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ISSN 2496-9346

dimanche 3 juillet 2016

Henry de Graffigny (1863 - 1934)

Cette note concernant la date de la mort d'Henry de Graffigny sur sa fiche Wikipedia m'a interpellé :




Il y aurait donc un doute sur l'année de décès de cet auteur ?
En faisant quelques recherches, on tombe souvent sur la date de 1942. C'est le cas sur Fictionbis :



ou sur Noosfere :



Noosfere précise par ailleurs :"Sa date de décès n'est pas connu avec certitude : 1934 ou 1942."
 Dans son Encyclopédie de l'utopie et de la science-fiction, Pierre Versins donne lui aussi la date de 1942.

D'un autre côté L'Amicale des Amateurs de nids à poussières indique:


 et la BNF:


On se dit que la BNF est une source parfaitement sûre et qu'il n'est pas besoin d'aller plus loin. Que nenni ! J'ai par exemple contacté la BNF à propos d'un ouvrage Le Droit payen et le droit chrétien signé Charles Charpentier: il était attribué à Charles Carpentier (né en 1844) alors qu'il s'agit de son homonyme né en 1818 et mort en 1887, le Charles Carpentier auteur du roman relevant du Lost Race Novel Une Ville souterraine. De la même manière, nous avons relaté l'enquête sur Pierre Adornier (permettant de découvrir sa date de naissance et son patronyme).

Pour ce qui concerne Henry de Graffuigny, cela nécessitait donc une petite enquête afin de déterminer la date exacte car nous avons: 1934, 1936 et 1942.

Enigme vite résolue grâce à la nécrologie parue dans L'Astronomie : revue mensuelle d'astronomie, de météorologie et de physique du globe et bulletin de la Société astronomique de France

Nécrologie. — Nous apprenons avec peine la disparition d'un des derniers survivants des pionniers de notre Société, M. HENRY DE GRAFFIGNY, qui était inscrit membre actif en 1888. H. de Graffigny laisse une œuvre considérable de vulgarisation scientifique sur l'électricité, la mécanique, l'aérostation, etc. Romancier à l'imagination féconde, il ne manquait jamais de présenter l'astronomie sous un côté agréable en prenant comme canevas des aventures imaginaires, et son plus important ouvrage de ce genre, Aventures extraordinaires d'un Savant russe, aujourd'hui presque introuvable complet, avait été préfacé d'une manière élogieuse par Camille Flammarion en novembre 1887.
C'est le seul auteur qui n'arrête pas ses lecteurs à un voyage sur la Lune, mais qui les emporte dans les Planètes et l'Univers sidéral par des moyens évidemment invraisemblables, mais excusables, puisqu'ils servent à adoucir au lecteur le chemin aride des descriptions strictement scientifiques. C'est donc avec juste raison que son nom fut cité à l'une de nos dernières conférences sur l'astronautique car deux de ses derniers ouvrages : Irons-nous dans la Lune et Voyage de cinq Américains dans les Planètes prouvent l'intérêt que cet auteur attachait à ce captivant problème. Ses ascensions en sphérique nous valurent également plusieurs œuvres où les données scientifiques côtoient les envolées de son imagination inépuisable.
Ses œuvres se chiffrent par centaines ; c'était un travailleur acharné et chaque fois que nos pas nous ont conduit vers sa propriété solitaire des environs de Mantes, car H. de Graffigny avait bien voulu nous honorer de son amitié, c'était à sa table de travail que nous le surprenions. Sa conversation était des plus agréables, car il était doué d'une grande mémoire, d'un caractère jeune, alerte, et d'un enthousiasme communicatif. L'Astronomie, et les sciences en général, viennent de perdre avec lui l'un de leurs plus grands animateurs, homme de cœur et de loyauté par surcroît.
A sa veuve et à sa famille nous adressons nos plus sincères condoléances.

 Ch. Boulet, in L'Astronomie : revue mensuelle d'astronomie, de météorologie et de physique du globe et bulletin de la Société astronomique de France, 1934.

mardi 28 juin 2016

[Dernier jour!] Souscription Les autres vies de Napoléon Bonaparte

Dernier jour pour souscrire à l'anthologie Les Autres vies de Napoléon Bonaparte avec des conditions exceptionnelles !


720 pages d'uchronies et d'histoires secrètes autour de Napoléon Bonaparte !


L'ouvrage contient deux romans, deux novellas et une nouvelle.

Toutes les informations ICI ! (présentation, condition de souscription, table des matières & extrait à télécharger gratuitement)

mercredi 22 juin 2016

Jules Verne glorifié en Alsace (1936)

En janvier 1936 le mensuel La Vie en Alsace donnait le résultat d'un concours pour la jeunesse autour de l’œuvre Jules Verne :



Autour d'un concours pour la jeunesse

Jules Verne, glorifié en Alsace


Jules Verne, ce prestigieux conteur qui charma notre imagination d'enfant, Jules Verne, l'écrivain du fantastique, l'anticipateur, le « prophète » du siècle passé, vient d être dignement glorifié en Alsace à l'occasion de son anniversaire le 8 février dernier. Hommage exceptionnel et touchant que cette manifestation organisée par Radio-Strasbourg, à la mémoire du célèbre auteur du « Tour du Monde en quatre-vingts jours ». La grande station alsacienne, non seulement avait tenu à commémorer l'anniversaire du maître du roman scientifique par une émission Jules Verne, illustrée fort à propos d'interviews de personnalités du monde savant, mais elle avait surtout rattaché à cette manifestation radiophonique un grand concours réservé à ses jeunes auditeurs. Nombreux furent les appelés et nombreux aussi furent les élus de la gent enfantine et studieuse qui traitèrent le sujet proposé à leur jeune imagination :

1° Vous avez lu des ouvrages de Jules Verne. Dites pourquoi ils vous ont intéressé et montrez aussi comment Jules Verne a prévu longtemps à l'avance de nombreuses inventions aujourd'hui réalisées.
2° « Si vous le voulez, ajoutez une petite description de l'existence en l'an 2000 telle que votre fantaisie l'imagine aujourd'hui. » 

 
Ayant eu le plaisir de collaborer aux travaux du Comité d'organisation et de participer aux opérations du Jury j'ai pu, des flots de papier — et parfois d'éloquence — proposés à mon humble appréciation, tirer quelques considérations réconfortantes. Un fait réjouissant tout d'abord : Jules Verne figure toujours en bonne place dans les bibliothèques enfantines et notre jeunesse se passionne encore pour les aventures de ces savants fantasques, de ces hardis explorateurs qui s'appellent Fergusson, Hatteras, Clenarvan, Paganel, Arronax, capitaine Nemo, Philéas Fogg, etc. Avouons franchement que ces aventures sont autrement intéressantes, infiniment plus saines et mieux présentées que ces exploits policiers, ces histoires de gangsters qui forment les principaux sujets de toute une littérature moderne et spéciale offerte à la jeunesse.
Tous les jeunes concurrents nous ont dit le plaisir qu'ils avaient pris à suivre les héros de Jules Verne, dans leurs courses folles à travers le monde, dans des pérégrinations où la fantaisie s'allie à la vérité, dans des féeries scientifiques riches de détails inattendus et originaux, pleines d'enseignements de toutes sortes, d'anticipations géniales aujourd'hui réalisées. Jules Verne est et restera longtemps encore le conteur de la jeunesse.



