Georges Méliès s'inspire souvent du monde de la magie et des automates. Le seul élément conjectural de la fantaisie L'Omnibus des toqués est la présence d'un cheval mécanique au début du film. Ensuite vient la sarabande des Noirs et des Blancs changeant constamment de couleur grâce aux trucages mis au point par Méliès.
ISSN
ISSN 2496-9346
samedi 31 janvier 2015
jeudi 29 janvier 2015
Construisez votre autorail vintage
Le Journal de Toto, publication pour la jeunesse, proposait des activités pour les enfants. Voici l'autorail à découper et à assembler (vers 1937) !
mercredi 28 janvier 2015
A propos de deux livres d'anticipation allemands de 1895
L'anticipation ancienne n'est pas l’apanage du domaine francophone. En 1895, la revue La Bibliothèque universelle s'intéresse à deux parutions récentes en allemand. les thèmes sont bien proches de ce qui existe au Royaume-Uni comme en France. Et l'on mesure les différences entre les deux textes présentés tant en terme d'idéologie (sous-ajacente ou non) que de traitement du thème de l'avenir.
Chronique
allemande
Depuis
que le fantastique ouvrage de Bellamy Coup d'œil sur l'an deux mille,
a fait le tour du monde, les livres dévoilant l'avenir de l'humanité
sont à la mode. Il en a paru récemment deux en Allemagne Aria,
de M. Henne am Rhyn, déjà connu par ses travaux sur l'histoire de
la civilisation, et Enlevé
dans l'avenir,
une nouvelle tentative de M. Th. Hertzka pour présenter, sous forme
de roman, le tableau du Freiland, l'organisation sociale qu'il
préconise.
Le
premier de ces romans trace l'histoire de plusieurs générations
d'une même famille à travers le vingtième siècle. Le
développement politique et social de l'époque sert de toile de fond
à cette idylle. L'Aria
diffère de tant d'autres prophéties en ce qu'elle ne nous raconte
pas le triomphe des idées socialistes. Là où ce mouvement a obtenu
des succès éphémères, il a été écrasé par la force des armes.
En Allemagne, on lui a sagement coupé l'herbe sous les pieds grâce
à une refonte du système électoral, basée sur les groupements et
syndicats professionnels. Cette organisation a aplani les voies à
toutes les réformes désirables, qui se sont accomplies alors
pacifiquement. Le « parti allemand du sauvetage, » auquel on a dû
cette heureuse évolution, fonde également une grande association
pour faire aboutir l'empire arien, qui doit réunir « tous les
peuples dont la civilisation est issue de la fusion de l'antiquité
classique avec le christianisme primitif. » La mission de ces
peuples est évidemment de faire aboutir dans le monde entier les
réformes religieuses, sociales et politiques. Cette grande pensée
se réalisa enfin à Noël 1916, à la suite du congrès de
Stuttgart. Tous les états de l'Europe se fédérèrent. A Vienne,
devenue capitale du monde occidental, le « sénat européen » siège
tous les trois ans. Après une crise intérieure assez intense, le
catholicisme accepte une réforme profonde, tandis que le
protestantisme se constitue en une « église libre » sur une base
unitaire. Ainsi pacifié et rajeuni, l'Occident peut se vouer à sa
grande tâche, l'expulsion des Turcs hors d'Europe et la civilisation
de l'Orient. En 1941, la croix du Christ remplace enfin le croissant
sur les hautes tours de Sainte-Sophie. Un congrès se réunit à
Constantinople « sous la présidence de l'ambassadeur allemand, M.
de Bennigsen II, » pour régler les questions territoriales ouvertes
par la chute de l'empire ottoman.
Mais
tout danger n'est pas écarté. La magnifique floraison que la paix
universelle procure au monde est encore menacée par plusieurs
périls. D'abord, la mauvaise semence jetée au dix-neuvième siècle
dans les esprits par le philosophe Nietzsche a poussé avec abondance
dans les pays de race latine. Un « superhomme, » d'origine arabe,
César Borgia, s'est emparé de l'Italie et l'a courbée sous son
joug. Son règne n'est heureusement pas de longue durée. Des
courants réactionnaires qui ont surgi en France et en Allemagne
peuvent être surmontés, si bien qu'au moment où se ferme le livre,
en 1994, l'avenir est sans nuages.
