Le regard rétrospectif fictif est souvent un moyen efficace pour se moquer de l'actualité contemporaine. Alors que les prétendants au trône se déchire pendant que la Troisième République s'installe, Ernest Blum imagine le regard que porteront les historiens de l'an 2000 sur cette querelle.
L'Histoire en l'an 2000
Ou
comme quoi M. le comte de Paris rendra besogne dure aux commentateurs
de l'avenir.
...Arrivons
maintenant aux événements qui marquèrent la fin du dix-neuvième
siècle.
À
la mort du comte de Chambord, petit-fils de Charles X et fils du duc
de Berry, Philippe VII devint le chef platonique de la maison de
France. Le parti légitimiste le reconnut, en effet, comme tel, mais
un nommé Louis-Philippe Il tenta de disputer ce titre au nouveau
chef.
Philippe
VII, fort de ses droits, ne céda pas, et la lutte entre les deux
prétendants fut vive.
Ce
fut alors que, comme dans la fable, surgit un troisième larron qui
essaya de profiter de la division des deux parents, et ce troisième
larron s'appelait Philippe.
Qui
aurait le droit de porter les trois fleurs de lys d'or? qui serait le
chef des royalistes de France? Est-ce Philippe VII, Louis-Philippe II
ou Philippe?
L'opinion
de certains chefs de groupes d'alors était bien que la succession
politique du comte de Chambord défunt devait revenir au comte de
Paris, petit-fils de Louis-Philippe Ier et fils du duc d'Orléans ;
mais nul ne savait au juste le vrai nom du comte de Paris, —
l'histoire n'est même pas parvenue à nous transmettre intactes les
appellations de ce rejeton de princes.
Se
nommait-il Henri, Honoré, Alfred ou Louis? II ne faut, pas avoir
quelquefois trop de noms, sous peine de n'en laisser aucun.
La
vie du reste fort obscure du comte de Paris — puisqu'elle s'est
consumée dans l'attente de la disparition de la troisième
République sous laquelle nous vivons encore aujourd'hui — n'a
permis à aucun écrivain du temps de tenter une biographie sérieuse
dudit comte.
Quant
au combat qu'il faudrait appeler le combat des trois-Philippe,
Pililippe VII, ,Louis-Philippe II et Philippe, il se termina
également comme dans la fable, par la mort des trois combattants. Un
jour on ne trouva sur le champ de bataille que les trois couronnes de
ruolz que les trois prétendants s'étaient fait faire chacun à bon
marché et comme pour en imposer aux masses….
Ernest
Blum, « L'histoire en l'an 2000 » in Le Rappel,
n° 4927, daté du 6 septembre 1889.
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