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ISSN 2496-9346

dimanche 29 mai 2011

Le navire aérien de Monsieur H. Vanaisse (1867)


L'aérostation est devenue l'un des éléments incontournables de toute bonne uchronie dont l'action se déroule à partir de la fin du XIXe siècle et plus encore de tout roman steampunk. Ci-dessous est reproduit un article de 1867 présentant un navire aérien qui ferait bonne figure dans nombre de romans relevant de ces genres.



H. Vannaisse n'a pas craint, après tant d'autres, de rependre la question de la navigation aérienne, et, si nous en jugeons par le nombre d'adhérents qu'a déjà réunis la société dont il poursuit, en ce moment, la constitution, pour l'exploitation de son système, sous le nom de « Compagnie des transports universels, » il paraît avoir fait faire un pas en avant à cette question si controversée, mais en même temps si digne d'attirer l'attention de tous ceux qui, ne limitant pas l'essor de l'intelligence et du travail à l'objectif du présent, poursuivent le progrès des sciences en vue de leur application dans un avenir plus ou moins rapproché.

Avant de donner la description du nouveau navire aérien de M. Vannaisse, nous ne pouvons mieux faire que de citer quelques lignes d'une brochure publiée par l'inventeur, dans le but d'exposer les principes qui doivent concourir à la réalisation pratique de la navigation aérienne.

« Nous ne voyons dans le ballon ordinaire, dit M. Vannaisse, qu'un objet actuellement de pure curiosité; — si on lui donne des proportions gigantesques, il devient impossible de maîtriser ses mouvements pour peu que le vent s'élève (témoin le résultat des deux voyages du Géant. — Quant à lui donner une direction, il n'y faut pas songer, la forme sphérique s'y oppose ; tout au plus parviendrait-on à le faire tourner sur lui-même comme un tonton.

« Ensuite, quels services pourraient rendre de simples petits ballons, en admettant même la possibilité de leur direction ? Aucun.

« Il faut donc envisager la question sous un autre aspect, et se dire que l'océan des airs étant autrement grand que l'océan des eaux, il convient d'y proportionner les navires qui devront le parcourir.

« Les navires aériens, suivant nous, seront comparables aux grands clippers de l'océan; — ils s'avanceront, soit au milieu des plaines, soit sur le sommet des collines, hors de portée du sol comme les vaisseaux en rade, la poupe tournée au vent, et toujours prêts à par- tir après avoir fait leurs provisions. — Un service de descente et de remonte sur des plates-formes ad hoc se fera de l'intérieur même et par l'équipage, pour les embarquements et les débarquements.

« Ces navires, quant à présent, se borneront à utiliser le vent en naviguant dans son sens, mais avec la faculté de s'écarter plus ou moins de sa ligne, soit à droite, soit à gauche, au moyen d'un gouvernail particulier mis en action d'une certaine façon, et d'une voilure appropriée.

« Ils pourront monter ou descendre suivant le besoin sans perdre de gaz ni de lest; — toutefois, nous ne songeons pas à les faire s'élever au delà d'une hauteur moyenne, sauf les cas où il faudra aller chercher des courants particuliers, ou s'éloigner promptement de régions tourmentées.

« Le problème étant ainsi posé, il nous a fallu chercher une combinaison pratique et économique susceptible de satisfaire à toutes les exigences d'un tel plan. »

Ayant ainsi exposé les idées de M. H. Vannaisse sur la question de la navigation aérienne, nous allons décrire la disposition qu'il a imaginée et qui est représentée dans les dessins ci-joints.
La fig. 1 est une élévation latérale;
La fig. 2 est un plan du navire au niveau de la galerie;
La fig. 3 est une perspective prise à l'arrière.

L'appareil se compose d'une immense carcasse à pièces très légères, résistante dans sa partie supérieure surtout, — de forme allongée et plus large que haute, — et dont l'intérieur est divisé en compartiments de grandeurs diverses pour contenir -.les uns, la force ascensionnelle répartie en une grande quantité d'enveloppes pour éviter qu'un accident puisse compromettre la sécurité;— les autres, les voyageurs, agrès et organes nécessaires à la marche et à la direction.

La figure 1 représentant le navire vu de flanc permet d'apprécier la disposition des principaux organes destinés à produire la direction. Les deux hélices placées à l'arrière serviront de propulseur en
temps de calme. Elles seront également utilisées pour descendre obliquement, sans perte de gaz ni de lest, lorsque des déplacements du centre de gravité auront par avance déterminé une certaine inclinaison du navire dans un sens ou dans l'autre.



Les hélices placées de chaque côté de l'avant sont indépendantes l'une de l'autre. Par leur action combinée avec celle du vent agissant sur les voiles on pourra marcher obliquement dans le sens des courants. Le jeu de ces hélices latérales ayant pour effet de créer un point d'appui artificiel à l'avant, on orientera les voiles et on réglera leur tension d'après la ligne à suivre et en raison du degré d'écartement à maintenir.
Au-dessous de la petite galerie inférieure est appendue la nacelle mobile qui sert à donner accès dans le navire par le panneau d'ouverture du puits central.
La fig. 2e, qui représente l'appareil vu en plan, donne une idée du mode de construction et de distribution de l'intérieur du navire.

