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ISSN 2496-9346

samedi 17 décembre 2016

Tombouctou en 2124 (1923)

Une partie de l'imaginaire conjectural s'est effacée car personne ou presque n'en a gardé de traces. Régulièrement, dans la presse de l'époque, des descriptions de spectacles peuvent être relevées mais souvent l'image manque: au lecteur d'imaginer ce que les contemporains ont bien pu voir. En 1923, pour les fêtes de Noël, un grand magasin parisien proposait une vitrine montrant "Tombouctou en l'an 2124". Un chroniqueur du Petit Parisien nous en livre la description:



ALLONS VOIR AUX VITRINES LE "JOUET" DE L'ANNÉE

[…] L'actualité fournit ses sujets aux décorateurs. Si l'on demandait à la moyenne des « gosses » qui vont au cinéma ou qui s'intéressent aux beaux voyages ce qui les a cette année, le plus frappés, la plupart répondraient «Nanouk » et « le Raid des autos-chenilles à travers le Sahara ». La plupart des magasins ont donc, pour flatter leurs petits clients, leur scène de « Nanouk » et leur vue de « Tombouctou en l'an 2124 ».
Ici, on voit, au fond du paysage, des autos-chenilles défiler sur la crête des dunes et descendre lentement vers la capitale du désert. Dans les rues grouillantes, tout un peuple bizarrement accoutré se presse, flâne, court à ses affaires et danse au son du jazz-band. Entre les minarets et les terrasses, des palmiers étrangement mécaniques se plient-sous une brise irréelle, mais qui doit être- terrible, si l'on en juge aux convulsions des pauvres arbres. Une girafe, un seau à la bouche, monte de l'eau à tous les étages.
Ailleurs, la vision de Tombouctou dans deux cents ans est plus formidable encore: un aérobus monstre, dont la porte d'entrée est un énorme rideau de fer, crache autant de public qu'une sorte de métro aux heures d'affluence. On déballe des fruits « exotiques » : poires, pommes, raisins ; des légumes, carottes et oignons, que se disputent les gens chic. Devant le grand théâtre et le magasin d'antiquités, les passants s'arrêtent ou font la queue. Au milieu de la grand'place, se tient le cireur. Le client met cinq francs dans un appareil, en choisissant la couleur de son cirage : il y en a du jaune, du vert, du rouge et même du noir. Pendant que les brosses mécaniques font leur devoir, des cornets acoustiques versent l'harmonie (par sans-fil) au cœur des citadins. Un édifice monumental absorbe une foule compacte qu'il ne rend pas : il constitue la gare de départ des aérobus.
Si les pronostics de nos humoristes se réalisent, comme se sont réalisées celles de Wells et de Jules Verne, Paris n'a qu'à bien se tenir pour conserver son rang de capitale du monde: Tombouctou ne tardera pas à le dépasser. […]

Raymond de Nys, « Allons voir aux vitrines le jouet de l'année »,
in Le Petit Parisien, n° 17087, 11 décembre 1923


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