ISSN

ISSN 2496-9346

dimanche 26 septembre 2021

[Radio] Jean Labadié, L'électricité en l'an 2000 (1926)

De nombreuses émissions de prospective ont été diffusées à la radio souvent sans captation pour les plus anciennes. Le 15 février 1926, les programmes radiophoniques annoncent la retransmission d'une conférence de vulgarisation donnée par Jean Labadié organisée par le magazine La Science et la Vie sur le thème "L'électricité en l'an 2000." 


Le texte n'est sans doute que la déclinaison radiophonique de l'article portant le même titre publié par Jean Labadié dans La Science et la vie n° 107 daté de mai 1926.

Cet article est illustré de trois dessins de Roger Soubie: 

 


 








vendredi 24 septembre 2021

J. Longepierre, Un mariage (1933)


En 1933, un certain J. Longepierre publie le court texte "Un mariage" dans Le Quotidien. L'action se déroule en 1950 et l'on y découvre la télémédecine rendue possible grâce au téléviseur photophonique puis les services de Télé-Hymen permettant de trouver à distance l'élu-e de son coeur. Mais tout ne se passe pas comme prévu...

 

 Un mariage

Par un clair matin de l’an de grâce 1950, Humérus Sanphile s'éveilla.

La sensation d’un corps trop vide d d’une tête trop lourde lui rappela aussitôt l’orgie de la nuit précédente. Deux grands verres d’eau, adoucissant la râpe caustique de ses muqueuses buccales et pharyngiennes lui firent constater que ce mesquin breuvage pouvait avoir parfois un usage interne opportun — voire bienfaisant !

Enfin sur pied, il considéra dans la glace ses traits fatigués et fourragea d’une main salutaire dans une chevelure douloureuse où le poivre déjà livrait au sel une guerre encore incertaine mais sans espoir. En outre, son hypocondre droit sembla manifester quelque mécontentement rétrospectif, tandis qu’un pyrosis persistant parut s’acharner sur son œsophage.

Bref, Humérus avait encore trop bu la veille, ainsi d’ailleurs que l’avant-veille et que l’avant-avant-veille, et que tous les jours écoulés depuis la date de son sevrage ; mais, cette fois, il était vraiment malade.

« Il n’y a pas, il faut que je voie mon médecin ! » pensa-t-il.

Il s’assit devant son téléviseur photophonique et composa le cadre numérique de son praticien ordinaire : « Auteuil 18-i, r, o-3,5-6-96 » (ce qui veut dire, comme chacun sait : intensité : 3 ampères 5 — résistance : 6 ohms — ondes : 96 mètres).

Quelques secondes à peine écoulées, il vit apparaître sur l’écran la bonne du docteur, tandis que le haut-parleur annonçait :

—- Vous désirez, monsieur ? — Une consultation, mademoiselle. — De la part ?... —- M. Humérus Sanphile.

— Ah ! très bien, ne quittez pas, je adèle des pensées du président-chef vous branche sur le cabinet de Monsieur.

Un grésillement pétilla, une lueur verte incendia la tore et l'homme de l'art fut en communication :

—- Bonjour, cher ami... Qu’est-ce qui ne va pas ?

— L’état général, docteur... Appels du foie, nausées, etc.

Oui, oui, je vois ça : l'abus des grands cocktails et des "petites amies... Ça finira par vous jouer un mauvais tour !... Voyons que je vous ausculte. Tirez la langue... Oh ! oh ! bien saburrale... Bon ! Maintenant, frappez vous sur la rotule... Parfait... Hem ! , les réflexes sont gourds !... Mettez votre coeur sur le micro... ne respirez plus... i Oui, des souffles anormaux... Enfin, je suis fixé : asthénie générale. Il faut vous mettre au vert I Pour l’instant, repos | absolu et diète lactée... Pour l’avenir, un seul remède : le mariage 1 Sans quoi, ça va recommencer, et alors, cirrhose, congestion, trémie et tout le tremblement... Oh ! oh ! je vous connais... Vous êtes prévenu, hein... le mariage !... Allons, au revoir !

