Causerie (extrait)
Le sujet sera une visite au grand port du Havre (Seine Maritime) en
1950.
La marche sera
ouverte par une escouade, de scaphandriers en motocycles — qui
trouveront en route le pétrole nécessaire — précédant une
grande pirogue électrique où se tiendra le comité ; le président
pourra se croire en mer.
Premier groupe : 150
pêcheurs amateurs et bigphones, à la ligne, au libouret, au filet,
à la grenouille, en eau trouble, etc.
La Vache à Mallet,
grand char allégorique abritant la fanfare de sirènes de la Chambre
de Commerce.
Le Pothuau,
rafraîchissement à un rond le verre : ICI CRÈME, traduction libre
de ice cream.
Deuxième groupe :
17 terrassiers arborant la médaille du travail, équipe complète,
toujours jeune et jamais renouvelée, des travaux du port à peu près
terminés.
L'Etablissement de
pisciculture de St-François-les-dos-bleus, représentant le pont
Notre-Dame avec son incomparable collection de barbillons ; à
pattes d'éléphant et de ruchons à rouflaquette.
Un «Morutier»
suivra avec une cargaison pas très fraîche de cheveux à la chien
et de corsages vastes aux couleurs trop claires.
Un groupe de marins
étrangers en bordée, aux pèches garnies de bonne galette qui, par
un procédé pas nouveau mais toujours neuf, passera dans les deux
chars précédents.
Char du bureau de
placement gratuit, musique des mangeurs d'hommes déshabillés en
anthropophages.
Le Bateau-rouleur
attelé d'hippocampes où trônera le dieu Neptune sous un costume de
chicard ou... d'ancien pilote.
Groupe de
marchandes, de poisson chantant en choeur leur appel distinctif :
Ca..a.le, ca..a.le Crevette vive. Maquereau salé, maquereau nouveau.
V'Ià du mélan, du mélan. Moules fraîches, moules de Villerv'..;
(Le comité compte beaucoup sur le succès de ce groupe. Les paniers
des marchandes de marée serviront à recevoir les offrandes des
spectateurs charitables).
Le « travailleur
sous-marin » transformé en ballon dirigeable. (Ce n'est pas la
première invention qui ferait ballon).
L'« Escadre de
la Côte salée » représentée par la drague, qui figurera un
croiseur de première classe, et ses porteurs devenus des torpilleurs
de basse mer.
La statue de
l'amiral Mouchez qui sera inaugurée sur le brise lames en charbon de
bois que les ponts et chaussées ne se seront jamais résignés à
faire raccommoder, mais qui aura été transporté avec beaucoup de
frais et, de soins à l'extrémité, du boulevard de Strasbourg. (La
circulation y sera toujours interdite).
Char à musique,
instruments à vent : un grenier de bois de campêche sur le quai
Lamblardie, les musiciens seront accroupis tout autour sous l’œil
paterne de La Gabelle armée de sa ligne Brunei. (Ce concert sera
fort prisé et l'allégorie sera en-bonne odeur près des riverains).
Groupe de baigneurs
au mois de Mai. Les bains Daplomb ayant ouvert, officiellement ses
cabines le 19 Mai — ô, méli-mélo d'un mai laid — les amateurs
tirent leur coupe avec des snow-boots, des caleçons fourrés et des
casquettes à poil. Les dames vont à l'eau avec leurs manchons et
leurs collets.
Et, pour finir sur
une note gaie : le char de l'Inauguration, représentant une Morgue —
orgueilleuse et fière comme il convient — réunissant en un
banquet morg...anatique tous les macchabées du siècle.
Peloton de harengs
saurs et escadron de gendarmes à pied fermant la marche.
Le comité
d'organisation s'est en outre assuré le concours de Me Phoebus qui,
rayonnant, plaidera les circonstances atténuantes
Encore une belle
fête en perspective.
P'TIT NOËL.
P'tit Noël, "Causerie", Revue comique normande, n°23, Le Havre4 juin 1898, p. 2.
Source: Gallica
Merci à Matthieu Letourneux de m'avoir signalé ce texte.
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L'anthologie Futurs de province, collection ArchéoSF, éditions publie.net
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