Une
foule de détails vaudraient d'être relevés dans cette rapide
esquisse du siècle prochain. Ainsi nous apprenons qu'en 1916, après
une effroyable panique dans une arène, les courses de taureaux ont
été abolies en Espagne. Au concile de Milan (1926) le pape libéral
Clément XV se réconcilie avec le roi d'Italie, met les jésuites
hors d'état de nuire, efface les dogmes de l'infaillibilité et de
l'immaculée conception, et lance un bref pour protéger les petits
oiseaux d'Italie contre ceux qui les mettent en brochette pour les
manger à la polenta. En Allemagne, la civilisation et les arts ont
fait des progrès admirables. Au Stadttheater de Leipzig les
voyageurs peuvent applaudir un drame gigantesque en sept actes, de
Dankmar Wuchty, intitulé La grandeur et la chute du prince Bismarck,
à moins qu'ils ne préfèrent contempler une féerie d'une fantaisie
idéale et débordante la Paix éternelle, d'Orfried Eginhard. Munich
« n'est plus la métropole de la bière, mais elle est, plus et
mieux encore qu'aux jours troublés du dix-neuvième siècle, la
métropole des arts. » On admire dans les jardins publics de la
capitale bavaroise, où se donnent de superbes concerts, la sobriété
de ses habitants, qui boivent de préférence du lait et de la
limonade et ont recouvré la sveltesse originelle.
Ce
mélange de grandes choses et de détails qui veulent être plaisants
choque un peu le goût et enlève au livre quelque chose de la portée
à laquelle il prétend sans doute. L'auteur manque de l'envolée et
de la fantaisie nécessaires pour s'élever aux sommets qu'il s'est
proposés. Il a décidément le souffle un peu court.
Ce
n'est pas ce qu'on reprochera à M. Hertzka. L'échec de l'expédition
qu'il a organisée dans le centre de l'Afrique pour y mettre en
pratique son système de Freiland n'a point abattu sa foi. En 2093,
en effet, c'est la date où est transporté le héros de son roman,
la terre entière est devenue Freiland. Elle est peuplée de trois
milliards et demi d'hommes libres, riches et heureux. L'humanité a
repris son domicile naturel: les zones tropicales et subtropicales.
Les pays du nord de l'Europe servent seulement aux séjours d'été,
et le canal des deux mers, aux yachts, qui viennent y chercher la
fraicheur. Paris n'est plus guère le séjour que de quelques pâtres.
La Sicile, – toute la Sicile, – est devenue la capitale du monde.
Elle compte cinquante-six millions d'habitants, trente-cinq
universités, trois mille six cents écoles secondaires, neuf mille
institutions scientifiques variées, deux mille théâtres, etc.
L'Afrique centrale est l'inépuisable grenier de l'humanité et
produit des céréales en suffisance pour toute la planète. Grâce
aux progrès merveilleux des sciences, l'homme est arrivé à
asservir presque toutes les forces de la nature. Les travaux
désagréables ou déplaisants sont expédiés par des machines,
comme dans l'Icarie de Cabet. Grâce à l'assainissement bien compris
de la surface terrestre, on a supprimé la plupart des maladies qui
décimaient jadis l'humanité. On use du magnétisme terrestre pour
produire une lumière artificielle devant laquelle nos lampes
électriques perfectionnées paraissent de fumeux quinquets. Et le
même magnétisme terrestre sert à l'homme pour combattre et vaincre
l'attraction de la terre et les lois de la pesanteur. On porte des
habits ailés qui permettent de se mouvoir dans les airs avec une
rapidité vertigineuse. Les « gâodromes » transportent par un
procédé analogue des foules entières et d'innombrables tonnes de
marchandises ainsi, le héros du livre en use pour se rendre en un
après-midi de Paris à Syracuse en passant au-dessus de la Riviera
et de Naples. M. Hertzka va sur les brisées de Jules Verne, car il
fait partir neuf gâodromes pour la lune; ils y arrivent, mais, au
moment où le livre se ferme, ils n'ont pu encore revenir,
probablement à cause de l'influence en sens opposé du magnétisme
lunaire. Les passagers font à notre planète des signaux optiques.
Aux dernières nouvelles une seconde expédition, de vingt gâodromes,
s'organise; on ne doute pas qu'elle n'ait un plein succès et ne
puisse, cette fois, vaincre le magnétisme impertinent de l'astre des
nuits.
