ArchéoSF a présenté récemment Napoléon Aubin, le premier auteur québécois de science-fiction ( dès les années 1830).
Son oeuvre conjecturale la plus célèbre est Mon Voyage à la Lune ( 1839 ) dont voici le début (orthographe conservée) nous expliquant le moyen de locomotion utilisé par le narrateur pour arriver sur la Lune:
Voilà
longtemps que j'aurais voulu vous entretenir de l'événement
miraculeux dont je fus le héros et dont s'est bien peu fallu que
vous soyez les innocentes victimes, innocents lecteurs ; mais j'en
fus empêché par des objets plus pressants.
Je
veux parler de mon fameux voyage à la lune.
Je
n'entrerai pas dans de minutieux détails sur les étonnants moyens
de locomotion par lesquels je parvins à l'astre resplendissants des
nuits. Il me faudrait pour cela vous fatiguer par un cours compliqué
d'astronomie, de physique, de lunographie, de manège, de géométrie,
d'algèbre, d'atmosphérométrie, d'amphibologie, et même il serait
nécessaire que j'empruntasse à Mr. Laurin sa patience jobarde,
(c'est à dire de
Job), son opiniâtreté asinatoire (du latin asinus)
et de plus ses savantes dissertations sur l’alphabet et sur les
comètes, choses que je ne ferai point par respect pour les moeurs.
D'ailleurs,
je pense faire
breveter ma découverte, qui est plutôt accidentelle que résultat
d’un calcul, vu que je pourrai la vendre à quelque tête
couronnée, attendu que j'ai vu
dans la lune des
choses étonnantes touchant la science de
juger. d'exploiter, de tondre, de piller, d'écorcher, de saigner,
d’assommer c'est-à-dire de gouverner les peuples.
Je
me contenterai donc de dire comment le hazard ou plutôt une heureuse
inspiration me mit sur la voie de monter au Ciel. Il faut d'abord que
j'annonce à mes braves amis que le gouverneur, selon le voeu exprimé
dans mon second numéro me fit présent d’un de ses chevaux. Ce
n’est point un arabe pur sang, ni un coureur de race anglaise ;
mais enfin c'est un cheval qui peut fort bien occuper une place entre
Pégase et Rossinante. Vous allez croire que je ments ;
détrompez-vous. Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à notre
cheval.
Aussitôt
que mon présent fut remisé à l'étable je me pris à l'examiner ;
je lui trouvai l'air sombre, taciturne, comme s’il avait été en
proie à un accès de spleen
; je pensai que c’était une habitude contractée avec son premier
maître. Le premier essai que j'imaginai pour l'égayer fut de lui
faire respirer une dose modérée de gaz hilariant. Bien m'en prit,
comme vous allez voir.
Aussitôt
qu’il y eut goûté,
le gaillard commença par hennir en signe de réjouissance à la
vue d'un homme de police qu'il prit d’abord pour un de ses amis,
mais au nez duquel il ne tarda pas à lever ce que vous
savez dès qu’il l'eut
reconnu.
Malgré
la joie que me causa cette expérience, je remarquai que Griffon
(c'est le nom de mon quadrupède) semblait plus léger ; son pied
touchait à peine le sol ; il paraissait vouloir s'envoler ; ses
narines lançaient des éclairs de vapeur et de feu qui lui donnaient
un aspect tout-à-fait céleste, olympique ; sa peau qui lui battait
mélancoliquement les côtes commença à se roidir et à prendre une
apparence diaphane et divine. J'attribuai ces étonnants effets au
gaz dont il n'avait cependant pris qu’un foible volume. Je résolus
d'en essayer davantage, pensant qu'il ne serait pas impossible
d'obtenir par ce moyen des résultats surprenants et même de voyager
au milieu des airs. En effet, après avoir administré à mon chien,
à mon cher Griffon et à moi-même une copieuse dose de gaz enivrant
mélangé d’une portion notable de gaz hydrogène ou air follet,
j’enfourchai mon noble coursier et nous voilà partis !
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