André Mas a rêvé de voyages dans l'espace tant par la fiction (comme avec Les Allemands sur Vénus publié en 1914) que par l'essai scientifique. André
Arnyvelde, dans le Figaro du 4 novembre 1920 lui consacre un article. André Mas a imaginé avec Emile Drouet une fronde destinée à propulser dans l'espace un engin habité, solution adoptée par Henry de Graffigny dans Voyage de cinq Américains dans les planètes (1925). Dans l'article reproduit ci-dessous c'est une autre solution pour s'extraire de l'attraction terrestre dont il s'agit.
Un
homme qui organise des
voyages dans les planètes
C'est
très sérieux. Je vais arriver tout doucement à la Grande Chose,
parce que je veux tenter d'être compréhensible. Et ce n'est pas
trop facile. Il y a là-dedans du rêve, de la balistique, des
racines carrées, des explosifs, beaucoup de candeur et une ferveur
réellement communicative. Et, au bout du compte, il y aurait pour la
France la possession d'un domaine colonial bien imprévu mais non
sans envergure, puisqu'il s'agit pour nous d'être les premiers à
planter l'étendard tricolore dans la lune, ou, si cela vous convient
mieux, dans Vénus, dans Saturne, voire dans Jupiter. L'important,
aux yeux du précurseur que je veux vous présenter, c'est que nous
arrivions dans les planètes « avant les Yankees, les fils
d'Albion ou les Allemands ». Voilà pourquoi ce précurseur
inonde en ce moment les journaux et les grands groupements nationaux
d'une circulaire annonçant « Le Voyage aux planètes par le
projectile téléserpique ». Il souhaite, de la sorte, que l'on
prenne date. Il faut que l'Histoire atteste que c'est la France, qui
a fait le premier geste. Gesta per Francos. Et quel geste !…
Pour
commencer par le commencement, je dis que si la France arbore un de
ces jours son pavillon dans la Lune, dans Saturne ou dans Jupiter,
c'est parce qu'il y a trente ans les parents de M.André Mas firent,
pour ses étrennes, cadeau à leur fils, alors âge de sept ans, de
L'Astronomie Populaire de M. Camille Flammarion. Il est
bien certain que beaucoup d'enfants ont reçu en étrennes, depuis
qu'il fut imprimé, ce livre propice aux rêves vastes. Et sans doute
il n'est un seul de nous qui, tant par Flammarion que par Jules Verne
ou par Wells, ne fût poussé à contempler le ciel avec la douce et
angoissante envie d'y aller faire un tour... Mais M. André Mas fut
saisi de cette envie avec une véhémence singulière, puisque voilà
trente ans maintenant qu'il n'a cessé un seul jour de rêver,
étudier, combiner, échafauder les moyens d'y aller réellement.
étudier, combiner, échafauder les moyens d'y aller réellement.
Ces
moyens, je les sais. Il me les a dits. Ils sont de deux sortes. Il y
a la projection dans l'Infini par grande Roue, et par douilles. Quant
au retour sur la Terre, qui a son importance, s'il n'est pas prévu
par le système grande Roue, il est assuré par le système des
douilles, à condition de garder quelques-unes de celles-ci en
réserve…
M.
André Mas est un homme jeune, grand, maigre, il porte un lorgnon
comme tous les mathématiciens, il parle très simplement des choses
les plus effarantes, et je tiens que vous mettriez plus d'emphase à
parler de Madagascar ou de Tombouctou qu'il n'en met à dire : -
Dans la colonie lunaire... Par malheur, il est employé dans
une importante banque anglaise de Paris, et il fait grand cas des
objections que ses camarades, les employés de cette banque,
présentent à ses itinéraires intersidéraux.
Et
voici : pour quitter notre monde, il faut et il suffit que la
vitesse, à la sortie de notre atmosphère, soit égale à la
vitesse-limite (11.309 mètres dans la première seconde).
Qu'est-ce que c'est que cette vitesse-limite ? M. André Mas
s'est donné beaucoup de peine à me l'expliquer. Je n'ai pas bien
saisi. Au demeurant, il m'a confessé « qu'il avait toujours
été cancre en mathématiques, et qu'il voyait les choses plutôt
sous le jour imaginatif ». Il a ajouté qu'il regrettait fort
l'absence de son beau-frère et collaborateur qui, lui, était très
calé en la matière.
Dans
une petite étude parue en 1913, M. André Mas et son beau-frère ont
expliqué ce qu'ils entendent par vitesse-limite. Il s'agit
d'échapper à l'attraction terrestre, et pour ce, de partir avec une
vitesse initiale égale à la longueur du diamètre (ou rayon)
terrestre. La pesanteur diminuera en proportion des rayons
d'éloignement. Elle est quatre fois moindre à une hauteur égale la
longueur du rayon de la terre. L'attraction tombera au 100e à dix
rayons, soit 63,660 kilomètres, elle tombera au 1/10,000e à 100
rayons...
Voilà
le grand secret. Le reste n'est, plus que d'engins propulseurs.
Laissons la roue, qui ne nous garantit pas le retour. Le voyage par
douilles est beaucoup plus sûr. Le projectile est engainé dans une
douille d'acier, chargée d'une poudre « très vive ». Le
tout est engainé dans une deuxième douille, celle-ci dans une
troisième, et ainsi de suite. La nombre des douilles engainantes est
illimité. Les douilles se développant à la suite les unes des
autres, « à mesure qu'elles détonent », tout le système
joue comme un énorme « canon accélérateur » et la
vitesse croit en proportion arithmétique...
Mais
vous souriez. Vous soulevez mille objections, Comme les employés de
la banque où travaille M. André Mas. Je vais vous affirmer quelque
chose : M. André Mas connaît aussi bien que vous toutes les
objections. Il travaille patiemment à les résoudre. Il est doté
d'une invincible foi. Et quand c'est trop compliqué pour lui, il
demande à son beau frère.
André
Arnyvelde.
A lire sur ArchéoSF:
André Mas, "La conférence de Washigton et le partage de l'espace" (1922)
Dans la collection AchéoSF :
André Laurie, Les Exilés de la Terre
Samuel Henri Berthoud, Voyage au ciel
JH Rosny, Les Navigateurs de l'infini
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