Mais ce qui m'a surtout diverti dans la lecture de ces compositions ce fut le développement du deuxième point du sujet : La vie en l'an 2.000 «visionnée» par la fantaisie de nos Jules Verne en herbe. Que d'effarantes prédictions ! que d'étonnantes trouvailles peuvent germer dans le cerveau de nos moins de quinze ans. Ah ! elle sera si belle la vie au XXIe siècle, vue par anticipation, à travers le prisme de ces jeunes imaginations, que l'on est presque tenté de plaindre ceux qui seront encore de ce monde en l'an 2.000! La Science et la Mécanique auront vaincu le Temps, l'Espace et l'Effort, constatent la plupart des concurrents. Les écoliers suivront leurs cours par télévision; ils auront des machines à faire les devoirs et à réciter les leçons; ils iront passer leurs vacances au pôle nord, à moins que ce ne soit sur Mars ou sur la Lune ; dans ce dernier cas ils emprunteront pour leur voyage interplanétaire la fusée astrale... Pas plus compliqué que ça !
Tous nos jeunes anticipateurs, avec un ensemble vraiment étonnant, prédisent la pilule alimentaire, qui évitera aux ménagères les soucis de la cuisine et délivrera les enfants de la traditionnelle bouillie. Notons pourtant que quelques petits gourmands n'admettent pas que l'on puisse jamais remplacer par des comprimés les bons gâteaux et le délicieux chocolat. Ce jour là il y aurait révolution chez les gosses !
Un candidat de Strasbourg, très sérieusement, nous annonce la « motorisation des piétons» (sic).
On n'ira plus faire le plein au « bistro du coin » mais à la pompe à essence... Quant aux automobiles elles seront équipées de dispositifs répulseurs magnétiques qui éviteront toutes les collisions, même avec les piétons motorisés ! On ne pourra plus écraser que les chiens... s'il en reste encore en l'an 2000. En cette époque de Progrès à outrance les hommes, plus heureux qu'Icare, pourront voler par leurs propres moyens, à l'aide d'ailes fixées aux bras; cela ne signifie pourtant pas qu'ils seront des anges, précise un concurrent spirituel.
Cet autre garçonnet de 12 ans qui a déjà des opinions bien arrêtées quant au personnel domestique, se réjouit de se voir servi en l'an 2.000 par des automates, propres, obéissants, discrets qui auront toutes les vertus que nous réclamions vainement de nos serviteurs. « Oui, Monsieur, un automate qui ne regardera pas par le trou de la serrure, comme notre Philomène...» Un amateur de romans policiers nous assure que les savants auront trouvé, avant 60 ans, le liquide qui rendra les hommes invisibles et alors, conclut-il avec une certaine philosophie désabusée, « tout le monde sera voleur...»
Un autre concurrent est absolument convaincu, qu'avant la fin du siècle les physiciens découvriront le moyen « de faire à volonté la pluie et le beau temps ». Le pôle Sud (pourquoi le pôle Sud, plutôt que le pôle Nord ?), fertilisé, climatisé, sera habité, mais revers de la médaille, constate avec quelque regret ce jeune républicain il « sera en état de dictature...»
Une petite fille est toute heureuse de nous affirmer qu'en l'an de grâce 2000 elle ne sera ni vieille, ni ridée, car les chimistes auront découvert l'eau de Jouvence qui lui épargnera «des ans l'irréparable outrage. » Coquetterie, éternel souci de l'éternel féminin ! 



 
Et je pourrais citer ainsi des centaines et des centaines de prédictions folles ou vraisemblables, cocasses ou originales de tout un petit monde en ébullition. Mais comment en face de toutes ces prophéties révolutionnaires ne pas reproduire cette conclusion pleine de sagesse : «Nous les jeunes d'aujourd'hui qui serons les vieux de l'an 2.000 peut-être regretterons-nous le bon vieux temps de 1936 ! » ou cette autre encore : « Et pourtant, qui sait si je ne me trompe pas. Peut-être, qu'à cette époque, le monde sera si dégoûté de la mécanique, qu'il redeviendra plus sage et retournera à la vie simple de nos ancêtres. -Peut-être nos descendants se plairont-ils à vivre dans des maisonnettes rustiques, entourés de leurs champs, heureux d'aller à pied ou à cheval, détestant les engins mécaniques. Ce ne serait plus des Jules Verne qu'il faudrait alors, mais des trouvères, des troubadours qui viendraient leur chanter les exploits du vieux temps ou un autre Homère qui irait de maison en maison, conter de vieilles, vieilles histoires »
Comme on a pu s'en rendre compte par cet aperçu succinct le Concours Jules Verne de Radio-Strasbourg a fait couler beaucoup d'encre. C'est un beau succès pour notre station alsacienne et il y a lieu de se féliciter de cet hommage rendu par la jeunesse scolaire à la mémoire du célèbre conteur, de cet écrivain sympathique dont Hector Malot pouvait dire : « C'est un des meilleurs de nous tous : franc comme l'or ! ».

Géo MARCHAL.

N. B. — Un jury de 25 personnalités de Strasbourg, appartenant à l'Université, à la Presse, au Commerce, à l'Industrie, a procédé à l'examen des compositions et au classement des concurrents. Ce classement, fort difficile à établir en raison du grand nombre des concurrents — il y en avait de toute la France, des Colonies et de l'étranger — a donné les résultats suivants :
Catégorie 1 (8 à Il ans): François Grolleron, Colmar.
Catégorie II (11 à 13 ans): Norbert Luttenschlager, Strasbourg
Catégorie III (13 à 15 ans) : Lucie Mangin, Metz.
Comme on le voit les concurrents Alsaciens et Lorrains ont bien défendu leurs chances.

In La Vie en Alsace : revue mensuelle illustrée, janvier 1936

dimanche 19 juin 2016

Les Dimanches de l'abbé Béthléem 30, décembre 1910

Depuis 2012, ArchéoSF explore Romans Revue revue de critique dirigée par le rigoriste Abbé Béthléem. Pour lire la présentation de la revue et de l'abbé Béthléem, cliquez ICI.

