En 1891, on imaginait l'avenir de la photographie...
UNE
PROPHETIE
LA
PHOTOGRAPHIE
en
1991
Quand
Jules
Verne,
préconisant
la
navigation
sous-marine,
publia
ses
Vingt mille
lieues sous
les mers,
on
fut
unanime
pour
admirer
l'ingénieuse
conception
du
savant
romancier,
mais
l'idée
fut
taxée
d'utopie,
et
l'on
se
rappelle
que
la
science,
qui
se
dit
sérieuse,
réfuta
doctement
et
déclara
l'idée,
scientifiquement,
irréalisable.
Nous
savons
aujourd'hui
qu'elle
était possible, même
matériellement,
car
elle
germa,
viy
le
jour
et
à
l'heure
présente
le
problème
de
la
navigation
sous-marine
est
bel
et
bien
résolu
(1).
Qui
nous
dit
que
les
Cinq semaines
en ballon,
par
certaines
idées
premières
ne
serviront
pas,
un
jour,la
cause
de
la
dirigeabilité
des
ballons
;
et
puis,
pourquoi
le
populaire
écrivain
n'émettrait-il
pas
un
beau
malin,
ses
idées
en
matière.,
de
photographie
en
couleurs.
Que
n'a-t-on
écrit
et
discuté
à
propos
de
ce
que
nous
appelons
la
pierre
philosophale
en
photographie.
La
Photographie
en
couleurs
est-elle
réalisable
?
Hippocrate
dit
oui,
mais
Gallien
dit
non.
Nous
n'avons
pas
qualité
pour
intervenir
dans
le
débat,
mais
nous
estimons
que
le
siècle
du
téléphone
ne
peut
s'éteindre
sans
ajouter
ce
nouveau
fleuron
à
sa
couronne.
Dans
tous
les
cas,
au
mois
de
juillet
1991,
pour
parler
comme
Mathieu
Landsberg,
la
question
sera
résolue
depuis
longtemps,
et
nos
arrière-neveux
auront
pour
nos
faibles
moyens
actuels,
l'indulgente
pitié
que
nous
ressentons
pour
les
soporifiques
«pataches
»
de
nos
pères.
Evidemment
en
l'an
de
grâce
1991,
le
métier
de
photographe,
qui,
déjà
maintenant,
ne
vaut
plus
que
de
loin
l'élevage
des
lapins,
n'aura
plus
absolument
de
raison
d'être.
La
photographie
fera
partie
de
l'éducation
de
future
humanité,
et
depuis
le
premier
jusqu'au
dernier,
chacun
s'en
servira
pour
les
besoins
les
plus
usuels.
Evidemment,
il
serait
téméraire
de
vouloir
évoquer
le
degré
de
perfectionnement
auquel
sera
porté
alors
l'outillage
photographique,
et
les
meilleurs
instruments
en
usage
à
l'heure
présente
ne
constitueront
plus
que
d'ignobles
rossignols
que
nos
petits
neveux
retrouveront
dûment
catalogués
dans
quelque
arrière
salle
du
Musée
de
Cluny.
Dans
cent
ans,
au
jour
de
l'an,
et
par
câble,
on
échangera
sa
photographie
avec
celle
d'un
ami
fixé
dans
le
voisinage
du
lac
Tanganika
;
ou
bien,
les
pieds
sur
les
chenets,
on
assistera
à
l'audition
d'un
opéra
chanté
à
San-Francisco,
tout
en
observant
sur
un
écran
la
physionomie
de
la
salle,
le
tout
transmis
par
photogramme.
(Est-ce
un
néologisme
?).
Nécessairement
les
procédés
de
reproduction
d'après
cliché
photographique
auront
atteint
le
summum
de
la
perfection,
de
la
célérité
et
du
bon
marché
;
aussi,
dans
les
journaux,
la
majeure
partie
des
compte-rendus
sera
remplacée
par
la
reproduction
visuelle
des
événements
arrivés
dans
le
monde
entier,
et
qui
arriveront
régulièrement
avant
l'heure
de
la
mise
sous
presse.
