ISSN

ISSN 2496-9346

dimanche 19 août 2012

Les dimanches de l'abbé Bethléem 7: novembre 1908

Nous poursuivons l'exploration des critiques des oeuvres conjecturales par Romans- Revue dirigé par l'Abbé Bethléem (lire la présentation). Arsène Lupin est à nouveau à l'honneur, apparaît Kowa la mystérieuse de Charles Foley et la polémique concernant Le Maître de la Terre se poursuit.

On ne passera pas sous silence la critique de la pièce Arsène Lupin :
Arsène Lupin, pièce en trois actes par MM. Francis DÉCROISSET et Maurice LEBLANC. — La pièce est tirée du célèbre roman de Maurice Leblanc. Elle est inoffensive pour les têtes bien faites ; elle est inintelligible pour tous.

Il n'est point de serpent ni de monstre odieux..., il n'est point d'apache non plus qui, au théâtre, ne puisse plaire aux yeux... Sur les trottoirs, dans nos cours et nos jardins, il est hideux à voir « le bandit aux poings de tueur, la bête basse effroyablement mâchoirée, l'animal aux lourdes pattes, à la gueule féroce. » Sur la scène, il n'a rien du type de Geffroy, il est un homme du monde dans le sens restreint que donnent à ce mot les mondains, il est nippé comme un dandy, habile comme Robert Houdin, distingué comme un « lion » et fin comme un renard. Les parisiens en font leur coqueluche. On admire toujours l'habile prestidigitateur qui, pour quelques francs, donne quelques heures d'ahurissement.
On sait ce que nous pensons en général, de ce genre de pièces et de livres. Leur popularité même et leur vogue inépuisable sont un symptôme inquiétant de l'avilissement de l'esprit public. Un peuple qui s'amuse à de pareilles balivernes et se contente pour alimenter son intelligence de cette littérature misérable, est un peuple en décadence. Une pièce qui aux applaudissements frénétiques de milliers de personnes fait l'apothéose d'un bandit, héros chevaleresque, amoureux choyé, est une oeuvre de lente corruption intellectuelle.
Une mention de Kowa la mystérieuse, roman paru en 1908 et réédité par exemple dans la collection Le Disque Rouge (1932).

Kowa la mystérieuse, par Ch. FOLEY. (Laffitte).— Sujet: la rivalité des Jaunes et des Blancs en Amérique ; récit captivant. Quelques mots de trop ne permettent pas de l'offrir aux petites jeunes filles.



Kowa la mystérieuse est le nom d'une ville souterraine chinoise située sous San Francisco en Amérique. Evidemment ces vils Asiatiques n'ont pas des buts très honorables. On retrouve le nom de cette ville dans La Cité de l'Ombre Jaune et Les Jardins de l'Ombre Jaune, série Bob Morane. Le héros des Araignés de Fritz Lang ( le seul roman, tronqué, du réalisateur allemand) descend aussi dans les profondeurs de San Francisco dans une Chinatown clandestine et souterraine.
La couverture est des plus suggestives!


« A travers les périodiques » mentionne un article « L'homme-oiseau et l'homme-poisson » publié dans L'Idéal, revue de M. l'abbé Coubé. Sans doute ne s'agit-il que d'un article scientifique sur la conquête des l'air et des profondeurs mais...

La rubrique « Consultations & petit courrier » revient sur les approches différentes, pour ne pas dire opposées, du roman Le Maître de la Terre de Benson en septembre puis octobre 1908.

Je me permets de vous consulter au sujet du « Maître de la terre » et de vous signaler la contradiction qui existe au sujet de ce roman entre deux article de Romans-Revue, etc.

R. — Il y a eu en effet dans « Romans-Revue », deux articles sinon contradictoires, du moins différents d'aspect et de ton, concernant le célèbre roman de Benson. Il serait facile de trouver dans la presse catholique les appréciations les plus variées sur ce livre, comme sur Qao Vsdis ? De Sienkiewiez, La Vierge d'Avila, de Catulle Mendés, et nombre d'autres. Les livres qui remuent des idées religieuses, surtout s'ils appartiennent à la littérature conjecturale, soulèvent autour d'eux tant de brouhaha qu'il faut un peu de temps et de recul pour y voir clair. Le temps et le recul sont aujourd'hui suffisants et voici ce que nous croyons en toute conscience pouvoir déclarer, après avoir pris . conseil d'hommes compétents et considérés : il y a eu, à propos du Maître de la Terre, d'abord un engouement, excité par Drumont qui y voit sans doute la réalisation de ses idées pessimistes. Puis, à la réflexion, on s'est aperçu que le roman ne faisait pas du tout la part belle à l'Eglise. Il est sûr que l'Eglise n'y joue pas un rôle honorable, puisqu'elle est réduite à finir dans la stérilité et la violence. Ses ennemis prévalent contre elle, et s'ils n'ont pas les honneurs du triomphe, c'est que Dieu intervient par un coup de force pour détruire le monde. L'auteur aurait pu appliquer ses facultés d'invention à une oeuvre moins débilitante que cette noire Apocalypse. Son livre n'est pas à recommander.
La Riposte, d'Amiens, La Revue Critique du Libéralisme et La Semaine Religieuse, de Cambrai, donnent la même note. Nous croyons qu'elle est la vraie.
(1) Le roman est donné en feuilleton dans La Libre parole [journal antisémite dirigé par Edouard Drumont]


A dimanche prochain !




A lire sur ArchéoSF:

Les dimanches de l'abbé Bethléem 1: mars-mai 1908

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire