En « V »-Bus pour Mars
Le
projet n’est pas neuf. Depuis toujours l’homme a ambitionné de
quitter ce bas-monde pour explorer les sphères célestes. Bien des
savants ou poètes s’y sont essayés en esprit. Et les expériences
mi-fantaisistes, mi-prophétiques d’un Wells ont enchanté notre
jeunesse.
Mais
un ingénieur américain à qui je déclarais l’autre jour, en
plaisantant : »Il n’est pas loin le temps où nos
vacances se passeront sur la planète Mars », m’a répondu le
plus gravement du monde : « En doutez-vous ? »
DE
LA BOMBE ATOMIQUE A LA FUSÉE ASTRONOMIQUE
Les
toutes récentes découvertes sur le dégagement de l’énergie
atomique, dont le premier témoignage, sous forme de bombe, a
indiscutablement frappé les humains ont ouvert à la question des
transports, des horizons nouveaux. Déjà on parle outre-Atlantique,
d’une locomotive « atomique », dont la vitesse
ahurissante réduiraient les garde-barrières (s’il y en avait
là-bas) au rôle de fonctionnaires inopérants.
Pour
de pareils engins, le ciel, toujours tentant devient accessible.
LES
ANCIENS ASTRONAUTES ET LEURS VÉHICULES PÉRIMÉS
Le
plus justement renommé, sinon le plus sérieux des astronautes du
temps passé fut Cyrano de Bergerac. Ses moyens d’aller dans la
lune sont variés. Le voyageur pouvait prendre place dans une cabine
en fer attirée par un aimant placé devant lui. Cet audacieux
pouvait ceindre des flacons remplis de rosée qui, s’évaporant au
soleil, l’entraînerait dans son ascension, etc., etc.
Jules
Verne, plus scientifique, dans son livre « De la Terre à la
Lune », préconisa l’emploi d’un canon monstrueux. Or :
Le canon est, pour le départ vers les astres, un engin
impraticable.
Les
savants ont étudié sérieusement la question. Si l’on veut tirer
de plus en plus loin, il faut doter l’obus de vitesses initiales de
plus en plus grandes. Pour un canon à longue portée : 1.000 m.
seconde. Pour une « Bertha », 1.500 m. seconde. Pour
tirer jusqu’à la lune, la vitesse initiale devrait être de 11.180
m. seconde, et, jusqu’à Mars, de 13.500 m. seconde.
Comment
atteindre cette vitesse fantastique sans dommage pour les voyageurs ?
Dans le canon de Jules Verne, malgré la paroi mobile, les voyageurs
seraient infailliblement écrasés au départ du coup !
LA
« BELLE-BLEUE » APPORTA LA SOLUTION
Seule,
une fusée peut emporter les explorateurs d’astres. Une fusée, on
le sait, n’est qu’un tube de carton empli de poudre. Quand la
poudre brûle, les gaz de la combustion jaillissent à un bout de la
fusée et, par réaction, celle-ci est vivement projetée de l’autre
côté.
Le
problème, jusqu’à maintenant, était de lancer de lancer une
fusée assez grande pour loger des passagers avec leurs provisions et
matériel, en emportant la quantité de poudre suffisante pour
quitter le globe.
TOUJOURS
DES HISTOIRES DE COMBUSTIBLE
La
vitesse de 11 km. Seconde est, nous l’avons vu, indispensable pour
quitter la Terre. Or, la poudre ne permet pas de dépasser 2 km. 500.
D’autre
part, l’Américain Goddard, qui, en 1913, envisageait l’envoi
d’une fusée sur la lune, prévoyait une charge de 300 kg. de
poudre pour le transport des 300 gr. de magnésium nécessaires à la
vision par télescope !
En
1941, lorsque les savants prétendaient être sur le point de dégager
l’énergie atomique (cf. le livre de Pierre Rousseau « Mars,
terre mystérieuse », d’où nous tirons ces renseignements)
on leur répondait : « Ce n’est pas pour demain ».
C’était pourtant le lendemain : le V-Bus entre les
astres ou le Madeleine-Bastille aérien.
Les
savants allemands perfectionnèrent la fusée et en firent ces
dangereux projectiles appelés V1, V2, V3. Mais, la bombe atomique
révèle que le moteur a enfin été découvert, qui va permettre aux
hommes l’assaut du ciel.
NOTRE
BELLE VOISINE, OU PLUTÔT NOTRE BEAU VOISIN : MARS
La
Lune n’est déjà plus qu’une banlieue de la Terre. C’est Mars
qui, la première des planètes, aura l’honneur de notre visite !
Elle nous fait des avances tous les quinze ans, c’est bien connu,
et se rapproche alors à moins de 56
millions de kilomètres de nous ! N’est-ce pas, d’ailleurs,
l’astre frère de notre planète ? L’année y dure 687 jours
et les journées y ont 24 heures, 7 minutes 280.
A
QUAND LA CARTE ROUTIÈRE DE MARS ?
Déjà
les spécialistes la voient tourner dans le ciel.