La
quatrième
page
des
journaux
sera
un
véritable
album
à
portraits,
où
les
sujets
des
deux
sexes,
confiants
en
leur
mine
avantageuse,
s'offriront
au
choix
des
bourgeois.
«
Géraudel
»
jeune,
en
guise
d'attestations
parlantes,
y
publiera
quelques
portraits
en
partie
double,
figurant,
le
premier,
un
malade
hâve
et
décharné,
prêt
à
paraître
devant
son
créateur;
en
regard,
le
même
individu,
gros,
joufflu,
d'une
santé
insolente,
cette
dernière
vue
prise
à
l'absorption
de
la
cinquième
pilule
Géraudel
fils
et
sucesseur.
On
y
relèvera
des
annonces
dans
le
goût
de
celle-ci
:
«
Fille
de
campagne,
lait
abondant
(voir
portrait)
demande
place.
S'adresser
à
la
Société
anonyme des
biberons de
famille,
et
le
lecteur
à
la
vue
de
la
plantureuse
«
nounou
»,
ne
pourra
que
regretter
d'avoir
dépassé
l'âge
de
ce
genre
de....
consommation.
Plus
loin
une
annonce
ainsi
conçue
:
«
Industriel
prendrait
associé
pour
donner
de
l'extension
à
affaires
très
prospères.
(Voir
bilan).
»
En
regard
on
admirera
la
reproduction
de
la
page
du
bilan
accusant
des
bénéfices
mirifiques.
De
temps
à
autre,
dame
Justice
vulgarisera
de
cette
façon
la
physionomie
d'un
caissier
parti
en
Villégiature,
sans
laisser
d'adresse
exacte.
Dans
le
domaine
scientifique,
quels
merveilleux
résultats
n'obtiendra-t-on
pas
grâce
à
l'emploi
des
appareils
perfectionnés
qu'on
construira
à
cette
époque.
Nous
savons
aujourd'hui,
nos
savants
astronomes
nous
l'assurent,
que
les
planètes
sont
habitées
;
dans
cent
ans,
on
s'en
sera
assuré
depuis
longtemps.
(2)
Des
instantographes
forme
torpille,
seront
lancés
vers
Saturne
et
Junon,
et
retomberont
comme
de
vulgaires
bilboquets
recelant
de
fort
intéressantes
photographies
prises
dans
ces
régions
éthérées.
C'est
vers
cette
époque
que
surgira
un
inventeur
qui
se
chargera
du
mot
de
la
fin.
Celui-ci
imaginera
notamment
un
appareil
qu'il
ne
s'agira
plus
que
de
remonter
et
lequel,
automatiquement,
prendra
les
vues....
qui
lui
paraîtront
intéressantes,
qui
les
développera,
les
fixera
et
en
tirera
un
certain
nombre
d'épreuves,
et
ces
dernières
s'échapperont
de
l'appareil
virées
et...
retouchées
si
besoin.
(3)
Ce
sera
l'âge
d'or
de
la
photographie
et
des
perfectionnements
ultérieurs
ne
seront
plus
que
très
hypothétiques.
Après
tout,
qui
sait.
(4)
LÉONO,
« La Photographie en 1991 », in Les
Annales photographiques : journal populaire de photographie illustré,
n° 29, juillet 1891
(1)
Nos lecteurs ont tous, présentes à l'esprit, les expériences du
Goubet, bateau sous-marin qui porte le nom de son inventeur,
et connaissent l'admiration unanime de notre corps maritime pour ce
merveilleux petit navire. (NDLR)
(2)
Ce jour-là, le prix de 100.000 francs que Mme Ve G. de Pau, vient de
mettre à la disposition de l'Institut pour récompenser l'inventeur
du moyen le plus commode pour converser avec les astres, aura enfin
trouvé son emploi.
(3)
Une légère modification de l'appareil d'Enjalbert et le tour sera
joué (NDLR).
(4)
Hélios belge.
Illustration (qui n'a rien à voir avec le texte!), Marius Larique, La Photo qui parle, collection Progrès, éditions Rouff, sans date.