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mercredi 15 mai 2019

Sybile Mong, en V-Bus pour Mars (1945)

L'éminent Gallicanaute (voir ICI la définition de ce terme) Blouzouga Memphis (visitez son site ICI) m'a communiqué les références d'un texte signé Sybile Mong (sans doute un pseudonyme) joliment illustré par Révac. Direction Mars !



En « V »-Bus pour Mars


Le projet n’est pas neuf. Depuis toujours l’homme a ambitionné de quitter ce bas-monde pour explorer les sphères célestes. Bien des savants ou poètes s’y sont essayés en esprit. Et les expériences mi-fantaisistes, mi-prophétiques d’un Wells ont enchanté notre jeunesse.
Mais un ingénieur américain à qui je déclarais l’autre jour, en plaisantant : »Il n’est pas loin le temps où nos vacances se passeront sur la planète Mars », m’a répondu le plus gravement du monde : « En doutez-vous ? »

DE LA BOMBE ATOMIQUE A LA FUSÉE ASTRONOMIQUE

Les toutes récentes découvertes sur le dégagement de l’énergie atomique, dont le premier témoignage, sous forme de bombe, a indiscutablement frappé les humains ont ouvert à la question des transports, des horizons nouveaux. Déjà on parle outre-Atlantique, d’une locomotive « atomique », dont la vitesse ahurissante réduiraient les garde-barrières (s’il y en avait là-bas) au rôle de fonctionnaires inopérants.
Pour de pareils engins, le ciel, toujours tentant devient accessible.

LES ANCIENS ASTRONAUTES ET LEURS VÉHICULES PÉRIMÉS

Le plus justement renommé, sinon le plus sérieux des astronautes du temps passé fut Cyrano de Bergerac. Ses moyens d’aller dans la lune sont variés. Le voyageur pouvait prendre place dans une cabine en fer attirée par un aimant placé devant lui. Cet audacieux pouvait ceindre des flacons remplis de rosée qui, s’évaporant au soleil, l’entraînerait dans son ascension, etc., etc.
Jules Verne, plus scientifique, dans son livre « De la Terre à la Lune », préconisa l’emploi d’un canon monstrueux. Or : Le canon est, pour le départ vers les astres, un engin impraticable.
Les savants ont étudié sérieusement la question. Si l’on veut tirer de plus en plus loin, il faut doter l’obus de vitesses initiales de plus en plus grandes. Pour un canon à longue portée : 1.000 m. seconde. Pour une « Bertha », 1.500 m. seconde. Pour tirer jusqu’à la lune, la vitesse initiale devrait être de 11.180 m. seconde, et, jusqu’à Mars, de 13.500 m. seconde.
Comment atteindre cette vitesse fantastique sans dommage pour les voyageurs ? Dans le canon de Jules Verne, malgré la paroi mobile, les voyageurs seraient infailliblement écrasés au départ du coup !

LA « BELLE-BLEUE » APPORTA LA SOLUTION

Seule, une fusée peut emporter les explorateurs d’astres. Une fusée, on le sait, n’est qu’un tube de carton empli de poudre. Quand la poudre brûle, les gaz de la combustion jaillissent à un bout de la fusée et, par réaction, celle-ci est vivement projetée de l’autre côté.
Le problème, jusqu’à maintenant, était de lancer de lancer une fusée assez grande pour loger des passagers avec leurs provisions et matériel, en emportant la quantité de poudre suffisante pour quitter le globe.

TOUJOURS DES HISTOIRES DE COMBUSTIBLE

La vitesse de 11 km. Seconde est, nous l’avons vu, indispensable pour quitter la Terre. Or, la poudre ne permet pas de dépasser 2 km. 500.
D’autre part, l’Américain Goddard, qui, en 1913, envisageait l’envoi d’une fusée sur la lune, prévoyait une charge de 300 kg. de poudre pour le transport des 300 gr. de magnésium nécessaires à la vision par télescope !
En 1941, lorsque les savants prétendaient être sur le point de dégager l’énergie atomique (cf. le livre de Pierre Rousseau « Mars, terre mystérieuse », d’où nous tirons ces renseignements) on leur répondait : « Ce n’est pas pour demain ». C’était pourtant le lendemain : le V-Bus entre les astres ou le Madeleine-Bastille aérien.
Les savants allemands perfectionnèrent la fusée et en firent ces dangereux projectiles appelés V1, V2, V3. Mais, la bombe atomique révèle que le moteur a enfin été découvert, qui va permettre aux hommes l’assaut du ciel.

NOTRE BELLE VOISINE, OU PLUTÔT NOTRE BEAU VOISIN : MARS

La Lune n’est déjà plus qu’une banlieue de la Terre. C’est Mars qui, la première des planètes, aura l’honneur de notre visite ! Elle nous fait des avances tous les quinze ans, c’est bien connu, et se rapproche alors à moins de 56 millions de kilomètres de nous ! N’est-ce pas, d’ailleurs, l’astre frère de notre planète ? L’année y dure 687 jours et les journées y ont 24 heures, 7 minutes 280.

A QUAND LA CARTE ROUTIÈRE DE MARS ?