Tandis
que, sur le bord gauche du disque, la Mer du Sablier s’en va, la
Baie Fourchue, d’un merveilleux bleu de cobalt, se prépare à
franchir la ligne du méridien. Le Golfe des Perles, verdâtre, va
suivre. Plus tard passeront le Golfe de l’Aurore, puis la
mystérieuse Fontaine de Jouvence. Le lac du Soleil se présentera
ensuite, précédant le lac du Phénix qui s’annonce déjà sous la
caresse du jour naissant, tandis qu’à l’est les premières
lueurs de l’aurore se lèvent sur la mer des Sirènes.
N’êtes-vous
pas tentées de partir pour ces poétiques contrées ?
LES
SURPRISES DU VOYAGE
C’est
tout juste si l’Agence Cook ne décrit pas déjà le parcours sur
ses prospectus. Au départ, même sensation que dans un ascenseur qui
monte. Notre corps nous semble peser quatre à cinq cents kilos. Il
s’allège subitement lorsque, ayant échappé à l’attraction
terrestre, le pilote a stoppé le mécanisme de la fusée.
Le
spectacle à l’intérieur est alors curieux. Tout flotte. Vous
pouvez vous asseoir ou vous coucher « en l’air » et y
accrocher votre chapeau à un imaginaire portemanteau.
Surprise :
un garçon vient vous chercher pour une « petite promenade à
l’extérieur » ! On vous revêt un scaphandre muni d’un
réservoir d’air, mais vous êtes terrifié. N’allez-vous pas
tomber dans le vide ? Pas du tout. Avec la sensation de demeurer
immobile, vous vous mettez à tourner autour de la fusée en
l’accompagnant, comme un satellite modèle ;
MARS,
TOUT LE MONDE DESCEND
Le
pilote a renversé la fusée et l’a remise en marche pour freiner
votre chute qui est de 5 km.-seconde. Un choc, puis plus rien. Vous
mettez un léger masque respiratoire et vous voilà prêt à
débarquer.
Quelle
légèreté. Sans régime, vos 56 kg. sont devenus à peine 20. Wells
a décrit dans « Les Premiers Hommes dans la Lune », la
facilité des bonds que vous faites également sur la terre
martienne. Profitez-en pour explorer le paysage. Quelque végétation
rabougrie (votre taille domine la « forêt »), et, de
tous côtés, un désert rose. C’est le soir déjà. Dans la nuit,
plus pure que la nôtre, une lune minuscule se lève à l’est,
comme « chez nous ». C’est Phobos (la « terreur »).
Mais, à l’ouest, une autre, un peu plus grande, se lève à son
tour. C’est Deimos (la « crainte »). En une seule nuit
la première va passer par toutes ses phases : du premier
quartier au « plein Phobos », du « plein Phobos au
dernier quartier et au « nouveau Phobos ».
Très
bas, à l’ouest, suivant de près dans sa course le soleil, déjà
disparu, un astre assez brillant attire votre attention. Une
puissante lunette vous le montrerait comme un croissant extrêmement
délié, vaporeux, embrassant un globe noir escorté d’un satellite
minuscule. La Terre ! En avez-vous déjà la nostalgie ?
COUCOU,
LES MARTIENS ?
Vous
voudriez bien en rencontrer un. Vous refusez de croire, comme
l’affirment les astronomes, que l’air trop léger n’a pas
d’oiseaux. Vous lui prêtez au moins des papillons. Et quand on
vous dit que la minuscule bestiole qui glissera à vos pieds dans
l’herbe rase sera le géant de la faune martienne, vous préférez
attendre de découvrir sous quelle forme mystérieuse se cachent ces
Martiens dont vous êtes venus, de si loin, solliciter l’amitié.
ALLER,
BIEN , MAIS… RETOUR ?
Espérons,
toutefois, que vous n’attendez pas d’avoir étudié la « mode »
martienne pour songer aux moyens du « retour à la terre ».
Plus encore que l’aller, il sera difficile. Vous risquez fort, si
vous n’avez pas pris à temps les dispositions convenables, de
faire fausse route et de vous retrouver sur un chemin de traverse du
ciel, satellite à vie d’un astre moins hospitalier encore que
Mars.
Sybile
Mong, En « V »-Bus pour Mars, in Ambiance, n° 51,
5 décembre 1945.
Le
V-Bus, vu ici dans son hall de chargement, sera transporté ensuite
sur sa rampe de lancement pour effectuer le départ de son grand
voyage. La propulsion par mélange détonant d’atomes dilués à
3,695 % et d’atomes comprimés, permet d’atteindre une
puissance effective inconnue à ce jour. Les tuyères latérales à
ailerons, à volets freineurs, sont à double effet. A gauche, la
tuyère se trouve en position de propulsion ; à droite, en
position de freinage (avec ses volets ouverts). Elle ne peut prendre
cette position qu’après l’entrée en action des tuyères de
freinage, visibles à droite et à gauche du sommet du V-Bus.
L’amortisseur mécano-pneumatique, placé au sommet, joue le rôle
de pare-chocs, lors de la percussion au sol. Deux voyageurs en tenue
de voyage calorio-amortisseuses attendent de faire poinçonner leur
billet.
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