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mercredi 21 septembre 2022

[critique] Louis Pergaud critique du Péril bleu de Maurice Renard (1912)

Louis Pergaud, l'auteur de La Guerre des boutons (1912), prix Goncourt en 1910 pour De Goupil à Margot, a publié une critique du roman Le Péril bleu de Maurice Renard dans la petite revue des lettres L'Ile Sonnante. Il y défend avec force l'ouvrage et son auteur.




"Il en est et ce sont des critiques de mauvaise foi ou des esprits simplets qui ont comparé Maurice Renard à Jules Verne : d’autres plus avertis à qui il rappelle le Wells admirable de la Guerre des Mondes, ou encore ce prestigieux évocateur de la préhistoire, le père glorieux des Xipéhuz, de Vamireh et du Naoh de la Guerre du Feu, j’ai nommé J.-H. Rosny aîné.

Je n’aime point pour mon compte des comparaisons qui dispensent de juger et qui permettent de draper ou d’ensevelir un auteur sous des manteaux de cendres. C’est pourquoi je proclame avec joie que Maurice Renard s’est créé à lui-même son domaine et taillé de toutes pièces dans le merveilleux scientifique, un pavillon où jamais Jules Verne n’aurait mis les pattes, et qui diffère dans sa beauté originale des deux grands créateurs cités plus haut, rien en effet, sauf leur génie, n’autorisant Wells à créer les Martiens et Rosny, les Xipéhuz.


« Le Péril bleu », qui vient après « Le Voyage Immobile » et « Le Docteur Lerne, sous dieu » est un roman neuf, puissamment charpenté, d’un intérêt savamment dosé qui va croissant sans cesse jusqu’à l’angoisse et à l’affolement, qui s’explique le plus scientifiquement du monde et se dénoue ensuite avec une inflexible et rigoureuse logique.

Le plus affolant dans ce livre, c’est que rien dans le domaine scientifique ne vient contrecarrer les hypothèses merveilleuses, fantastiques et terribles que l’auteur expose et pour la démonstration desquelles il a colligé savamment tous les faits essentiels et caractéristiques, toutes les observations scientifiques intéressantes, connues, dont les lois généralisées justifient ses plus audacieuses conceptions.

Maurice Renard est un des cerveaux les plus puissants et les plus admirablement organisés de ce temps. Il promène son lecteur au bord du précipice perpétuellement béant de l’inconnu ; il le guide, le soutient, l’intrigue, l’épouvante, l’affole même, puis le console. Il est impossible de raconter son livre. Ce n’est pas qu’un roman d’aventures singulières, un jardin scientifique et macabre des mille et une nuits, c’est encore quelque chose qui tient sans cesse l’esprit en éveil, qui stimule, qui fait penser et ouvre des horizons, des horizons merveilleux."

Louis Pergaud, « Les romans », in L’Ile sonnante. Petite revue des lettres,
3e série, n°22, avril 1912

 


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