Resté seul, si l’on peut dire, Humérus se mit à réfléchir. Le mariage ?... Il y avait bien songé déjà mais, très riche, il avait vite pu se rendre compte que son coffre-fort était plus que lui-même l'objet de l'affection des soupirantes.

Une idée lui vint. L’agence TéléHymen disposait d'un vaste répertoire de fiancées éventuelles. Pour pimenter de romanesque les unions réalisées par son intermédiaire, l’agence Télé-Hymen obligeait chacune des candidates à accepter d'avance et par contrat unilatéral toute demande proposée, quel que soit le demandeur ; celui-ci, seul, avait droit de choisir sur un film qu’on bélinographait à son domicile l'élue de son cœur, mais était obligé de tenir parole une fois son choix fixé, sous peine de poursuites judiciaires. (Un récent décret en avait ainsi décidé, pour éluder les farceurs et éviter les scandales possibles.)

Aussitôt dit, aussitôt fait !

Le temps de mettre le contact et voici que défilait sur l’écran de notre ami toute une série de minois plus ou moins âgés. Soudain, à l’apparition d’une suave blonde – série E. n° 2.685 – Humérus comprit que son destin venait de se jouer.

Il arrêta la projection et avisa le directeur de l’agence :

— Allô !... Oui, monsieur le directeur, j'ai choisi... Mille remerciements... Oui, faites préparer tous les papiers... C'est entendu, envoyez la personne demain chez moi : 772, avenue de Gargan (32e arrondissement). C'est bien cela, série E, n° 2.685... Encore merci !

Le lendemain. Humérus avait inondé son appartement de parfums délicats, orné tous les vases de fleurs roses et blanches, disposé le porto, le samoan, fait une toilette de jeune premier, et attendait avec impatience la venue de celle à qui il avait voué son existence, vaincu par le charme photogénique de la blonde image.

Enfin, la sonnette tinta. Tremblant d’émotion amoureuse, Humérus s'en fut ouvrir. Il se préparait à saisir entre ses bras avides la délicieuse et douce proie quand il recula, médusé, et dut se cramponner au porte-manteau pour ne pas choir de saisissement. Cependant, l’inconnue murmurait avec extase :

— C’est moi, mon chéri... Comme tu as bien su choisir, et comme je vais te rendre heureux !

Puis, elle serrait vigoureusement sur une poitrine ardente Humérus défaillant.

L’employé de l’agence avait confondu la série E avec la série F... et le numéro 2.685 c’était la femme à barbe !...

 

J. Longepierre, "Un mariage", in Le Quotidien,

 n° 3925, 13 novembre, Paris, 1933.

 

 

 

samedi 11 septembre 2021

Robert Schlesincer, Voyage interplanétaire (1937)

Le quotidien Ce soir publie, le 24 mai 1937, la nouvelle "Voyage interplanétaire". signée par le journaliste Robert Schlesincer.

Le jeune Marius Larrive répond à une petite annonce et se retrouve sur la planète Mars (ou presque...).

La nouvelle est illustrée par une vignette anonyme nous montrant l'intérieur du bolide interplanétaire.


 

Voyage Interplanétaire

 

Marius Larrive était depuis trois semaines sans emploi lorsqu'un jour lui tomba sous les yeux une petite annonce, parue dans une revue scientifique et ainsi conçue :

« On offre haute situation à un monsieur jeune, courageux, ayant beaucoup souffert et perdu ses illusions sur le bonheur terrestre.

S'adresser au professeur Astrolabe, 21, rue de….»

 

Marius se sentit brusquement l'âme d'un martyr et avec un peu d'imagination il établit mentalement le compte approximatif de ses désillusions jusqu'à l'heure présente.

Ayant frappé à la porte du professeur Astrolabe, il fut reçu par un petit vieillard à la barbiche satanique et aux yeux pétillants de malice.