Tout
cela est gaiement raconté et amusera fort nos arrière-neveux si
jamais, aux dates indiquées, le livre de M. Hertzka tombe sous leurs
yeux. Mais sauront-ils nous lire encore ? Et notre papier de pâte de
bois durera-t-il jusqu'à eux ? Les chimistes en doutent, et je n'en
sais rien.
« Chronique
allemande », in Bibliothèque
universelle,
1895.
Libellés :
Archéologie textuelle (essais et critiques)
mardi 27 janvier 2015
En 1912, l'hiver sera précoce (aviation, anticipation)
Caricature parue en 1909 et annonçant le triomphe de l'aéroplane, En 1912 a été publiée au départ dans Life, New York avant d'être reprise notamment dans le volume L'Aviation triomphant (éditions Librairie aéronautique, 1910).
lundi 26 janvier 2015
Enigme du lundi #4 : qu'est-ce que c'est?
Libellés :
Archéologie en image,
Enigme du lundi
samedi 24 janvier 2015
[film] Georges Méliès, La Lune à un mètre (1898)
Le génial Georges Méliès a réalisé de nombreux films de science-fiction. Il a imaginé des effets spéciaux, créant véritablement le cinéma de fiction utilisant ces effets pour créer un monde imaginaire et poétique.
La Lune à un mètre (le rêve de l'astronome en anglais) date de 1898. On y voit un astronome qui a toutes les caractéristiques de l'enchanteur-astrologue. Le film appartient au domaine de la fantaisie : l'astronome voit apparaître différents personnages relevant du conte (diablotin,...), anime les éléments célestes et ne peut rien contre la Lune qui dévore ses instruments d'observation puis l'emmène dans une sarabande, le démembre avant de le rendre à son laboratoire.
Voir les autres films de Georges Méliès sur ArchéoSF.
Libellés :
Archéologie en image,
film muet,
Georges Méliès,
SF
vendredi 23 janvier 2015
[Parution] Albert Robida, Jadis chez aujourd'hui (versions 1 et 2)
Aujourd'hui paraît en numérique dans la collection ArchéoSF aux éditions Publie.net Jadis chez aujourd'hui d'Albert Robida.
Pour la première sont réunies les deux versions (celle de 1890 et celle de 1892) de ce voyage temporel qui bouscule le sens habituel car le savant à l'origine de ce déplacement emmène le passé dans le présent. Albert Robida fait preuve d'une grande fantaisie en décrivant l'étonnement du roi Louis XIV et de sa cour débarquant soudainement dans le Paris de 1889.
L'édition comprend les superbes illustrations d'Albert Robida réalisées pour le première édition.
Albert Robida, Jadis chez aujourd'hui, collection ArchéoSF, éditions Publie.net, janvier 2015. 4,99 euros.
Présentation du texte
Version de 1890
Version de 1892
Illustrations d'Albert Robida
Couverture et codage par Roxane Lecomte
Jadis chez aujourd'hui est disponible sur le site de l'éditeur.
Jadis chez aujourd'hui est disponible sur le site de l'éditeur.
jeudi 22 janvier 2015
[Parution] Ferdynand Ossendowski, Le Brig "Le Terreur" suivi de La Lutte à venir
Lingva informe:
Jeu sur la page Facebook de Lingva et annonce de la parution d'un nouveau volume de SF ancienne.
Et c'est parti. Vous avez jusqu'au 23 janvier, 12h, pour cliquer sur "j'aime", partager cette image, et gagner après tirage au sort, un exemplaire du "Brig 'Le Terreur'".
La parution officielle de livre est fixée au 30 janvier.
Ferdynand Ossendowski, "Le Brig 'Le Terreur', suivi de La Lutte à venir".
124 pages, format 15x21cm, ISBN 9791094441060, 20,5€.
«Maintenant, l’humanité et moi allons nous livrer à un dernier combat, à mort. Le commandant du brig ‘le Terreur’ lui a déclaré la guerre !...»
Il siffla brusquement, et les flambeaux s’éteignirent aussitôt. Seuls les voiles et les mâts du brig, qui ressemblait à un horrible et gigantesque fantôme, se profilaient dans les épaisses ténèbres. Des gens invisibles enlevèrent sans bruit les crocs qui le maintenait au «Griffon», et léger comme une vision, noir et sans feux, le voilier s’élança rapidement...
