire (vers 1885)

Chaque jeudi de l'été, ArchéoSF vous propose une chanson oubliée relevant de ses domaines de prédilection : l'anticipation, l'utopie, la science-fiction...
 
En ce jour de fête nationale, c'est une chanson clairement patriotique qu'ArchéoSF propose dans le cadre de sa série Chanson de l'été avec L'Avenir du Bataillon scolaire (vers 1885).

Sur des paroles du Roubaisien Eugène Cornil et sur l'air de "Je pleure ma moustache", L'avenir du bataillon scolaire est typique des chants revanchards (après la défaite 1870-1871). Il s'agit alors de préparer la jeunesse à la guerre qui vient et qui permettra de reprendre l'Alsace et la Lorraine à l'Allemagne. On en connaît le résultat 30 ans plus tard...








mardi 12 juillet 2016

karoly, Le Lyon de l'avenir (1911)

Dans la presse locale l'on découvre régulièrement des anticipations imaginant l'avenir de telle ou telle ville. Si Les Paris du futur (et même Les Ruines futures de Paris !) sont bien connus, il n'en est pas de même des futurs de province. 
Voici un petit texte sur le Lyon de l'avenir (découvert dans le fonds de la Bibliothèque numérique de Lyon) avec les nouveaux principes urbanistiques et hygiénistes, ses transformations dans le domaine des transports et sa métamorphose à 80 ans d'écart. L'article fut publié le 1er avril 1911 - et daté fictivement du 1er avril 1991 -  dans La Construction lyonnaise (un bi-mensuel consacré à l'architecture, au génie civil et aux travaux publics).


Comme une ville se transforme en l'espace de mille ans !
Ceux de nos ancêtres qui ont connu les terreurs de l'an 1000, s'ils revenaient au monde, auraient grand'peine à reconnaître aujourd’hui leur bonne ville de Lyon.
Suivant la prédiction faite vers 1820 (par Vitton, sauf erreur), la Guillotière a absorbé Lyon ; je veux dire que le centre des affaires qui avait franchi la Saône au moyen âge, vient de franchir le Rhône au cours du présent siècle.
Le Lyon de la rive droite de la Saône n'est plus seulement la cité mystique, mais est devenu en outre un centre pittoresque de promenades d'agrément. Après cent vingt ans de travaux alimentés par la piété des fidèles et leurs généreuses aumônes, la monumentale église de Fourvières est enfin achevée ! Tout autour, le coteau forme un immense parc ouvert au public, coupé à mi-hauteur par une avenue plantée d'arbres demi-séculaires, qui rejoint vers le sud l'avenue Valioud, et se relie vers le nord avec le cours des Chartreux par le moyen d'un pont dominant la Saône de 50 à 60 mètres ; ce pont est à deux étages, l'un pour les voitures, tramways et automobiles, l'autre pour les piétons et cyclistes. Le plateau lui-même est resté le domaine des établissements religieux, mais de larges avenues sillonnent ce plateau, rendant facile dans tous les sens l'accès de notre basilique, que le monde nous envie.
L'enceinte de fortifications, qui étouffait autrefois l'essor des voies de communication, a fait place à des promenades ombreuses avec des points de vue aussi étendus que variés. De somptueuses installations, dans le genre des casernes anglaises, remplacent plus qu'avantageusement les affreuses casemates que comportaient, naguère, les anciens forts de Loyasse et de Vaise.
Une grande opération de voirie et d'hygiène a transformé les quartiers Saint-Georges, Saint-Jean et Vaise ; de magnifiques villas remplacent maintenant les taudis qui s'étageaient autrefois sur la montée fameuse du Gourguillon, rue Bourdy et montées des Epies ou des Chazeaux. A Vaise, les anciens emplacements des abattoirs ou du marché aux bestiaux sont couvertes de constructions hygiéniques à bon marché avec jardins de famille.
La presqu'île de Perrache a reçu, elle aussi, quelques heureuses transformations : grâce à la construction d'un pont de chemin de fer sur le Rhône vers Pierre-Bénite, grâce aussi au développement inouï des transports fluviaux en général et du port Rambaud en particulier, la gare Perrache, devenue presque sans utilité, a été rasée et se trouve actuellement remplacée par une cité ouvrière parfaitement aménagée.
Une autre cité ouvrière s'étage sur les pentes de la Croix-Rousse, entre la Grand'Côte et la montée Saint-Sébastien, aux lieu et place des maisons de 5 ou 6 étages qui servaient de domicile et d'atelier aux canuts du temps de la Révolution.
Le pont monumental qui relie les deux collines n'est pas, d'ailleurs, le seul moyen de communication entre les populations des deux plateaux lyonnais. Une flottille d'aéroplanes de toutes formes et de toutes dimensions fait un service régulier de transbordement entre la Croix-Rousse et Fourvières-Loyasse ; aussi les recettes des funiculaires de la rue Terme et de Saint-Paul commencent à baisser de façon inquiétante.
Mais c'est surtout sur la rive gauche du Rhône que s'est développée la population, qui n'est pas loin d'atteindre 1 million d'âmes, depuis la réalisation des projets d'annexion sur lesquels ont pâli tant de générations.
L'exode vers l'est du Lyon monumental, qui avait commencé par la Préfecture, le Mont de Piété, les Facultés, s'est continué ensuite par les abattoirs, le grand Lycée de garçons, la Manufacture des tabacs, le grand Hôtel-Dieu, la Condition des Soies, la Banque de France et divers établissements de crédit. Cet exode a été suivi par le Palais du Commerce, l'hospice de la Charité, l'hôtel du Gouverneur ; il est question maintenant de rien moins que de construire à neuf, à la place des casernes de la Part-Dieu, décidément démodées, une salle de fêtes genre Colisée, avec jardins et fontaines, un hôtel de ville et un Palais de justice ; l'ancienne mairie centrale deviendrait la Bourse du travail, et le Palais de Justice serait transformé en caserne. Le cours Garibaldi est devenu l'artère principale de la ville et rivalise avec les boulevards de Paris.
De petites villes ouvrières ont surgi dans les quartiers du Tonkin, des Poulettes, à Bon Coin, à Montchat, au Bachut. Des avenues de 30 à 40 mètres de largeur, desservies par des tramways et des autobus, relient ces cités ouvrières aux différentes usines et fabriquent, qui couvrent le terrain jusqu'au mur d'enceinte.
La plupart des constructions nouvelles ont leur toiture en terrasse, ce qui facilite singulièrement l'emploi d'aéroplanes pour les déplacements. Aussi les automobiles commencent à passer de mode.
Enfin, le projet Moncorgé revient à l'ordre du jour…

