Dix-huitième épisode de notre exploration de Romans-Revue dirigée par l'Abbé Bethléem qui proposait au début du XXe siècle une lecture morale (rigoriste même) des parutions récentes (voir la présentation sur ArchéoSF).
Cette semaine, le mois de décembre 1909.
Pour
montrer un fois encore l'intérêt que porte, paradoxalement, Romans
Revue au roman, lisons ces mots relevés dans ce numéro de décembre:
« Il y a des gens d'esprit qui ne peuvent lire de romans. Ils
en trouvent la lecture vide et fastidieuse. Qui les en blâmerait ? »
La
partie consacrée à l'étude des périodiques (signée Léon Jules
et Robert Devannes ) s'arrête sur Le Petit journal illustré , Le
Petit Parisien illustré et La Croix illustrée. Rien concernant la
littérature conjecturale...
La
chronique théâtrale mentionne une pièce policière Nick Carter
drame policier en 5 actes et 8 tableaux, de MM. A. Bisson et G. Livet
et deux pièces « horribles » du Grand Guignol: Le
Hangar de la rue Vicq d'Azir, pièce en 2 tableaux, de MM.
Fernand Faure et Edouard Helsey et Horrible Expérience, drame
en 2 actes, de MM. André de Lorde et Alfred Bine :
Encore un drame policier : Nick Carter. C'est un nom connu, puisque les exploits de celui qui le porte sont régulièrement racontés dans des publications périodiques. Le Nick Carter de l'Ambigu est attaché à la poursuite du redoutable bandit Melvill, amoureux de la jeune milliardaire miss Dodler. Le tout ne se termine point par un mariage : Melvill est tué par la balle que la jalouse Carmen destinait à miss Dodler. Et le bandit meurt sympathique.Il est sympathique tout le temps, du reste. Il est si malin et joue de si bons tours à Nick Carter !Un collaborateur de Romans-Revue a déjà dit ce qu'il fallait penser de ces récits d'aventures au cours desquelles le lecteur est sollicité d'applaudir à l'audace, à l'habileté, à la crânerie des chevaliers du vol et du crime. Nous répéterons après lui qu'il est absolument fâcheux de voir des gens tranquilles crier : bravo ! aux brigands de la scène. Il est vrai que nous vivons à une époque où les faveurs de la foule sont pour les criminels notoires et celles du jury pour les assassins sentimentaux.
Le genre du théâtre du Grand-Guignol, c'est l'Horrible. Le Hangar de la rue Vicq d'Âzir est dans ce genre. M. de Paris, dont les quatre aides ont été trouvés assassinés dans un terrain vague, en engage quatre autres. Or, ces quatre nouveaux manoeuvres sont quatre bandits qui ont à venger leurs « copains». Le bourreau les emmène dans le fameux hangar où se dresse la guillotine et leur donne ses instructions, une leçon de couperet. Alors, pour voir s'ils ont bien profité de la leçon, il leur demande de le ligoter. Il figurera le condamné. Voilà nos quatre apaches qui, soudain, prennent leur rôle au sérieux — ils sont là pour çà —et poussent l'infortuné bourreau sur la bascule.Ils l'exécutent, se sauvent, et la fille du guillotiné qui vient chercher son père arrive juste pour contempler ce spectacle.Spectacle bien fait pour charmer le coeur et l'esprit.L'Horrible expérience, même genre. Le docteur Charrier prétend ressusciter les morts, en remettant leur coeur en mouvement au moyen d'une machine électrique. Sa fille meurt dans un accident d'automobile. En présence de son fiancé, il l'étend donc sur son bureau, essaie d'émouvoir soncoeur de syncopée à l'aide de son instrument. Le cadavre est secoué de mouvements spasmodiques et dans un de ces mouvements le docteur est saisi à la gorge par l'une des mains de sa fille qui l'étrangle.Ce qui fait deux cadavres au lieu d'un. Toujours le charme de l'esprit et du coeur.
Nous
avons introduit cette chronique par une réflexion sur le roman,
terminons avec celle-ci sur l'art dramatique:
"L'esprit du théâtre contemporain, frivole, sensuel, moqueur, est proprement l'esprit diabolique. Il y a un syndicat de malfaiteurs littéraires qui travaillent méthodiquement à la dépravation de l'âme française par le théâtre.Sous prétexte de vouloir simplement nous distraire, en nous offrant de temps en temps « une soirée », prenons garde d'être leurs complices."Maurice Gilbert
Numéro
de décembre 1909 signifie table des matières pour l'année 1909.
Celle-ci compte une centaine de pages indiquant les références des
textes parus et critiqués.
A dimanche prochain!
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