On le sait peu de nos jours, mais avant de fuir l’URSS naissante, Ferdynand Ossendowski fut un écrivain de langue russe, auteur d’une poignée de récits d’aventure et d’anticipation, dans la lignée de Jules Verne et d’Herbert George Wells. Démocrate, féministe et progressiste, il était l’ardent partisan d’une science au service de tous, et non d’une poignée d’aristocrates et de nantis.
A lire sur ArchéoSF:
Vladimir Odoievski, La Cité sans nom et Mikhaïl Artsybachev, Sous le Soleil (1924), Editions Lingva, 2014
mardi 20 janvier 2015
Mac Al Horeah et la maison électrique (1931)
Mac Al Horeah est une série de récits sous bande publiée dans Ric et Rac (avec copyright Opera Mundi). Quelques épisodes peuvent être conjecturaux. Voici l'épisode 46 dans lequel notre héros est confronté aux difficultés du progrès moderne.
Ric et Rac, n° 97, 17 janvier 1931.
Source Gallica
lundi 19 janvier 2015
Enigme du lundi #3 : à quoi sert ce "costume"?
samedi 17 janvier 2015
Un examen en 2893
L'anticipation sert souvent à se moquer des travers des contemporains. Dans la petite blague qui suit, c'est le scandale de Panama qui est visé.
Un
examen
en
2893
:
—
Voudriez-vous
me
citer
les
principaux
isthmes
percés
pendant
le
dix-neuvième
siècle
?
—
L'isthme
de
Suez...
—
Bien.
—
L'isthme
de
Panama.
— En
êtes-vous
bien
sûr?
—
Oui,
monsieur;
il
fut
percé
à
jour
!
Journal du Dimanche, 20 août 1893.
vendredi 16 janvier 2015
[Nouveauté] Poétiques du merveilleux. Fantastique, science-fiction, fantasy en littérature et dans les arts visuels (2015)
Le volume Poétiques du merveilleux. Fantastique, science-fiction, fantasy en littérature et dans les arts visuels dirigé par Anne Besson et Evelyne Jacquelin vient de paraître aux éditions Artois Presses Universités.
La présentation de l'éditeur indique:
Réunir sous le signe du merveilleux les domaines du fantastique, de la science-fiction et de la fantasy ne va pas de soi si l’on se réfère aux théories établies qui ont d’abord cherché à saisir la spécificité de chacun d’entre eux en tentant de les circonscrire comme des territoires limités par des frontières. Cet ouvrage se propose de revenir sur les poétiques des genres de l’imaginaire pour mettre en lumière la porosité des catégories héritées, et notamment de la célèbre tripartition todorovienne entre merveilleux, fantastique et étrange. Les articles réunis repèrent avec une grande cohérence cette plasticité théorique contemporaine, qui s’impose à eux dans des corpus diversifiés, du roman post-moderne à la littérature pour la jeunesse en passant par le cinéma et les séries télévisées.La table des matières nous montre l'intérêt porté aux textes anciens dans cet ouvrage avec notamment dans le domaine de la SF ancienne Le Docteur Lerne de Maurice Renard avec l'article "L’hybride : merveilleux et scientifique dans Le Docteur Lerne de Maurice Renard" signé par Hugues Chabot et Jérôme Goffette ou Descent to Hell de Charles Williams pour le domaine de la Fantasy avec Deborah Bridle-Surprenant qui publie "« A terrible good » : la poétique du surnaturel et du mysticisme dans Descent Into Hell (1937) de Charles Williams".
Anne Besson et Evelyne Jacquelin, Poétiques du merveilleux. Fantastique, science-fiction, fantasy en littérature et dans les arts visuels, Artois Presses Universités, 2015.
A lire:
Présentation de l'ouvrage sur le site de l'Université d'Artois
mercredi 14 janvier 2015
Robot, l'homme mécanique, spectacle d'art et d'anticipation scientifique (1937)
Cette publicité parue dans trois numéros de Rouge-Midi en février-mars 1937 annonce pour la grande kermesse de St-Charles un spectacle sur le thème du robot. Malgré les recherches effectuées, aucune autre information n'a pu être trouvée...
Source: Gallica
Que sera l'homme de l'an 5000 ? (1937)
Que
sera
l'homme
de
l'an
5000
? - Le
physiologiste
anglais
Barker
établit
que,
vers
l'an
5000,
l'homme
sera
devenu
un
être
répugnant.