Au sommaire de ce nouveau Dimanche de l'abbé Béthléem, JH Rosny, la magazine Excelsior, deux pièces de théâtre d'André de Lorde, le denier des Voyages Extraordinaires de Jules Verne et une mise en garde contre les romans policiers.

La partie Les Collections à bon marché est consacrée à Idéal Bibliothèque (éditions Pierre Lafitte & Cie). on y trouve la critique du Testament volé de JH Rosny: 

Mentionnons dans la même collection le roman historique La Force de Paul Adam qui à pour cadre la période napoléonienne en référence à l'anthologie Les Autres vies de Napoléon Bonaparte à paraître le 29 juin 2016 (souscription en cours)

La section Les revues, journaux et magazines se penche sur le cas d'Excelsior des éditions Pierre Lafitte. L'auteur de l'article, Léon Jules, fait la critique des collaborateurs du magazine, parmi les auteurs cités, plusieurs ont oeuvré dans le merveilleux scientifique et l'anticipation




La section théâtre mentionne deux pièces d'André de Lorde écrite en collaboration. Nous entrons dans le Grand Guignol. Tout d'abord Au téléphone :


puis Figures de cire:


La partie romans comprend un recueil de nouvelles de Jules Verne Hier et demain. Toutes ne sont pas conjecturales. Le critique mentionne La Journée d'un journaliste américain ainsi que L'Eternel Adam (Edom/L'Eternel Adam est recueilli in Zigzags à travers la science)


Enfin, la partie rédactionnelle met une nouvelle fois en garde contre le danger que représente la littérature policière car elle conduit au crime !



A un prochain dimanche !

Retrouvez tous les épisodes des Dimanches de l'abbé Béthléem en cliquant ICI.

samedi 18 juin 2016

[vidéo] Albert Robida, Le XXe siècle

Sur Vimeo, Lemog3D propose deux vidéos 3D inspirées de l'oeuvre d'Albert Robida. La Station Centrale des Aéronefs à Notre Dame (dont la gravure noir et blanc figurait dans le corpus pour le bac français des séries technologiques) s'anime !

 
La Station Centrale des Aéronefs à Notre Dame from Lemog 3d on Vimeo.

Sur le site de Jean-Luc Boutel, vous pouvez découvrir la version couleur de cette même gravure en cliquant ICI.

vendredi 17 juin 2016

[Censure] M. Moras, Le Rêve de l'Empereur (1853-1860)

En 1860, une adaptation du Napoléon apocryphe de Léon Geoffroy défraya non pas la chronique théâtrale mais la chronique judiciaire. Le pouvoir impérial, celui du Second Empire, censura en effet Le Rêve de l'Empereur de M. Moras qui se retourna contre le directeur du théâtre ayant accepté l'oeuvre quelques années auparavant.

La non-représentation de la  pièce, adaptée du Napoléon apocryphe donna lieu à une décision de justice rapportée dans plusieurs journaux. 
L'affaire remonte au 15 octobre 1853 comme le rapporte l'Annuaire de la Société des auteurs et compositeurs en 1866 : 
M. Moras avait présenté à M. Billion [directeur du théâtre du Cirque [1] ], le 15 octobre 1853, une pièce fantastique en cinq actes et dix-huit tableaux, tirée d'un roman : Napoléon apocryphe, et intitulée : Le Rêve de l'Empereur ; M. Billion l'accepta sous toute réserve. Cette pièce, n'ayant pas été représentée, M. Moras réclamait au directeur 2,500 francs de dommages-intérêts.
Le Tribunal, avant faire droit, renvoya cette affaire devant un arbitre-rapporteur, M. Contat-Desfontaines, ancien directeur du théâtre du Palais-Royal, qui, après avoir donné l'analyse de la pièce, constatait en note que, malgré les nombreuses démarches de M. Moras, la censure avait refusé d'autoriser la représentation du Rêve de l'Empereur.

La presse rapporta l'affaire et le jugement rendu le 15 février 1860 par le Tribunal de commerce de la Seine. On trouve ce jugement dans La Gazette des tribunaux du 20-21 février 1860 ou dans le journal La Presse dont nous reproduisons l'article ci-dessous qui n'hésite pas à convoquer les plus illustres pièces de théâtre:

