Il imagine dans le texte qui suit l'avenir dans le domaine des transports.
Ce
que nous verrons dans vingt ans
Les progrès de la
science ont été considérables depuis un demi-siècle, et chaque
jour voit apparaître une invention nouvelle, une découverte
imprévue qui ajoute un maillon de plus à la chaîne ininterrompue
de conquêtes, transformant peu à peu l'existence des nations,
ajoutant au bien-être général, bien qu'au prix de quelques
complications.
Énumérons
sommairement ces améliorations.
En premier lieu, les
moyens de locomotion. En 1875, on ne connaissait que les chemins de
fer et les voitures à chevaux et les « rapides »
parcouraient au plus soixante kilomètres à l'heure. Aujourd'hui,
les grands expresse internationaux ont une vitesse commerciale qui
dépasse 90 kilomètres ; aux lents et lourds omnibus, ont
succédé les tramways électriques et les autobus à pétrole qui
circulent dans toues les grandes villes. Alors que, sur mer, les plus
grands paquebots avaient un déplacement de 5.000 tonnes et une
vitesse de 16 nœuds (29 kilomètres) à l'heure, maintenant leur
volume est sextuplé et leur vitesse doublée. Enfin, alors qu'on ne
connaissait que l'on ballon sphérique, jouet du vent, on possède
des dirigeables et les avions évoluant à des allures dépassant 200
kilomètres.
C'est dans le
domaine de l'électricité que les progrès ont été plus nombreux,
grâce à une étude minutieuse des phénomènes auxquels donne lieu
cette forme de l'énergie universelle. Il n'est presque plus
d'industrie qui n'en soit tributaire et ne l'utilise sous une forme
ou une autre. La lampe à arc, puis la lampe à incandescence ont
remplacé les anciennes sources d'éclairage. La bougie, l'huile, et
même le gaz qui soutient difficilement sa concurrence grâce à
l'invention du manchon de terres rares imaginé par le docteur Auer.
La traction, la métallurgie, la chimie ont pris un développement
extraordinaire grâce à l'invention de la dynamo, et les procédés
de correspondance ont été notablement perfectionnés, ainsi qu'en
témoignent la télégraphie avec et sans fil, la téléphonie
ordinaire et la radiotéléphonie. Enfin l'art médical a également
trouvé dans la fée électricité une aide précieuse ; une
branche nouvelle du plus haut intérêt a été créée par la
découverte des rayons X, et la radiologie seconde efficacement les
recherches et les opérations chirurgicales. Et nous ne sommes qu'au
commencement ! Que nous réserve l'avenir ?…
Il semble évident,
et sans qu'il soit nécessaire de se livrer à des « anticipations »,
à la façon de Jules Verne ou de Wells, qu'avant que vingt ans ne
soient écoulés, bien des problèmes encore pendants auront reçu
leur solution.
En premier lieu, il
est probable que la navigation aérienne sera d'une usage universel,
la sécurité des passagers étant assurée plus complètement que
maintenant. A côté des monstres aériens, les « Goliaths »
et des « Léviathans » pour les transports en commun à
grande vitesse, évolueront les « moto-aviettes »,
cycle-cars de l'atmosphère, servant aux transports individuels comme
fait la bicyclette actuelle.
Sur terre, la
locomotive à vapeur sera devenue désuète et aura cédé le pas,
sur tous les réseaux de chemins de fer, au tracteur électrique.
Grâce à l'emploi des moindres cours d'eau, des marées, etc,… la
houille blanche, bleue ou verte permettra non seulement d'électriser
toutes les lignes ferrées de grand ou de faible trafic, mais encore
de distribuer l'énergie motrice aux moindres exploitations
agricoles. Le moteur électrique supplantera ainsi les moteurs
thermiques d'entretien d'entretien plus coûteux, aussi bien pour la
traction des véhicules que pour les usages à poste fixe.
Il est probable que,
sur mer, pour les relations entre continents que séparent de vastes
océans, les moyens de locomotion seront tout différents de ceux que
nous connaissons, et que la vitesse et la sécurité seront
sensiblement accrues. Le sous-marin de transport et commercial
rivalisera peut-être alors avec le paquebot géant, tandis que, sur
les fleuves, évolueront à grande allure les hydroglisseurs à
hélice aérienne.
Mais il n'y a pas
que la locomotion et la navigation maritime ou aérienne, qui se
seront développées et transformées dans le court laps considéré,
il en sera de même de tous les procédés industriels et de nombre
d'applications scientifiques qui découleront des découvertes
nouvelles surgissant chaque jour dans le monde entier. Les
habitations seront plus rationnellement construites, avec des
matériaux plus parfaits, mieux répartis et judicieusement mis en
œuvre si bien que l'incendie ne sera plus autant à redouter
qu'aujourd'hui, ses ravages pouvant être instantanément
circonscrits. Et dans ces maisons modèles tout se fera
automatiquement, comme dans la « maison électrique » de
G. Knap. Le confort atteindra un degré dont on ne peut encore se
faire qu'une idée approximative : il suffira d'appuyer la main
sur un levier ou un bouton de commande pour être obéi et réaliser
les opérations les plus compliquées, car la télématique encore
dans l'enfance en 1923 sera avant 1950 devenue d'un usage général.
Le
monde continue à évoluer et les inventions les plus merveilleuses
se succèdent qui contribuent à précipiter cette évolution. On
peut se figurer ce que seront les cités futures lorsque seront
appliquées en grand toutes ces conquêtes de la Science, qui
transforment lentement mais radicalement nos conditions d'existence.
H.
de Graffigny, « Ce que nous verrons dans vingt ans »,
in
Le Petit inventeur n°
30, 9 octobre 1923.
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