Ce
savant
a
calculé
qu'à
cette
époque
qui n'est
plus
bien
éloignée,
l'homme
n'aura
plus de
cheveux.
Et
la
raison?
C'est,
dit
M
Barker,
que
le
port
continuel
du
chapeau
les
aura rendus
inutiles
et
qu'ils
seront
tombés.
Les dents
elles-mêmes
auront
disparu
l'homme
futur,
selon
M.
Barker,
n'aura
plus
de dents,
parce
qu'il
n'en
aura
plus
besoin
parce
que
sa
nourriture
sera
préparée
chimiquement
et
qu'il
n'y
aura
plus
nécessité
de
la mâcher.
Déjà
75
% des
écoliers
anglais
ont
des
dents
défectueuses
et,
en
l'an
3000,
ce
pourcentage sera
absolu,
soit
de
100
%. Et
ce qui
concerne
la
vue,
tout
le
monde
portera
des lunettes.
Une
autre
surprise
que
nous
réserve M.
Barker
est
relative
aux
doigts
de
pied. Selon
ses
calculs,
l'homme
de
l'an
5000
n'aura plus
qu'un
orteil,
à
quoi
l'aura
réduit
l'usage de
la
chaussure
moderne
qui
fait
peser
tout le
poids
du
corps
sur
le
seul
gros
orteil
qui se
développe
monstrueusement,
aux
dépens
des
autres
doigts,
destinés
à
disparaître.
Les
ongles aussi
seront
éliminés,
comme
superflus.
Donc,
selon
M.
Barker,
l'homme
de
l'an
5000
sera esthétiquement
un
être
répugnant,
sans
dents, sans
cheveux,
sans
ongles,
avec
un
seul doigt
au
pied.
Nos
arrière-neveux
pourront
avec
raison
nous considérer
comme
des
Adonis.
Journal des débats politiques et littéraires, n° 229, 20 août 1937
A lire sur ArchéoSF:
Libellés :
Archéologie scientifique et technique
mardi 13 janvier 2015
New-York en 1950 (dessin datant de 1930)
lundi 12 janvier 2015
Enigme du lundi #2 : que fait cet homme ?
jeudi 8 janvier 2015
Critique de « l'avenir » de Victor Hugo (1867)
Critique
de « l'avenir »
de Victor Hugo (1867)
Comme
nos lecteurs le savent, le grand ouvrage Paris-Guide qui
paraît aujourd'hui à la librairie internationale devait être
précédé d'une introduction de Victor Hugo.
Nous
apprenons que les éditeurs ont réservé au public une surprise
magnifique. Au lieu de quelques pages, le travail de Victor Hugo
forme la moitié d'un petit volume.— Cette introduction est devenue
un manifeste. C'est le Paris de la paix et de la liberté qu'évoque
Victor Hugo. Il donne l’affiliation de cette grande capitale et
nous la montre dans ses successives transformations puis, se
dégageant du passé et du présent, le grand poète entr'ouvre
l'avenir. C'est Paris, c'est l'Europe au vingtième siècle qu'il
fait apparaître.
Merveilleux
mirage ! Les temps des luttes homicides sont passés ; les frontières
des peuples rivaux et jaloux se sont abaissées, la fraternité trône
avec la liberté, sa sœur ,parmi les nations,émules pacifiques ; le
progrès a repris sa marche, et l'industrie a trouvé son essor
magnifique au sein de cette concorde des races. C'est alors que Paris
occupe sa place véritable dans ce courant unanime de la
civilisation. Il faut lire ce tableau superbe du Paris de l'avenir,
opposé du Paris du passé, il faut entendre cet appel du génie à
toutes les nobles passions de l'homme ; sous le coup de cette vision
de l'idéal, on se sent meilleur et grandi. On est transporté hors
des luttes mesquines et des petitesses du présent :!
Paris
Guide ne pouvait avoir un plus beau préambule, et ce seul
travail assurerait au livre, s'il en était besoin, un succès plus
universel.
Voici
les divisions de ce travail de Victor Hugo:
I
.L'avenir.—II .Le passé.—III .Suprématie de Paris.—IV.
Fonction de Paris. —V. Déclaration de paix.
Courrier
de la Drôme et de l'Ardèche, 29 mai 1867
Le texte "L'Avenir" est disponible dans l'anthologie Paris Futurs, collection ArchéoSF, éditions publie.net en version numérique et version papier.