1er avril 1991

Karoly

En contrôlant les épreuves au moment du tirage, nous nous apercevons que notre collaborateur, au lieu de son article habituel, a subrepticement fait passer l'oeuvre d'un de ses parents qui est doué de double vue. Les nécessités du tirage ne nous permettent plus de le remplacer (N.D.L.R.)


Karoly, « Le Lyon de l'avenir », in La Construction lyonnaise
33e année, n°7, 1er avril 1911

Source du texte: Bibliothèque numérique de Lyon  
A lire sur ArchéoSF les textes:
Général Baron Thomas, Grenoble en l'an 2000 (1893)

lundi 11 juillet 2016

Enigme du lundi #6 à quoi sert cet "abri"?

Un agent est au milieu de cette sorte de guérite lors d'une inauguration. Mais à quoi sert cet "abri"?


samedi 9 juillet 2016

[critique] Les Uchronies (1905)

Le mot "Uchronie" a aujourd'hui un sens bien compris par tout le monde et il semble que, quand on parcourt la presse du XIXe siècle et du début du XXe siècle l'idée d'une histoire alternative, contre-factuelle avec une divergence par rapport à notre fil historique soit déjà parfaitement admise et assimilée.
Ainsi quand Joseph Méry donnait le titre, à ce qu'on appelait pas encore une uchronie, "Histoire de ce qui n'est pas arrivé" à un texte narrant l'épopée orientale de Napoléon Bonaparte il livrait une véritable définition. On trouve dans les ouvrages du XIXe siècle des mentions du mot "Uchronie" à partir de 1876, c'est à dire de l'édition en volume de l'Uchronie, utopie dans l'histoire de Charles Renouvier (première édition incomplète en 1857).

En 1876 Le Musée Universel donne cette définition : "Uchronie veut dire hors du temps comme utopie veut dire : hors de l'espace".