THEATRE, CENSURE, le Rêve de l'Empereur. - Le Cid a triomphé malgré les persécutions de Richelieu tout-puissant; le Tartufe, malgré la .cabale des dévots de cour; Mahomet (questa bellissima tragedia, comme disait le pape Benoît XIV) malgré Crébillon; le Figaro, malgré Marin et les défenses de Louis XVI; la pièce fantastique intitulée : le Rêve de l'Empereur, en cinq actes et dix-huit tableaux, n'a pas triomphé de la résistance de M. Billion, ancien directeur du Cirque, et du refus de la censure. Avant de se prononcer sur la question, le tribunal de commerce avait renvoyé l'affaire devant M. Contat-Desfontaines, ancien directeur du théâtre du Palais-Royal, bien compétent en pareille; matière, lequel donne, dans son rapport, l'analyse de la pièce en ces termes : 
« L'auteur suppose que le Rêve de l'empereur Napoléon Ier a été de fonder une monarchie universelle. Il supprime la retraite de Russie, l'occupation étrangère ; il ajoute de nouvelles victoires imaginaires à celles précédemment remportées par l'empereur, jusqu'au moment où, dans une immense, réunion qu'il suppose avoir lieu au Champ-de-Mars, tous les peuples et les souverains de l'Europe, soumis l'un après l'autre et ralliés à son système, viennent porter à ses pieds un cri de reconnaissance et d'amour. »
 L'arbitre constate ensuite que, malgré les nombreuses démarches de M. Moras, la censure a refusé d'autoriser la représentation du Rêve de l'empereur. Elle n'a pas admis sur la scène cette contrefaçon outrée d'un personnage-historique. 
Me Maignen, 
avocat de M. Moras, a soutenu d'abord que la pièce de son client n'était pas aussi ridicule que M. Billion voulait bien le dire ; que le sujet en avait été tiré d'un roman : Napoléon apocryphe, qui a eu un certain succès et qui a été commenté par un honorable magistrat du tribunal civil de la Seine dont on déplore la perte récente; que M. Billion avait accepté la pièce avec enthousiasme, qu'il fondait sur elle de grandes espérances mais que la pièce n'avait pu être autorisée parce que la commission d'examen ne peut donner son approbation que lorsqu'une pièce est mise à l'étude, et que M. Billion a toujours refusé de mettre à l'étude le Rêve de l'Empereur ; qu'ainsi c'était par le fait de M. Billion que l'autorisation n'avait pas été donnée; et que, par suite, la pièce n'avait pas été jouée.
Me PRUNIER-QUATREMERE, agréé de Billion, répondait que, loin d'avoir reçu la pièce avec enthousiasme, il ne l'avait acceptée que sous réserves parce qu'il jugeait lui-même la pièce impossible et prévoyait le refus de la censure, et pour donner une idée de la pièce, il en fait à son tour une analyse.
«Napoléon Ier s'endort, et, dans son rêve, qui se traduit; par une série de tableaux successifs, il se rend d'abord à Moscou, que les Russes n'incendient pas le moins du monde, s'empare de la ville, et, toujours triomphant, marche sur Saint-Pétersbourg, dont, il s'empare aussi. C'en est fait de la Russie! Ensuite, il fait une descente en Angleterre, bat Wellington à plate couture, détruit Londres et fait disparaître la Grande-Bretagne de la carte du monde. » 
Cela suffit, je pense, continue M° Prunier-Quatramère, pour expliquer le refus de la censure d'autoriser la pièce, et par suite sa non-représentation sur le théâtre du Cirque.
Le tribunal a prononcé comme il suit : 
« Attendu que la pièce dont Moras est l'auteur n'a été acceptée que sous toute réserve ; 
Que cette réserve se référait évidemment à l'autorisation ministérielle qu'il appert des renseignements fournis par l'instruction ordonnée par le tribunal, que la censure était décidée à la refuser ; 
Qu'en fait, elle n'a jamais été obtenue; 
Que dans cette circonstance l'acceptation sous réserves de Billion n'a pu former, un contrat en présence du refus de l'autorité compétente ; 
Par ces motifs, Déclare Moras mal fondé dans sa demande, l'en déboute, et le condamne aux dépens »

Eugène Paignon, « Cours et Tribunaux » (chronique judiciaire) in La Presse, dimanche 26 février 1860. 

[1] Le Théâtre Impérial du Cirque a une histoire mouvementée expliquée sur Wikipedia. En 1848 il portait le nom de Théâtre National. "Constant Billon, directeur-propriétaire du théâtre des Funambules l'achète en 1851, rebaptisant la salle « Théâtre impérial du Cirque » le 4 juillet 1853". Le théâtre est détruit en 1862 pour permettre le percement de la Place de la République lors des travaux hausmanniens.Ce théâtre est l'ancêtre du théâtre impérial du Châtelet. 

Sources des textes et de l'image: Gallica