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ISSN 2496-9346

vendredi 26 février 2016

Paul Lacombe, De l'histoire considérée comme science (1894)

Paul Lacombe (1834-1919), historien et archiviste, a donné son oeuvre majeure De L'histoire considérée comme science en 1894. Il est un des pivots essentiels de l'historiographie moderne, annonçant l'école des Annales et fut loué pour les concepts qu'il a mis en place par Fernand Braudel.
Paul Lacombe tranche dans une fin de siècle marquée par l'histoire-narration du roman national et montre l'importance du temps long et critique l'histoire événementielle.
Dans De L'histoire considérée comme science, il fait mention de l'Uchronie de Charles Renouvier et défend l'idée que l'histoire peut être source d'expérience grâce à l'imagination: ce que l'on appelle aujourd'hui de manière commune l'uchronie.


Je dois dire ici quelques mots d'une sorte d'expérience qui est seule possible en histoire : l'expérience imaginaire. Supposer par la pensée à une série d'événements une tournure autre que celle qu'ils eurent, refaire par exemple la Révolution française. Beaucoup d'esprits trouveront sans doute que cela constitue un ouvrage vain, sinon même dangereux. Je ne partage pas ce sentiment. Je vois un danger plus réel dans la tendance qui nous porte tous à croire que les événements historiques ne pouvaient pas être autrement qu'ils n'ont été. Il faut se donner au contraire le sentiment de leur instabilité vraie. Imaginer l'histoire autrement qu'elle ne fut, sert d'abord à cette fin. Après cela, les bénéfices secondaires tiennent à la façon dont l'expérience est construite : à la connaissance des hommes qu'on y apporte, à la logique avec laquelle on suit dans leurs conséquences les changements imposés à l'histoire. Un penseur éminent, M. Renouvier, avec qui il est très honorable de se rencontrer, a très bien aperçu l'utilité de l'expérience imaginaire. Il nous en a donné un exemple dans l'Uchronie, ouvrage aussi remarquable par l'exécution que louable dans son principe.
M. Renouvier a appliqué l'idée de l'expérience imaginaire à l'histoire accidentelle, aux événements. Je crois le procédé de nature à être encore plus fécond dans l'histoire science. Supposer telle institution autrement qu'elle n'a été, supposer même l'homme général autre qu'il n'est dans quelqu'une de ses parties, je pense hautement que cela est bon à faire; aussi l'ai-je fait. Je rappelle au lecteur les suppositions que je me suis permises au sujet des besoins alimentaires et génésiques qui seraient restés inconscients; de l'air respirable, devenu un objet d'appropriation privée et de répartition, comme le sol terrestre sans parler d'autres imaginations dispersées dans ce volume. Il se peut que j'aie tiré du procédé un faible parti ; mais je tiens toujours qu'en de meilleures mains il pourrait être très profitable. 

Paul Lacombe, De L'Histoire considérée comme science, éditions Hachette, 1894

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