Dans son Lexique de philosophie (éditions P. Delaplane, 1892) Alexis Bertrand (professeur de philosophie, 1850 - 1923) termine son article "Utopie" par ces mots: 
M. Renouvier a forgé sur le même type le mot uchronie qui signifie ce qui n'a eu d'existence en aucun temps, ce qui aurait pu avoir lieu, mais ne s'est point passé réellement; en d'autres termes, l'histoire imaginaire de ce qui serait advenu si par hypothèse tel ou tel grand événement historique qui a laissé des traces profondes était supprimé ou modifié. 

Le Dictionnaire des dictionnaires (sous la direction de Paul Guérin, éditions Imprimerie Réunies, 1895) est plus laconique: 

Uchronie: Histoire fictive. 
Pourtant l'article anonyme intitulé "Les Uchronies" publié dans La Presse ( n°4729 daté du 11 mai 1905) semble méconnaître ces définitions et donner comme signification uniquement "hors du temps" c'est à dire pouvant recouvrir des anticipations comme des uchronies comme on peut le constater avec les oeuvres mentionnées par l'auteur : 


Les Uchronies


C'est vraiment la caractéristique manie de notre époque, le désir prenant des contemporains, l'avidité de vivre, de voir et de connaître, de prolonger, de dépasser le temps et l'espace, d'arranger l'existence de telle sorte qu'elle s'allonge démesurément dans l'avenir et dans la distance. Nous sommes les anticipateurs du présent.
Les anciens cherchaient l'avenir dans des sortilèges, et encore l'interrogation de cet avenir n'avait d'autre but que l'utilisation pratique du présent, l'oracle de Delphes,: la sibylle de Cames donnaient des avis. Nous autres, nous envisageons l'avenir avec une curiosité artiste, un sens de prévision qui nous fait vivre des événements imaginaires, combinés avec une logique fallacieuse et un ordre illusoire. Nous nous complaisons aux uchronies.
Uchronies, arrangements historiques et commentaires de l'avenir, cette sensationnelle grande page d'un illustré représentant l'incendie possible du Musée du Louvre avec le sauvetage des tableaux ; uchronie, le tremblement de terre qui détruit Londres, montrant l'écroulement de Trafalgar-square et la lézarde immense de la National Gallery, dans un célèbre magazine; uchronie, la grande guerre européenne de 1903 annoncée, racontée, décrite dans un Journal anglais ; uchronie; ce roman allemand, la victoire de l'Allemagne unie à la France pour battre l'Angleterre sur mer et sur terre, faisant entrer dans Londres le kaiser en même temps que le colonel Marchand dans un même triomphe; uchronie, cette publication parisienne romanesque du capitaine Danrit qui nous fait assister à l'invasion Jaune jusqu'au pied même de la Tour Eiffel ; un périodique nous raconte l'arrestation de M. Loubet et l'emprisonnement des ministres, et l'Age d'or, aux Variétés, nous montre le spirituel Brasseur évoluant à travers le temps.
Oui, ce ve de Follentin, imaginé parlée par les ingénieux auteurs de Champignol, est aussi une uchronie. Follentin a une âme ultra-moderne sous la folie de deux maîtres du Vaudeville se voile une idée poignante, une idée d'aujourd'hui, et, à travers leur blague et leurs quiproquos, on peut y sentir notre désir qui frissonne, toute notre angoisse du devenir.
Enfants terribles que nous sommes, le présent est déjà si rempli, si varié, si plein de choses le voir, le connaître, le pénétrer, en saisir les événements et leurs causes, tache énorme et tellement multiple. A quoi bon le gâter, ce présent qui nous échappe à chaque minute, par des suppositions, des espérances, des inventions ?
L'uchronie (que ne m'en veuillent pas les auteurs de fantaisies livresques, journalistiques et théâtrales que je cite) ressemble a des rêves de neurasthénique, des songeries de fumeur d'opium : elles ont un charme presque dangereux et un néant dérisoire... Je m'arrête, je sens que je vais en dire du mal et je devais me contenter de constater une tendance, et je dois me rappeler que Jean-Jacques avoue qu'il cédait quelquefois au plaisir d'arranger les événements qu'il racontait, et de prolonger ses anecdotes avec de l'imagination et que cela n'était pas mentir.






jeudi 7 juillet 2016

Chanson de l'été #1 : L'avenir du travailleur (1886)

La chanson populaire revendicative proposait souvent au XIXe siècle et dans la première partie du XXe siècle des élans utopiques (ou utopistes). Chaque jeudi de l'été, ArchéoSF vous propose une chanson oubliée relevant de ses domaines de prédilection : l'anticipation, l'utopie, la science-fiction...