Le professeur conduisit Marius dans un bizarre laboratoire rempli d'appareils inquiétants qui lançaient des étincelles multicolores. Au milieu de la pièce trônait une espèce de torpille immense dotée d'une portière à glace par où on pouvait apercevoir les organes de commande : un volant et quelques boutons, le tout devant un confortable fauteuil.

— Regardez ceci, lui dit le professeur, c'est le bolide A-37, de mon invention. Grâce à lui vous pourrez atteindre la planète Mars en moins de 24 heures. Je suis trop vieux pour tenter l'expérience et tous ceux qui se sont présentés d'après l'annonce ont eu peur d'y monter. Le bolide est dirigé par des ondes électriques de mon laboratoire même. Vous n'avez qu'à tenir le gouvernail suivant les instructions que je vous transmettrai par la radio.

Marius réfléchit un long instant : la situation qu'on lui offrait était plus haute qu’il ne l'avait soupçonnée, même un peu trop car elle lui donna le vertige. Mais il accepta. A peine quelques heures plus tard il s'enfermait dans le bolide après avoir fait, aux frais de l'inventeur, une provision de boites de sardines, de fromage et surtout de quelques bonnes bouteilles car, se dit-il, il se pourrait que Mars ne soit pas très vinicole.

Il prit son vol par une ouverture pratiquée au plafond du laboratoire et le lendemain, après un long voyage à travers les ténèbres interplanétaires, Marius débarqua sur Mars.

Le paysage ne différait pas beaucoup de celui de la Terre et les Martiens entourèrent son bolide, sans trop de curiosité d'ailleurs, et reconnurent sans difficulté en Marius Larrive l'un de ces petits mammifères qu'ils voyaient depuis des siècles, à travers leurs lunettes astronomiques, fourmiller sur la surface de notre globe. Les Martiens même étaient semblables aux hommes, mais ils avaient une allure plus calme et paraissaient beaucoup moins enclins aux démonstrations bruyantes et à l'enthousiasme enfantin.

Marius Larrive commençait à se sentir mal à l'aise dans ce monde nouveau lorsqu'une voix stridente jaillie d'un immense haut-parleur le ramena à la vie :

« Allo ! Allô ! ici radio Mars, poste central. Le grand conseil de la Confédération martienne vient de clore ses débats au sujet des problèmes suscités par l'arrivée d'un homme de la Terre sur notre planète et décide :

« L'encouragement méthodique de l'immigration en vue de l'enrôlement des volontaires dans notre armée martienne pour renforcer l'ordre sur notre globe et la sécurité dans les espaces interplanétaires ;

« La nomination de Marius Larrive, en sa qualité de premier venu, et en vue de récompenser son héroïsme, au grade de général honoraire de l'armée de Mars. »

Après avoir entendu ces paroles, Marius se précipita vers le palais du Conseil :

« Qu'on me rende mon bolide, s'écria-t-il, je veux rentrer chez moi. J'étais mieux à Marseille, beaucoup mieux. »

Mais ses supplications furent vaines car il n'était pas permis de discuter les décisions du Grand Conseil.

Et Marius, abandonné au désespoir le plus profond, se mit à verser des larmes, mais les Martiens furent sans pitié.

Et finalement, Marius, qui dormait dans un fauteuil de la salle d'attente du professeur Astrolabe, fut réveillé par l'assistant de celui-ci car il poussait des cris qui auraient pu alerter le quartier.

— Réveillez-vous, monsieur, le professeur vous attend. Seulement, si vous venez à la suite de la petite annonce, sachez que la place est déjà prise.

— Quelle place ? fit Marius en ouvrant les yeux et en jetant un regard d'halluciné.

— Je parle de l'emploi de garçon de laboratoire qui était vacant.

— Très bien ! s'écria Marius-sorti de son cauchemar, mais il ajouta aussitôt : « — Au fond, tant pis. »