Comment imaginait-on la vie au bureau en l'an 2000 cinquante ans avant? C'est le sujet de cet article. Pourrez-vous citer toutes les inventions prévues qui sont désormais dans notre quotidien?
En
cet an de
grâce 1950, les commerçants, qui débutèrent dans le négoce en
1900 et même plus simplement avant la Grande Guerre, sont d’accord
pour reconnaître qüe jamais ils n’avaient prévu les progrès de
l’équipement matériel de bureau actuel.
Pour
n’en citer que quelques exemples, iis se souviennent du temps où
très dogmatiquement on discutait pour savoir si une lettre tapée à
la machine ne constituait pas une impolitesse pour les
destinataires... si les doubles au carbone avaient une valeur
probante devant les tribunaux de Commerce... si le duplicateur à
stencils ne prenait pas une forme de confectionneur de prospectus...
si la comptabilité à décalque avait une réelle valeur comptable,
etc.
Aujourd’hui,
en 1950, il est acquis qu’il est plus correct d’écrire une
lettre privée, personnelle et même intime à la machine, car
elle n’impose pas l’incorrection d’une écriture plus ou moins
lisible. Et le Magnétophone est en train d’effectuer une
révolution, non seulement dans la dictée du courrier mais dans
l’organisation du travail autrement importante et bouleversante que
la très répandue machine à écrire.
Tout
cela fait penser que l’homme de 1950, n’est peut-être pas plus
capable dans sa généralité d’envisager ce que sera le
bureau commercial ou privé de l’an
2000
que son aïeul de 1900 n’était susceptible de concevoir le
sien. Il y a cependant des améliorations prévues, d’après
les actuels travaux de laboratoires industriels et même les
avant-projets de prototypes.
Les
bureaux actuels, même les plus scientifiquement étudiés
seront largement dépassés. Ils seront semi-circulaires, car il est
illogique de les concevoir rectangulaires avec des angles extérieurs
que l’employé ne peut atteindre ou utiliser. Les sièges que l’on
doit pouvoir déplacer facilement seront en métaux légers avec
assiettes en matières plastiques épousant les formes de l’assise
humaine.
L’air
des bureaux sera climatisé en chaud, froid et hygrométrie : un
directeur pourra à tous instants vérifier l’activité de son
personnel et la qualité de sa production.
La
machine à écrire sera toujours électrique et le rendement sera au
moins doublé, sans perte de temps inutile. Il sera facile de
transmettre à distance un texte tapé par une dactylo ou d’en
donner des copies directes en des lieux fort éloignés.
Déjà
les P.T.T. de 1950 ont des fils spéciaux et des abonnements pour
cela.
Mais
l’appareil le plus curieux sera le fichier magnétique — il
existe déjà — permettant de consulter les comptes et fiches
depuis son bureau et de recevoir le renseignement sur un fond de
lampe électronique spéciale.
Dans
tout cela, il y aura cependant quelque chose qui n'aura pas changé :
la nature humaine. Et il est vraisemblable que tous ces
perfectionnements n’auront apporté aucun changement
pratique, car c’est une pure vue de l’esprit que
d’attribuer à la mécanisation à outrance une valeur par
elle-même.
L’homme
asservit la nature, mais c’est surtout elle qui le transforme en
robot, eu ne faisant plus de lui qu’un être sans réflexion, ne
sachant plus prendre d’initiative et encore moins de
responsabilité. On ne raisonne plus, mais on agit selon un
règlement en se couvrant par un système de référence. Or,
l’humanité évolue avant tout par ondes enchaînées et l’on a
déjà pu vérifier qu’en matière de transports, on a vu les
individuelles diligences céder la place aux trains
ferroviaires, en étroite sujétion du rail et donc des horaires. Or,
les ferroviaires ont perdu leur royauté au profit de l’auto et du
camion autonome.
Dans
l’industrie, après la concentration des machines en usines
gigantesques de dizaines de milliers d’ouvriers, on assiste à
un retour à une sorte d’artisanat individualisé pour la
confection à domicile de pièces normalisées, avec seules
chaînes de montage centralisées. C’est même le grand dada
actuel de la décentralisation industrielle. Et alors on se demande
si le fameux bureau de l’an 2000 tout
électrifié, motorisé, mécanisé, électronisé et
super-hyper-rationalisés n’aura pas tout simplement disparu.
Les hommes peuvent — ce n’est pas une certitude — être devenus
sages, loyaux et honnêtes. Plus alors besoin de preuves écrites, de
bons de commandes, de factures, de comptes, de copies de lettres.
Un
simple petit poste émetteur-récepteur de radio pour prendre
les commandes et les passer aux magasins. Peut-être que de son côté
la désintégration des atomes aura été tellement poussée
qu’il suffira d’appuyer sur un bouton et la marchandise se
dématérialisera, et, sans fil (bien entendu) ira-t-elle se
reconstituer directement chez le destinataire...
Texte
publié dans Journal
et feuille d'avis du Valais et de Sion,
28 août 1950