Déjà les spécialistes la voient tourner dans le ciel.
Tandis que, sur le bord gauche du disque, la Mer du Sablier s’en va, la Baie Fourchue, d’un merveilleux bleu de cobalt, se prépare à franchir la ligne du méridien. Le Golfe des Perles, verdâtre, va suivre. Plus tard passeront le Golfe de l’Aurore, puis la mystérieuse Fontaine de Jouvence. Le lac du Soleil se présentera ensuite, précédant le lac du Phénix qui s’annonce déjà sous la caresse du jour naissant, tandis qu’à l’est les premières lueurs de l’aurore se lèvent sur la mer des Sirènes.
N’êtes-vous pas tentées de partir pour ces poétiques contrées ?

LES SURPRISES DU VOYAGE

C’est tout juste si l’Agence Cook ne décrit pas déjà le parcours sur ses prospectus. Au départ, même sensation que dans un ascenseur qui monte. Notre corps nous semble peser quatre à cinq cents kilos. Il s’allège subitement lorsque, ayant échappé à l’attraction terrestre, le pilote a stoppé le mécanisme de la fusée.
Le spectacle à l’intérieur est alors curieux. Tout flotte. Vous pouvez vous asseoir ou vous coucher « en l’air » et y accrocher votre chapeau à un imaginaire portemanteau.
Surprise : un garçon vient vous chercher pour une « petite promenade à l’extérieur » ! On vous revêt un scaphandre muni d’un réservoir d’air, mais vous êtes terrifié. N’allez-vous pas tomber dans le vide ? Pas du tout. Avec la sensation de demeurer immobile, vous vous mettez à tourner autour de la fusée en l’accompagnant, comme un satellite modèle ;

MARS, TOUT LE MONDE DESCEND

Le pilote a renversé la fusée et l’a remise en marche pour freiner votre chute qui est de 5 km.-seconde. Un choc, puis plus rien. Vous mettez un léger masque respiratoire et vous voilà prêt à débarquer.
Quelle légèreté. Sans régime, vos 56 kg. sont devenus à peine 20. Wells a décrit dans « Les Premiers Hommes dans la Lune », la facilité des bonds que vous faites également sur la terre martienne. Profitez-en pour explorer le paysage. Quelque végétation rabougrie (votre taille domine la « forêt »), et, de tous côtés, un désert rose. C’est le soir déjà. Dans la nuit, plus pure que la nôtre, une lune minuscule se lève à l’est, comme « chez nous ». C’est Phobos (la « terreur »). Mais, à l’ouest, une autre, un peu plus grande, se lève à son tour. C’est Deimos (la « crainte »). En une seule nuit la première va passer par toutes ses phases : du premier quartier au « plein Phobos », du « plein Phobos au dernier quartier et au « nouveau Phobos ».
Très bas, à l’ouest, suivant de près dans sa course le soleil, déjà disparu, un astre assez brillant attire votre attention. Une puissante lunette vous le montrerait comme un croissant extrêmement délié, vaporeux, embrassant un globe noir escorté d’un satellite  minuscule. La Terre ! En avez-vous déjà la nostalgie ?

COUCOU, LES MARTIENS ?

Vous voudriez bien en rencontrer un. Vous refusez de croire, comme l’affirment les astronomes, que l’air trop léger n’a pas d’oiseaux. Vous lui prêtez au moins des papillons. Et quand on vous dit que la minuscule bestiole qui glissera à vos pieds dans l’herbe rase sera le géant de la faune martienne, vous préférez attendre de découvrir sous quelle forme mystérieuse se cachent ces Martiens dont vous êtes venus, de si loin, solliciter l’amitié.

ALLER, BIEN , MAIS… RETOUR ?

Espérons, toutefois, que vous n’attendez pas d’avoir étudié la « mode » martienne pour songer aux moyens du « retour à la terre ». Plus encore que l’aller, il sera difficile. Vous risquez fort, si vous n’avez pas pris à temps les dispositions convenables, de faire fausse route et de vous retrouver sur un chemin de traverse du ciel, satellite à vie d’un astre moins hospitalier encore que Mars.

Sybile Mong, En « V »-Bus pour Mars, in Ambiance, n° 51, 5 décembre 1945.





Le V-Bus, vu ici dans son hall de chargement, sera transporté ensuite sur sa rampe de lancement pour effectuer le départ de son grand voyage. La propulsion par mélange détonant d’atomes dilués à 3,695 % et d’atomes comprimés, permet d’atteindre une puissance effective inconnue à ce jour. Les tuyères latérales à ailerons, à volets freineurs, sont à double effet. A gauche, la tuyère se trouve en position de propulsion ; à droite, en position de freinage (avec ses volets ouverts). Elle ne peut prendre cette position qu’après l’entrée en action des tuyères de freinage, visibles à droite et à gauche du sommet du V-Bus. L’amortisseur mécano-pneumatique, placé au sommet, joue le rôle de pare-chocs, lors de la percussion au sol. Deux voyageurs en tenue de voyage calorio-amortisseuses attendent de faire poinçonner leur billet.



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