L'Avenir du travailleur a été composée par Victor Capart et chantée par "une société de forçats" a été édité par la librairie Carette (Roubaix) en 1886. Vous trouverez ci-dessous le fac-similé de la publication et en fin de page le texte complet. Les quatre premiers couplets font un état des inégalités sociales et le dernier couplet se lance dans une anticipation utopiste.



1er couplet





Refrain


2ème couplet


3ème couplet



4ème couplet


5ème couplet




1er couplet

Banquiers et grands propriétaires,
Qu'un génie heureux te fit naître
J'aperçois que des prolétaires,
La misère tu ne veux connaître,
Tu te promènes bien aisément
Pendant que l'ouvrier travaille,
Sans fatigue tu dors molement
Sur la laine, l'ouvrier sur la paille.

Refrain


Voilà Messieurs les aspirants,
Aux grandes idées capitalistes
Pour l'avenir de nos enfants,
Pourquoi l'on est socialistes. (Bis pour les deux derniers vers)

2ème couplet

Riche, vois tu ces malheureux,
Qui ont grossi ton capital,
Regarde à l'Hospice ces vieux
Après soixante de travail
Et toi sans jamais travailler,
Ton coffre se remplit de richesses,
Par le produit de l'ouvrier
Tu passes une heureuse vieillesse.

3ème couplet

Riche tu viens sans travailler
Député, grand propriétaire,
Et en travaillant l'ouvier
Ne peut avoir son nécessaire.
Pour toi manger les bons morceaux
Les meilleurs vins sont sur ta table,
Nous l'on a pas les meilleurs eaux ;
Regarde si c'est agréable
4ème couplet
Fils de ces grands conspirateursQui font partie du séminaire,
Tu es pour causer nos malheurs
Exempt de la loi militaire,
L'ouvrier laisse ses vieux parents
Pendant cinq ans dans la misère
Pendant ce temps tous les savants
Apprennent le métier de rien faire.

5ème couplet


Un jour viendra, les travailleurs,A bout de force et de souffrance
Diront à tous ces exploiteurs
Tous vos trésors sont à la France
Le peuple vient de décréter
Cette nouvelle loi pratique
Que par la collectivité
Tous sont égaux en République
Source: médiathèque de Roubaix

mardi 5 juillet 2016

Markous, Quand on aura oublié de marcher... (1909)

Au début du XXe siècle avec le succès de l'automobile et de l'aéroplane se posait la question du dernier piéton. L'espèce pédestre allait-elle disparaître? 
Markous livre sa vision dans ce dessin paru dans La Vie Parisienne fictivement daté du samedi 25 août 3414 (1552e année) :


Légende: "Un exploit qui va certainement bouleverser la face du monde vient d'être accompli : un homme est arrivé à s'avancer sur terre en mettant successivement un pied devant l'autre!
"Grands Dieux ! Où s'arrêtera le progrès humain !









 
Différents auteurs ont évoqué ce thème du dernier piéton ou de la fin de la marche supplantée par les appareils automobiles et aéronautiques:


L’espèce rare des piétons sous le joug d’un nouvel impôt en 1997" publié dans la  Revue du Touring-Club de France (1897) (lire en ligne)


Jean Goudezki, sous le pseudonyme de X. Jeune-Sépaki, Un clou pour l’exposition de 1950, L’homme à pied, in Almanach catholique de Roubaix, 1899 recueilli dans l'anthologie En 1950

Fel, "Les Derniers pas de l'homme", « Temps futurs », publié dans La Tribune de Lausanne, n°285, 14 octobre 1921. (lire en ligne

Clément Vautel, "Le Dernier piéton", in Almanach Illustré du Petit Parisien, 1927, repris dans le Bulletin des Amateurs d'Anticipation Ancienne n°13 février-avril 1994 



Merci à Blouzouga Memphis qui m'a transmis l'image