1936 prévu de 1869 à 1883 par le visionnaire ROBIDA
UN MONDE ÉTONNANT, électrifié, mécanisé, un sol perforé de mille tubes et souterrains, une terre couverte d'un réseau métallique aux mailles enchevêtrées, un ciel encombré, sillonné d'appareils étranges, une crainte universelle, une bousculade intense, voilà le globe terrestre au XXI siècle, tel que l'avait imaginé, de 1869 à 1880, Albert Robida, mon grand-père.C'est en effet, dès 1869, dans un numéro du Polichinelle, qu'il avait donné en quelques dessins la première vision de la guerre moderne.
En 1883, il reprend et développe cette idée dans son journal la Caricature, en publiant « Le conflit australomozambiquois, faits de guerre et opérations chimiques au XXe siècle », bientôt suivi de deux livres : le XXe siècle et la Vie électrique.
Dans ces ouvrages pleins de fantaisie, mais d'une fantaisie doublée d'une extraordinaire clairvoyance, était décrite toute notre vie actuelle.
A une époque où la Tour Eiffel n'était pas encore construite, où l'on édifiait à grands frais le Trocadéro, il annonce le métro, qu'il appelle un tube souterrain, les extincteurs d'incendie, la musique enregistrée distribuée par un organisme central, et jusqu'à la télévision, à laquelle il donne le nom de téléphonoscope.
Il comprend qu'un tel bouleversement des habitudes n'ira pas sans une révolution des mœurs et des coutumes, et bientôt il suppose que les femmes seront avocates, médecins, journalistes, ambassadrices ou préfètes, allant même jusqu'à prévoir l'écroulement de l'empire russe et l'émancipation des femmes turques.
Il imagine une guerre atroce: la nôtre.
Sur terre, il met aux prises des armées fantastiques, précédées de bombardes roulantes, «les tanks», formées de bataillons de chimistes coiffés du masque à gaz, et suivies d'un escadron de médecins chargés de propager artificiellement les maladies contagieuses.
A travers le ciel, il lâche une extraordinaire armée aérienne, tandis que sur mer les cuirassés menacés par la flotte sous-marine s'enveloppent de nuages de fumée artificielle.
En 1880, un cauchemar. Aujourd'hui, des faits, une réalisation.
Car, si mon grand-père avait eu, il y a cinquante-cinq ans, une vision aussi nette, aussi précise de notre existence actuelle, c'est beaucoup plus par crainte de ce que la vie moderne allait devenir détruisant le passé qu'il préférait à toute autre chose, que par amour du progrès et de la nouveauté.
Il n'aimait guère que les légendes, les vieilles maisons et les burgs fantastiques, et il était si peu épris de vitesse et de confort qu'il parcourut à pied la moitié de l'Europe, sous prétexte que c'est le seul moyen de voyager et de bien connaître les pays et les gens.
Pourtant, il devait voir le début du XXe siècle, et la Grande Guerre, dont il souffrit plus qu'un autre, car une à une se réalisaient — ce qu'il avait peut-être cru lui-même — des idées chimériques, et qui étaient beaucoup plus que cela : des prophéties.
Michel
Robida
A lire dans la collection ArchéoSF:
Albert Robida, La fin des livres
Albert Robida, Inoculation du parfait bonheur
Albert Robida, Jadis chez aujourd'hui
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