Les Rencontres de l'imaginaire de Sèvres accueillent chaque année des conférences. En 2016 l'une d'elles avait pour thème La science fiction française des origines à 1950.
Les intervenants Francis Saint-Martin, Jean-Luc Boutel, Natacha Vas-Deyres, Joseph Altairac, Brian Stableford débattent pendant plus de 90 minutes. ActuSF a mis en ligne la captation audio:
Pour écouter le débat, cliquez simplement ICI.
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mercredi 30 novembre 2016
vendredi 11 novembre 2016
André Charpentier, Anticipation (1917)
Dès
1917, André Michelin lance une collection de guides touristiques sur
les lieux de la Première Guerre Mondiale. Le premier guide a été
publié fin 1917 avec le volume Champs de bataille de la
Marne I. L'Ourcq, Meaux-Senlis-Chantilly aux
éditions Berger-Levrault. La collection éditée entre 1917 et 1921
compte 29 titres en français, 20 en anglais, 4 en italien et 1 en
allemand.
André
Charpentier, dans une chronique publiée dans Le Canard
Enchaîné, imagine, avec
humour, pour après la guerre une continuation du conflit par les
touristes eux-mêmes... Cette chronique est reprise dans Le Bochofage fin 1917.
Anticipation
« La
visite des champs de bataille est déjà organisée. En
France, Michelin commence la publication de guides spéciaux. De
l'autre côté du Rhin, Baedecker (1)
prépare, lui aussi, des guides tendancieux, sous le
patronage du grand état-major allemand... »
La
paix vient d'être signée.
Immédiatement,
de part et d'autre, cependant que les combattants réintègrent leurs
foyers, les agences organisent des excursions aux tranchées à
l'image des civils avides de respirer, sans danger, l'air glorieux
des champs de bataille.
Des
quatre points cardinaux, les touristes arrivent pleins breaks,
envahissent les secteurs, arpentent les boyaux, dégringolent au fond
des sapes, gesticulent sur les parapets. Pour faciliter leur visite,
ils se sont munis des guides édités dans leur pays.
Deux
groupes d'excursionnistes se rencontrent autour d'un petit poste. Les
uns tiennent à la main un guide Michelin, les autres un guide
Baeckeder. Cette particularité ne passe pas inaperçue… C'est ici
que les patriotes, qui n'ont pu verser leur sang durant la guerre,
s'attendent de peid ferme. On s'aperçoit que, la paix conclue, la
guerre ne fait que commencer.
Un
« Boedecker » après avoir compulsé son guide, explique
à ses compagnons :
-
C'est ce petit poste dont les Allemands s'emparèrent au début de
l'action du 4 novembre…
A
cette assertion, un « Michelin » sursaute :
-
Pardon, monsieur, interrompt-il, vous commettez une erreur
historique : les Français de ce petit poste ont repoussé
victorieusement toutes les tentatives boches…
-
Je…
Mais,
déjà, le Michelin plus nerveux a arraché une motte de terre du
parapet et l'a lancée dans la direction du Boedecker. Cette attaque
brusquée déclenche les hostilités. La bataille s'engage entre les
« Michelin » et les « Boedecker ».
Plus
nombreux les Boedecker cernent le petit poste, en chassent les
occupants à coups de cannes et de parapluie et gagnent la première
ligne. Un Michelin appelle du renfort à l'aide du klaxon d'un poste
aux gaz. L'appel est entendu ; les renforts montent. La lutte
devient égale, et davantage acharnée.
Les
coups de cinéma se succèdent. Un Boedecker reçoit un caillebotis
en plein crâne. Un Michelin s'empare d'un Vermorel et asperge ses
ennemis d'hypsulfite. Un groupe de belligérants empêtré dans des
rouleaux de barbelés et des chevaux de frise pousse d'ignobles
jurons. Armé d'un bouthéon (2), un Boedecker distribue plaies et
bosses. Quelques Michelin s'étaient réfugiés dans une cagna ;
un Boedecker avise une grosse femme, et d'un preste croc-en-jambe
l'envoie rouler au fond de la cagna où elle tombe avec la légèreté
d'un 420 qui n'éclaterait pas ; on entend les râles des
écrasés. Claies, rondins, sacs-à-terre, galions sont autant
d'armes et de projectiles entre les mains des combattants.
Quel
beau communiqué !
A
la nuit, la bataille prend fin. Les Boedecker sont repoussés avec
pertes. Les brancardiers ramassent les victimes et les transportent
au poste de secours (les agences ont tout prévu). Chaque blessé
reçoit une fiche – une fiche d'évacuation où sont marqués les
honoraires du médecin.
Contemplant
ce spectacle, un ancien poilu, qui a accompagné sa belle-mère dans
son expédition et l'a « oubliée » quelque part par là
là dans un trou de 380, profère, goguenard :
-
C'est bien son tour…
André
Charpentier, « Anticipation »,
publié
dans Le Canard Enchaîné,
repris
dans Le Bochofage (journal de
tranchées)
daté
du « 16 et 17
novembre et décembre 1917 ».
(1)
André Charpentier parle ici du guide Baedeker. L'orthographe varie
au cours de l'article. Nous avons conservé les différentes
graphies. Nous avons en revanche corrigé les coquilles.