Libellés :
Archéologie textuelle (essais et critiques)
mercredi 7 janvier 2015
Renée Dunan, Triple caresse (1922) : extrait
Renée Dunan est une personnalité qui fascine. Ecrivain, journaliste, critique,... ses talents sont multiples et ses positions souvent provocantes.
L'infatigable Fabrice Mundzik après avoir lancé un blog consacré à JH Rosny nous propose depuis le début 2015 un nouveau blog sur Renée Dunan. Articles d'époque, bibliographie, actualité de Renée Dunan sont au programme.
ArchéoSF profite de ce moment "Dunanien" pour reproduire un extrait de Triple caresse publié en 1922 dans L'Homme libre. Il y est question de révolution future et d'armes secrètes... Serait-ce le Grand Soir? Le site consacré à Renée Dunan présente longuement La Triple caresse.
La
Triple caresse
La
Triple caresse (Albert Michel, éd.-)
de Mme Dunan, contrairement à ce qu'on pourrait
penser, est l'histoire d'un homme, vaincu par les mille mesquineries
de la vie provinciale, qui vient à Paris, s'y débat,
sombre parfois, participe à-une révolution, y devient
à la fois hors la loi par le pouvoir établi et par le pouvoir
révolutionnaire, accède enfin dans l'ironie
fatale de choses humaines au premier rang de l'Etat. Les trois
caresses sont : l'amour, la puissance; l'argent. Voici
un extrait du livre où l'auteur décrit une révolution :
Paris
était fébrile durant ces événements. Les trois cent mille soldats
qui avaient été amenés à proximité de la capitale durent être
envoyés dans les villes révoltées. L'on donna ordre de faire
revenir d'Algérie cent mille hommes, dont des mouvements
séparatistes antérieurs avaient nécessité l'envoi.
C'est
alors qu'eut lieu un étrange événement : le président du Conseil
des Ministres d'Italie, Grealli, prononça un grand discours où il
disait :. « L'heure est enfin venue de libérer nos frères
tunisiens. L'heure est proche où l'oeuvre de l'Unité Italienne doit
s'accomplir. Vive Bizerte italienne ! Notre primauté
méditerranéenne s'affirmera bientôt. La Rive d'Azur est une annexe
de notre immortelle Gênes. »
Lorsque
cette sortie fut affichée à Paris, on crut que le peuple oublierait
dans la menace-étrangère ses dissensions et ses colères. C'est
alors que le gouvernement de la République connut qu'il avait
irrémédiablement séparé la nation de ses maîtres. Le discours de
Grealli passa au milieu des soucis quotidiens comme un événement
sans. importance et l'idée d'une mobilisation qui hantait le
Président de la République dut être abandonnée.
Il
y eut dès lors, des collisions à Lille et à Saint-Etienne et
encore des exécutions à Lyon. Les gouvernements étrangers
envoyèrent chacun deux mille soldats pour la garde des ambassades.
Cette
fois, Paris prit' la tête du mouvement de révolte. Les rancunes les
plus lointaines, les colères de la Commune, des irritations
accumulées durant tant de premiers mai où les dragons avaient
chargé la foule, tant de vieux levains fermentèrent. On vit des
gens, jusque- là inoffensifs, se livrer à des manifestations
violentes. Chaque nuit, il y eut plusieurs agents de police
assassinés et tous les grands magasins fermèrent.
L'état
de siège fut décrété. Durant une orageuse réunion du Conseil des
Ministres, le Président de la République avait dit que s'il le
fallait il exécuterait un million d'hommes, mais que la Révolution
n'aurait pas le dernier mot. Tous les ministres démissionnèrent,
sauf Jacques Altmay, ministre de la Guerre, et Henri Plégrin, qui
régnait sur les Postes et Télégraphes, tous, deux socialistes. Une
sorte de dictature fut créée ; le général Mantrelas donna sa
parole que si tous les moyens lui étaient confiés sans réserves,
il materait le peuple.
Ce
furent des heures étranges et mélancoliques. Les rues de Paris
étaient suivies sans cesse par des bandes ardentes et coléreuses de
désœuvrés, de grévistes et de lock-outés qui cherchaient à
répandre le trop-plein de leur folie.
