Dans le genre « littérature conjecturale déjantée », la série Le Maître de l'invisible d'Edward Brooker est incontournable. Le Maître de l'invisible est une sorte de réminiscence de Fu Manchu, avec un méchant Chinois qui veut dominer l'univers contre lequel luttent une troupe de valeureux Européens composée d'un journaliste, de savants, de militaires. Péril jaune, inventions délirantes, voyage dans l'espace sont au programme. Résumer une telle série relève de la mission impossible car il faudrait quasiment tout raconter tant les rebondissements sont multiples.
Nous nous arrêterons sur "Voyage à travers Mars", seizième épisode du Maître de l'invisible.
Retenus prisonniers par des Martiens (munis de vingt doigts, de bec et communiquant par croassements), nos héros risquent bien de mourir, sacrifiés dans une guerre entre les royaumes de Harko II et de P'to-P'to III. Heureusement Faustulus et son pistolet électrique sont là pour les sauver des griffes des terribles Hurkas.
Soumis au roi, Harko II doit se résoudre à laisser les Terriens partir. Ils vont découvrir un peu plus la planète rouge.
Le "Voyage à travers Mars" permet de se rendre de la richesse de la géographie, de la faune et de la flore martiennes. C'est le genre d'oeuvres dont on apprécie de lire des extraits pour goûter toute la saveur de l'imagination débordante.
Pour commencer, un volcan qui crache des paillettes d'or dans l'indifférence générale:
« Tous regardèrent dans la direction indiquée et leur stupeur faillit les empêcher de battre des ailes, ce qui aurait pu provoquer une chute vertigineuse dans le vide. A dire vrai, le spectacle auquel ils assistaient avait quelque chose d'effrayant d'où leur surprise assez compréhensible. Au-dessus de la colline la plus élevée s'érigeant à faible distance. du moins à vol oiseau, montait un incessant et puissant jet de vapeur jaune entouré de flammes, à croire qu'ici la planète Mars se muait en enfer.
Au fur et à mesure que P'to-P'to III et son escorte se rapprochaient de la colonne incandescente, la chaleur augmentait au point de devenir suffocante tandis que, de loin en loin, se percevait un sourd grondement assez semblable au bruit provoqué par un tremblement de terre. Craintive, Sa Majesté ne s'expliquait pas ce phénomène ; les savants, avec leur conception de Terriens, se représentaient un volcan en éruption. Néanmoins, cette vapeur aussitôt condensée au contact de l'air et retombant en fines paillettes d'or les intriguait fort. »
Et le terrible monstre martien:
« - Achtung ! cria le docteur Faustulus, préparez-vous à vous envoler, respirez, respirez fort, un... deux...
Il allait dire « trois », mais au moment où le mot s'apprêtait à. franchir sa gorge, quelque chose d'inouï, d'incroyable, de formidable se produisit, qui les cloua tous sur place. Un sinistre mugissement, plats violent et plus prolongé que les autres, emplit l'air, ébranla le sol, et. brusquement, MOGO, le monstre martien, surgit au milieu du lac, déchaîné, en furie.
C'était là, certainement, l'atroce bête auquel le roi P'to-P'to III avait fait allusion lors d'une de ses conversations avec le docteur Faustulus. Comment dépeindre MOGO qui tenait à la fois du dragon et d'un animal préhistorique ? Jamais les Terriens n'auraient osé imaginer un pareil phénomène. De la même teinte rouge-orange que le têtard, il ne risquait pas d'augmenter, comme lui, de volume, vu sa taille déjà gigantesque. Avec cela, il offrait un aspect des plus jerricanes, et la frayeur des savants atteignit à son comble quand ils le virent cracher des flammes en contorsionnant sa, gueule immonde. Même l'Allemand. d'habitude d'un sang-froid à toute épreuve, n'avait pu s'empêcher de trembler à la vue du monstre en train d'émerger des profondeurs du lac ; quant au roi, par bonheur, il ne s'était pas rendu compte, ayant perdu connaissance au moment du formidable " coup de tonnerre " . Fallait-il croire le tempérament martien moins résistant ou attribuer cette faiblesse au grand âge du souverain ? »
Un lac pas ordinaire:
« on aurait dit plutôt une sorte de bassin contenant une molle pâte de guimauve lente à se mouvoir et d'où s'exhalait une curieuse odeur, loin d'être désagréable. La masse paraissait en pleine ébullition à en juger par les bulles d'air montant à la surface et crevant dans un incessant glouglou ».
Evidemment, tout est à l'avenant et le lecteur s'extasie devant la débauche d'inventions concentrée en si peu de pages!
Ce billet est publié dans le cadre du challenge Summer Star Wars lancé par Lhisbei et pour le Défi martien de Guillaume.
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