En
1937, le bal de l'école des Arts décoratifs a pour thème « Une
nuit en 2037 ». La presse de l'époque décrit le bal et les
anticipations présentées au public.
UNE
NUIT
EN
2O37
Tel
sera le thème du prochain bal de l'école des
Arts décoratifs
Désireux
de
rompre
avec
la
tradition
célèbre
mais
déjà
bien
exploitée,
l'école
des
Arts
décoratifs
ont
décidé
de
donner
à
leur
prochain
bal,
qui
aura
lieu
le
27
février,
26 bis,
rue
Saint-Dominique,
un
cadre
original
et
inattendu.
Sans
se
soucier
de
reconstituer
quelque
nuit
égyptienne,
romaine,
chinoise
ou
romantique
à grand
renfort
de
décors
ou
de
déguisements plus
ou
moins
d'époque
ou
de
circonstance,
ils
ont
voulu
puiser
leur
inspiration,
non
pas
dans
le
passé
ni
dans
telle ou telle contrée exotique mais dans
l'avenir.
Ils
ont
imaginé
d'aménager
la
salle
de
bal,
de
l'
« équiper » plutôt,
d'une
façon
qui
suggère.
approximativement
mais
suffisamment,
et
en
tout
cas
avec
bonne
humeur,
ce
que
pourraient être les aspects de la vie dans un siècle. Des «
machines » en carton
ou
en
métal
léger
que
les
élèves
de
l'école
s'emploient
actuellement
à
mettre
au
point
dans
une
usine abandonnée,
du
côté
de
la
Glacière,
accueilleront
les
Invités.
Il
y
aura
la
machine
à
vieillir,
la
machine
à
rendre
géantes
les
fleurs,
et
bien
d'autres...
Il y
aura,
sur
le
Coup
d'une heure
du
matin,
l'arrivée
d'un
colossale
fusée
Interstellaire.
Les
invités,
eux,
ne
seront
pas
tenus
d'endosser un costume spécial (seuls les
mécaniciens
de
cette
« cité
future
» revêtiront des combinaisons de
papier
huilé
et
coifferont
des
casques
grillagés)
mais
les
smoking et
les
robes
de
soirée
joueront
aussi
leur
rôle
; ils
laisseront
supposer
qu'il
s'agit
en
2037
d'une
figuration
rétrospective
vestimentaire
On
peut
à
la
fois
souhaiter
et
prévoir
un grand succès à cette idée vraiment amusante
et
neuve.
In
Le Petit Parisien, n°21907, 20 février 1937
Le
Populaire, organe de la SFIO, ancêtre du Parti Socialiste,
rebondit sur cette annonce avec cet article en première page :
2.037
L'Ecole
des
Arts
décoratifs
a
choisi,
cette
année,
comme
thème
de
son
bal
de
demain,
« Une
nuit
en
2037 ».
Ça
fait
cent
ans.
Est-ce
peu
?
Est-ce
beaucoup
?
A
coup
sûr,
c'est
beaucoup
pour
chacun
de
nous,
et
surtout
quand
il
pense
aux
malheureux
trente,
quarante
ou
cinquante
ans
(quel
maximum
!)
de
sa
vie
active
et
féconde.
Mais
ce
n'est
pas
beaucoup
pour
ces
« grands
corps »
-
comme
disait
Descartes
-
que
sont
les
sociétés
humaines.
D'où
nous
devrions
tirer
leçon
de
patience
et
d'obstination.
Et
aussi,
après
avoir
considéré
le
sens
du
mouvement
qui
nous
emporte,
leçon
de
confiance
dans
les
«
prophéties
»
que
nous
sommes
entraînés
à
faire.
Si
court,
donc,
que
puisse
être
un
siècle
dans
l'histoire
de
l'humanité,
nous
avons
le
droit
d'escompter
qu'il
ne
passera
pas
sans
que
quelques
grandes
conquêtes
aient
été
faites.
C'est
d'abord,
qu'en
2037,
les
hommes
auront
tous
accepté
depuis
longtemps
de
participer
à
la
production
des
richesses
et
que,
travaillant
tous,
chacun
d'eux
-
ainsi
que
Paul
Lafargue
en
avait
eu
le
pressentiment
génial
en
proclamant
le
« droit
à
la
paresse »
-
pourra
ne
pas
travailler
beaucoup.
C'est
ensuite
que
les
nations,
ayant
compris
depuis
longtemps
que
les
guerres
ne
servent
qu'à
saigner
les
travailleurs
pour
le
seul
profit
de
ceux
qui
les
exploitent,
se
seront
enfin
réconciliées
et
ne
voudront
plus
avoir
entre
elles
d'autres
compétitions
que
celle
des
meilleurs
moyens
de
rendre
les
hommes
heureux.
Je
n'ose
pas
espérer
que
le
bal
annuel
de
l'Ecole
des
Arts
décoratifs
fasse
quelque
place,
demain,
aux
anticipations
que
je
viens
de
dire.
Qu'importe
!
les
forces
qui
nous
mènent
n'ont
pas
besoin,
pour
atteindre
leur
but,
d'être
clairement
pensées
par
tous.
Si
tous
avaient
cette
connaissance,
il
n'y
aurait
plus
qu'un
seul
parti
dans
la
bataille
présente
:
le
nôtre.
Et
de
bataille,
il
n'y
en
aurait
plus.
JB
Severac, Le Populaire, n°5129, 26 février 1937.
[mise à jour février 2015] A lire sur le web: un article sur l'Amicale des amateurs de nids à poussière consacré à cette nuit en 2037.
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