Des
incidents surgissaient partout, presque toujours accompagnés de mort
d'homme, et nul ne savait même pourquoi on avait tué. Une
irritation pathologique tenait le peuple. On remarqua qu'il devenait
insensible aux privations. Des milliers de malheureux ne songeaient
plus à eux-mêmes, ils retrouvaient la démence mystique des
premiers chrétiens.
Pourtant,
il en fut de cela comme de l'agonie d'un homme, elle dure toujours
plus longtemps qu'on ne se figurait. De même cet état morbide se
prolongea un mois entier. Le général Mantrelas eut donc le temps de
prendre toutes les mesures qui lui semblèrent propices. Il hâta
sans le savoir l'explosion finale.
On
avait organisé un système de roulement régulier des troupes. Sept
cent cinquante mille hommes sous les armes devaient pouvoir assurer
le maintien de « l'ordre ». Quatre armées de soixante mille hommes
chacune étaient cantonnées en quatre points stratégiques choisis
de façon à pouvoir se rendre très vite en n'importe quel lieu
révolté. Cent soixante mille hommes circulaient entre les villes
menacées par la révolte. Aucun régiment l'y séjournait plus de
cinq jours. Les trois cent cinquante mille hommes de supplément
étaient massés sur-la frontière italienne et allemande.
Toutes
les villes de trente, mille habitants étaient nanties d'une Cour
Martiale et les grandes cités s'en voyaient offrir de quatre à
douze (Paris).
Les
précautions de Mantrelas acquises, on crut l'heure venue de recourir
à la manière forte, et le même jour cinq cents révolutionnaires
-étaient incarcérés. Il y avait eu douze cents mandats, mais,
malgré l'organisation militaire de Paris, qui passait pour
admirable, cinquante commissaires occasionnels disparurent en allant
effectuer les gestations. Nul ne put dire où ils avaient été
emmenés. On sut seulement que la presque totalité de deux
arrondissements, le dix-neuvième et la vingtième, étaient déjà
aux mains de la révolte. Les cinq bataillons de coloniaux qui les
occupaient fraternisaient avec la population et la plupart des
officiers semblaient disparus.
On
pensa en haut lieu que les révolutionnaires avaient aménagé une
prison. Cependant, les cinq cents arrêtés étaient une bonne prise.
Le même jour, le général Mantrelas était tué en sortant du
Ministère de la Guerre, par un inconnu qui avait tiré une bande
entière de mitrailleuse sur la voiture du ministre, d'un balcon
proche. L'assassin s'enfuit. La mitrailleuse était restée sur le
balcon.
A
cinq heures, un énorme incendie se déclarait subitement au
Ministère de l'Intérieur, causé par des bombes incendiaires pour
avions qui avaient été portées là on ne sut par qui.
A
sept heures, le groupe A. L. (Anarchie Libératrice) hissait le
drapeau noir sur la mairie du vingtième arrondissement et déclarait
prendre en charge le gouvernement de ce coin de Paris. Lorsque la
nuit vint une angoisse nouvelle pesait sur la capitale déjà
désertée par ses riches et ses gros négociants. Le peuple
prétendait être le maître, mais comment se conduirait l'armée ?
Les
rues devinrent une série de camps retranchés, mais les patrouilles
ni les postes ne pouvaient agir dans toutes les voies de capitale et
pour la première fois le gouvernement s'aperçut qu'il avait contre
lui autre chose que des bandes d'énergumènes. Une sorte de
commandement, aussi informé et soutenu que le vrai, agissait
visiblement dans l'ombre. A proximité de postes, des incidents se
produisirent régulièrement, suivis d'une sortie du poste et de sa
destruction immédiate. Des mitrailleuses du nouveau système
ultra-rapide, des fusils électriques utilisant la force centrifuge
et dont on ne pouvait repérer les emplacements étaient aux mains
des révolutionnaires sans qu'on pût deviner leur origine, ces armes
étant secrètes et les stocks contrôlés.
La
nuit tomba ce soir-là dans l'épouvantement. Le gouvernement
accusait plusieurs centaines de morts, la désertion de milliers
d'hommes et la révolte d'un régiment nègre qui, accueilli par le
tir en enfilade de quatre mitrailleuses dans l'avenue de Neuilly,
s'était débandé après avoir tué ses officiers.
