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ISSN 2496-9346

samedi 26 août 2017

[Un été en uchronie] Imbert de Saint-Amand, Si Napoléon était mort en 1798?

Cet été, pour accompagner la publication de Une Autre histoire du monde. 2500 ans d'uchronies (collection ArchéoSF, éditions publie.net), le site ArchéoSF propose des fragments uchroniques anciens. Pour retrouver tous les épisodes de cette série cliquez ICI. Pour ce dernier épisode, retour vers un personnage souvent utilisé dans les uchronies: Napoléon Bonaparte.

Le diplomate et historien français Arthur-Léon Imbert de Saint-Amand (1834-1900) publie en 1883 une biographie de Joséphine de Beauharnais, La Citoyenne Bonaparte. Il relate un épisode de l'histoire dans lequel le destin de Napoléon Bonaparte aurait pu basculer. Et si Bonaparte était mort en 1798 sur la route de Toulon avant de partir à la conquête de l'Egypte?
A lire: l'anthologie Les Autres vies de Napoléon Bonaparte. Uchronies & Histoires secrètes (sélectionnée pour le prix ActuSF de l'uchronie en 2016).


Le 3 mai 1798, Bonaparte et Joséphine, après avoir dîné, en petit comité, au Luxembourg, chez Barras, se rendirent au Théâtre-Français, où Talma jouait Macbeth, de Ducis. Le vainqueur d'Italie fut salué par les mêmes acclamations qu'aux premiers jours de son retour. A la fin du spectacle, il rentra chez lui et, à minuit, il se mit en route, emmenant dans sa voiture Joséphine, Eugène, Bourrienne, Duroc et Lavalette.Paris ignorait son départ et, le lendemain matin, quand tout le monde le croyait rue de la Victoire, il était déjà loin, sur la route du Midi. Voulant déjouer les espions anglais, qui ne savaient pas encore le but de l'expédition, il avait fait silencieusement ses préparatifs et n'avait pas même laissé Joséphine aller à Saint- Germain embrasser sa fille avant de partir.Joséphine ignorait pourtant quelle serait la durée de son absence, et Bonaparte ne lui avait pas dit s'il lui permettrait de le suivre dans l'expédition mystérieuse qu'il était sur le point d'entreprendre.Marmont a raconté un incident qui faillit être funeste aux voyageurs. Ils étaient arrivés à Aix-en-Provence, à l'entrée de la nuit, se rendant en toute hâte à Toulon. Voulant continuer leur chemin, mais sans traverser Marseille, où ils auraient été probablement retardés, ils prirent, par Roquevaire, une voie plus directe mais moins fréquentée ; les postillons n'y avaient point passé depuis quelques jours.Tout à coup la voiture, à une descente qu'elle parcourt rapidement, est arrêtée par un choc violent.Chacun se réveille en sursaut et se hâte de descendre de la berline, pour connaître la cause de l'accident.Une forte branche d'arbre, avançant sur la route, avait barré le chemin de la voiture. Or, à dix pas de là, au bas de la descente, un pont placé sur un torrent qu'il fallait traverser s'était écroulé la veille. Personne n'en savait rien, et la voiture allait infailliblement tomber dans l'abîme, quand la branche d'arbre la retint au bord du précipice :« Ne semble-t-il pas, ajoute Marmont, voir la main manifeste de la Providence ? N'est-il pas permis à Bonaparte de croire qu'elle veille sur lui ? Et sans cette branche d'arbre, si singulièrement placée et assez forte pour résister, que serait devenu le conquérant de l'Egypte, le conquérant de l'Europe, celui dont, pendant quinze ans, la puissance s'exerça sur la surface du monde ? »A quoi tiennent les destinées des mortels ? Devant la Providence, les plus grands hommes sont-ils autre chose que des pygmées ? Que la branche d'arbre eût été un peu moins résistante, c'en était fait de Napoléon : pas de bataille des Pyramides, pas de 18 brumaire, pas de Consulat, pas d'Empire, pas de sacre, pas d'Austerlitz, pas de Waterloo. Les anciens avaient-ils raison de dire que celui qui meurt jeune est aimé des dieux ? Et aurait-il été heureux pour Napoléon de mourir à vingt-neuf ans, avant ses plus grandes gloires, mais aussi avant ses malheurs ! Les hommes que l'on proclame indispensables ne vivent-ils pas trop longtemps pour eux-mêmes et pour leur patrie ? Si courte que soit la vie humaine, elle est encore trop longue pour eux.




Imbert de Saint-Amand, Les Femmes des Tuileries. La citoyenne Bonaparte, éditions A. Mame et fils, 1883, p. 239-241.

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