Nombre d'études historiques se plaisent à faire de l'uchronie. En 1913, l'écrivain, essayiste et critique littéraire Emile Faguet imagine, à la fin de son article "Sur Mirabeau" le destin du révolutionnaire Honoré-Gabriel Riquetti comte de Mirabeau s'il n'était pas mort en 1791.
Que serait-il arrivé de Mirabeau s'il n'était pas mort le 2 avril 1791 à l'âge de quarante-deux ans ? Ces questions sont trop oiseuses pour que je consacre à l'une d'elles plus de vingt lignes, mais encore elles contribuent à fixer les idées sur un homme. Il aurait été assurément guillotiné en 1793 s'il fût resté en France; si, ce qu'il aurait sans doute compris qu'il fallait faire après les découvertes de l'armoire de fer, il avait fui à l'étranger, il n'aurait pas pu revenir avant le Consulat, et très probablement il n'aurait pas été employé par Napoléon qui s'accommodait mal d'hommes de sa taille, et il n'aurait pu devenir ministre qu'avec Louis XVIII vers 1818 ou 1820, et, à cette époque, il aurait eu soixante-dix-ans. C'était un peu tard. On peut donc dire qu'à la date où Mirabeau mourut, sa carrière était si près d'être finie qu'en vérité elle l'était.Inversement, s'il avait été prêt d'autre sorte qu'intellectuellement en 1788, s'il avait été moralement ministrable en 1787 ou 1788, s'il avait, à la place de Necker ou de Montmorin, présidé comme chef de gouvernement à la Révolution naissante, s'il avait été appelé à la diriger, à la contenir, à la guider, à l'éclairer avec la netteté de ses vues et la décision de son geste, il est possible, il est presque probable que ce grand mouvement, très nécessaire, eût pris un tout autre cours, et meilleur, et que son seul produit net, l'Empire (qu'il a prévu), n'aurait jamais existé.
Emile
Faguet, Sur Mirabeau, in Revue des deux mondes,
1er
juin 1913
Image: François Louis Lonsing, Portrait d'Honoré-Gabriel Riqueti, Comte de Mirabeau (1749-1791), huile sur toile, deuxième partie du XVIIIe siècle, Musée des Beaux Arts de Bordeaux
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