Une partie de l'imaginaire conjectural s'est effacée car personne ou presque n'en a gardé de traces. Régulièrement, dans la presse de l'époque, des descriptions de spectacles peuvent être relevées mais souvent l'image manque: au lecteur d'imaginer ce que les contemporains ont bien pu voir. En 1923, pour les fêtes de Noël, un grand magasin parisien proposait une vitrine montrant "Tombouctou en l'an 2124". Un chroniqueur du Petit Parisien nous en livre la description:
ALLONS
VOIR AUX VITRINES LE "JOUET" DE L'ANNÉE
[…]
L'actualité fournit ses sujets aux décorateurs. Si l'on demandait à
la moyenne des « gosses » qui vont au cinéma ou qui
s'intéressent aux beaux voyages ce qui les a cette année, le plus
frappés, la plupart répondraient «Nanouk » et « le Raid
des autos-chenilles à travers le Sahara ». La plupart des magasins
ont donc, pour flatter leurs petits clients, leur scène de «
Nanouk » et leur vue de « Tombouctou en l'an 2124 ».
Ici, on
voit, au fond du paysage, des autos-chenilles défiler sur la crête
des dunes et descendre lentement vers la capitale du désert. Dans
les rues grouillantes, tout un peuple bizarrement accoutré se
presse, flâne, court à ses affaires et danse au son du jazz-band.
Entre les minarets et les terrasses, des palmiers étrangement
mécaniques se plient-sous une brise irréelle, mais qui doit être-
terrible, si l'on en juge aux convulsions des pauvres arbres. Une
girafe, un seau à la bouche, monte de l'eau à tous les étages.
Ailleurs,
la vision de Tombouctou dans deux cents ans est plus formidable
encore: un aérobus monstre, dont la porte d'entrée est un
énorme rideau de fer, crache autant de public qu'une sorte de métro
aux heures d'affluence. On déballe des fruits « exotiques » :
poires, pommes, raisins ; des légumes, carottes et oignons, que
se disputent les gens chic. Devant le grand théâtre et le magasin
d'antiquités, les passants s'arrêtent ou font la queue. Au milieu
de la grand'place, se tient le cireur. Le client met cinq francs dans
un appareil, en choisissant la couleur de son cirage : il y en a
du jaune, du vert, du rouge et même du noir. Pendant que les brosses
mécaniques font leur devoir, des cornets acoustiques versent
l'harmonie (par sans-fil) au cœur des citadins. Un édifice
monumental absorbe une foule compacte qu'il ne rend pas : il
constitue la gare de départ des aérobus.
Si les
pronostics de nos humoristes se réalisent, comme se sont réalisées
celles de Wells et de Jules Verne, Paris n'a qu'à bien se tenir pour
conserver son rang de capitale du monde: Tombouctou ne tardera pas à
le dépasser. […]
Raymond
de Nys, « Allons voir aux vitrines le jouet de l'année »,
in Le Petit Parisien, n°
17087, 11 décembre 1923
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