(2)
Marmite plate en métal équipant l'armée
jeudi 10 novembre 2016
ArchéoSF aux Rencontres de l'Imaginaire de Sèvres, passez vos commandes !
ArchéoSF sera aux prochaines Rencontres de l'Imaginaire à Sèvres le 26 novembre. Nos livres sont édités à la demande, ce qui signifie que notre stock est relativement limité.
Nous prenons les commandes de celles et ceux qui souhaitent faire l'acquisition d'un volume (ou de plusieurs, ou de tous les livres!) de la collection ArchéoSF à l'occasion de ce salon. Vous pouvez retenir votre ou vos livres en commentaire ou par courriel à l'adresse : archeosf[at]gmail.com.
Le catalogue papier:
- Paris Futurs, anthologie des Paris du Futurs, 180 pages, 13 euros
- Les Ruines de Paris et autres textes, anthologie, 120 pages, 12,50 euros
- Michel Verne, Zigzags à travers la science suivi de Edom/L'éternel Adam, 136 pages, 12,50 euros
- Le Passé à vapeur, anthologie proto-steampunk, préface par Etienne Barillier , 156 pages, 12,50 euros
- Les Autres vies de Napoléon Bonaparte, anthologie d'uchronies et d'histoires secrètes (2 romans, 2 novellas, 1 nouvelle), 720 (!) pages, 29,50 euros
Les tirages spéciaux (non disponibles en librairie):
- Paris Futurs, version fascicule grand format (format A4), 10 euros l'exemplaire.
- Charles Le Goffic, Imaginaire du Trégor, recueil de trois nouvelles (2 fantastiques, 1 anticipation), tirage limité à 50 exemplaires (il en reste quelques-uns), 6 euros.
Tous les livres du catalogue papier & numérique, hormis les tirages spéciaux, sont disponibles sur le site de Publie.net
mercredi 9 novembre 2016
Henri Monier, Aux temps préhistoriques (1930)
La projection dans le futur sert souvent à se moquer des travers de l'époque, il est en de même avec la projection dans le passé préhistorique. C'est ainsi que Henri Monier (1901 - 1959) parle de l'actualité en imaginant une scène venue des temps éloignés...
H. Monier, "Aux temps préhistoriques", Paris-Soir, n° 2409, daté du 11 mai 1930.
jeudi 3 novembre 2016
John-Antoine Nau, Force ennemie : le premier Prix Goncourt
Il fut un temps où l'Académie Goncourt était présidée par Joris-Karl Huysmans et était composée de Octave Mirbeau, J.-H. Rosny, aîné, Léon Daudet, Léon Hennique, Paul Margueritte, J.-H. Rosny jeune, Gustave Geffroy, Lucien Descaves, Élémir Bourges...
Nous sommes en 1903 et l'Académie décerne son premier prix: ce sera Force ennemie de John Antoine Nau. Une œuvre de science-fiction recevant le premier prix Goncourt!
Bien après l'obtention du prix, lors d'une réédition en 1919, le quotidien Le Populaire rappelle l'intérêt et l'importance de l’œuvre:
Préfacée par Louis Descaves, l’œuvre si poignante de John-Antoine Nau, Force ennemie, vient d'être à nouveau éditée, chez Flammarion. Force ennemie fut le premier prix Goncourt et les dix peuvent s'enorgueillir de celui-là.
Le Populaire, 17 janvier 1919
Dans la préface mentionnée par Le Populaire on peut lire:
J’avais porté le livre à Hüysmans; il l’aima tout de suite…. et l’auteur d‘À Rebours n’était pas de ceux qu’on satisfait aisément. Longtemps après, il lui arrivait de dire : « C’est encore le meilleur que nous ayons couronné ».
Il faut reconnaître, en tout cas, que le souhait des Goncourt n’a jamais été mieux accompli que par Nau. La distinction dont il était l’objet ne l’a incité qu’à composer d’autres livres, peu nombreux, lentement, avec soin et sans aucune pensée de lucre. Loin de se croire encouragé au négoce, Nau donna l’exemple, au contraire, d’une dignité de caractère et d’un exclusif souci d’art, qui rappelaient le Prix Goncourt pour en préciser la signification et en accroître le prestige.
En 1922, à propos de la remise du prix Goncourt, on pouvait lire dans Les Potins de Paris ces lignes concernant John-Antoine Nau:
Le roman d'aventures, le roman exotique, si l'on veut, date de John-Antoine Nau qui obtint le premier prix Goncourt en 1903 avec Force Ennemie. John-Antoine Nau qui mourut en mars 1918 à Tréboul fut un grand voyageur. Sur place, il composa Le Préteur d'Amour qui se passe aux Antilles ; La Génia, aux Indes ; Cristobal le Poète, en Algérie ; Thérèse Donali, en Corse...Mais John-Antoine Nau était venu trop tôt. Son siècle ne se plaisait pas à ses narrations lointaines et véridiques. Son temps, néanmoins, doit être venu aujourd'hui. Si la justice existait, John-Antoine Nau aurait un marbre immense et les romans de Pierre Benoit se tirerait en édition à quatre sous. Ce serait encore beaucoup d'honneur...
Les Potins de Paris, 6 février 1922
A lire:
Force ennemie de John-Antoine Nau, collection ArchéoSF (disponible en numérique, 4,99 euros seulement)