Les enveloppes à gaz (nombreuses pour assurer la sécurité) sont solidement fixées à la charpente principale intérieure et ne portent pas sur le filet qui maintient la couverture extérieure. Elles sont en communication avec les réservoirs, pompes, etc., qui existent dans la cale du navire à proximité du lest.
La partie centrale (augmentée à dessein pour rendre plus saisissables les détails d'aménagement) est destinée à loger l'équipage, les voyageurs, machines et agrès, provisions, marchandises, etc. .
De chaque côté du navire se développent les voiles latérales planes, qui sont mobiles dans leurs divisions et ont pour objet de modérer les mouvements verticaux d'ascension ou de descente et de concourir aux manoeuvres obliques dans le même sens. — Ces voiles serviront aussi à donner une plus grande assiette au navire et à contre-balancer l'effort des vents de côté en faisant l'office de quilles.
La fig. 3 représente le navire vu de trois quarts par l'arrière et permet de se rendre facilement compte de la manière dont il se comportera dans l'air.

On voit ci-dessus que sa forme est très-allongée et beaucoup plus large que haute, de sorte que si on le suppose amarré par l'avant, il présentera auvent une très-faible section relativement à son volume. En conséquence, dans cette position, pouvant se mouvoir autour de son amarre, comme un vaisseau dans une rade se meut autour de son ancre, il résistera facilement aux efforts du vent, attendu surtout que la forme effilée de l'avant divisera facilement le courant d'air. Les câbles placés à l'arrière ne serviront en général que pour des amarrages de peu de durée.
Pour la marche oblique dans les courants (jamais contre eux) la forme aplatie du navire est encore favorable, attendu qu'il ne présente dans ce cas, comme dans le précédent, qu'une surface aussi restreinte que possible et combinée de façon à diviser aisément le courant.
Dans la position représentée par la figure, l'avant du navire incline à droite par suite du jeu de l'hélice de bâbord. Dès que le vent agit sur les voiles on cesse le mouvement de cette hélice et on met en jeu celle de tribord pour empêcher le navire de pivoter sur lui-même ; on serre alors plus ou moins les écoutes pour régler le degré d'écartement. Une faible partie de la force du vent est employée à vaincre la résistance qu'éprouve l'avant et le surplus assure la marche.
Le jeu d'une des hélices de l'arrière, en les rendant indépendantes l'une de l'autre, pourrait peut-être contribuer à obtenir le résultat désiré.

Voici quelques considérations sur la marche du navire aérien :
MARCHE DIRECTE : Le navire à l'arrière ne présentant qu'une très-petite surface au vent relativement à sa dimension, en raison de sa forme très-allongée, et étant rendu à l'avance sensiblement égal au poids de l'air, serait à peine mis en mouvement par les faibles courants. — Aussi l'auteur croit-il nécessaire à la navigation aérienne qu'il y ait au moins bonne brise, comme on dit en marine, pour obtenir un résultat utile.
Or, dès que la bonne brise s'élèvera, on développera les voiles, l'une bordée à bâbord et l'autre à tribord en larguant fortement les écoutes, et par ce moyen, on obtiendra à l'instant une impulsion que l'on modérera à volonté en diminuant plus ou moins la surface de toile.
MARCHE OBLIQUE : La direction de la marche dans le sens de l'obliquité s'obtiendra en combinant l'action du gouvernail avec celle des voiles.
Au lieu d'agir sur l'air, fluide presque sans consistance, par simple opposition comme dans l'eau dont la densité est 760 fois plus considérable, le gouvernail du navire aérien devra être mis en mouvement avec vivacité et énergie, de manière à produire une pression suffisante pour déplacer l'axe de direction. — Le vent continuant à pousser le navire par l'arrière seul, et les voiles étant portées toutes deux d'un côté unique, l'impulsion acquise et maintenue par leur action commune permettra au navire de marcher dans la diagonale, d'autant plus facilement que la forme de l'avant, fine et plus aplatie que celle de l'arrière, n'offrira que fort peu de prise au vent étant dégagée de toute saillie extérieure.
La vitesse acquise facilitera du reste ce changement de direction, qui devra s'opérer progressivement sans brusquerie, et l'on n'aura plus qu'à maintenir la déviation obtenue, dans la proportion nécessaire pour assurer la route que l'on aura choisie. 

Article paru dans La Propagation industrielle 2e série, n°3 du 19 janvier 1867.

5 commentaires:

  1. Merci pour ton intérêt!
    Les ballons et dirigeables, la navigation aérienne des plus légers que l'air, ça fait encore rêver!

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  2. Un article intéressant qui mélange réalité et fiction à une époque ou le"plus léger que l'air" était source de questionnement et d'extrapolations les plus folles. Un document enfin accessible à tous. Merci!

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  3. @ ninjascroll: il me semble reconnaître un membre de BDFI (non?).
    J'ai préparé pas mal de billets pour ce site ArchéoSF avec des fictions et de vieilles technologies comme l’aérostation, la fée électricité, les débuts de l'automobile,...

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  4. Teddy Verano...Ninjascroll, même combat mais une seule et unique passion: se promener "sur l'autre face du monde".

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