Au
général Mantrelas, le Président de la République succéda. Il
supprima le Conseil des Ministres et se déclara dictateur. Des
ordres d'une cruauté asiatique furent donnés. On devait fusiller au
matin les cinq cents révolutionnaires arrêtés. En même temps, on
tenta un regroupement des troupes. Tous les petits postes et les
patrouilles furent ramenés dans le centre.
On
reconquerrait Paris maison à maison s'il le fallait.
Mais
au jour, la prison de la Santé, où étaient les révolutionnaires
incarcérés, fut prise d'assaut. Des barricades avaient rendu
impossible la venue des secours à temps. Pourtant, avant leur
délivrance, plusieurs détenus furent exécutée par un gardien
chef, tué lui-même plus tard, et qui avait été mandaté pour ces
actes comme il fut prouvé par un pli secret trouvé sur son cadavre.
Une série de combats violents s'engagèrent dès la venue des
troupes régulières au secours des postes de garde de la prison qui
furent d'ailleurs exterminés. La lutte mit en présence des
outillages militaires équivalents et la peur régna en haut lieu. A
midi, on disait que le pouvoir consentait à traiter. Dès une heure,
toutefois, il procédait au regroupement des régiments fidèles et
une sorte d'armistice, dont nul ne savait par qui, au nom de qui, et
à quelles conditions il avait pu être sigillé, régna jusqu'au
soir.
Le
gouvernement très habile, avait donné l'ordre à trois armées de
venir sans délai, l'une de Bourges, l'autre d'Amiens, la troisième
de Thouàrs. Il comptait que ces cent quatre-vingt mille hommes
commenceraient dès le soir à arriver. Il n'avait pas abandonné
l'idée de reprendre Paris rue à rue en fusillant, s'il le fallait,
lia moitié des habitants, ou en noyant des quartiers entiers d'ans
les gaz asphyxiants.
L'après-midi
fut calme. La main mystérieuse que l'on avait cru sentir dans
l'organisation des révoltes précédentes ne se manifestait plus.
Paris retrouva un semblant de tranquillité. Des gens sortirent pour
voir ce qui se passait. Les cafés étaient bondés et l'on entendit
des orchestres jouer des airs attendrissants, tandis que se préparait
la fin.
Ce
jour-là à quatre heures, le Grand Comité Central Révolutionnaire
était réuni.
L'Homme
libre, n° 2312, 22 novembre 1922
mardi 6 janvier 2015
Phil, Escalier préhistorique (1930)
Après un premier dessin narrant les exploits culinaires de nos lointains ancêtres, en voici un autre toujours signé Phil paru dans Ric et Rac n° 70 daté du 12 juillet 1930.
Dessin sans titre mais avec cette légende: "Au secours ! A moi !... Voila mon escalier qui s'en va !"
Source Gallica
Dessin sans titre mais avec cette légende: "Au secours ! A moi !... Voila mon escalier qui s'en va !"
Source Gallica
Libellés :
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Ric et Rac
lundi 5 janvier 2015
Enigme du lundi #1 : qu'est-ce donc?
Première énigme de 2015 (en principe le rendez-vous sera plus régulier qu'en 2014) avec cet objet. Mais qu'est-ce donc ?
dimanche 4 janvier 2015
Les dimanches de l'abbé Bethléem 23, mai 1910
En
2012, ArchéoSF avait entrepris de dépouiller Romans Revue,
revue de critique dirigée par le rigoriste Abbé Béthléem.
L'aventure s'était poursuivie en 2013. En 2015, nous reprenons cette
exploration avec cette semaine le numéro de mai 1910 (3ème année,
n° 5), très riche concernant la littérature conjecturale, la
littérature jeunesse et la littérature populaire.
Ce
numéro est en effet exceptionnel pour l'amateur de littérature
populaire sous toutes ses formes avec au sommaire une étude de M.
Henry Pilate consacrée aux lectures des enfants (« c'est-à-dire
sur les livres, les revues, les magazines, les albums et les diverses
publications qui leur sont offerts ou destinés. »), puis un
article de P. de Maigremont sur La Semaine de Suzette, une
critique de plusieurs volumes de la collection Modern
Bibliothèque. La partie « Les revues, journaux et
magazines » critique vertement la publication L'Ecole
nouvelle (une revue pédagogique bien trop laïque et
rationaliste pour Romans Revue) et s'attaque au Journal des
Voyages ( article que nous reproduisons intégralement
ci-dessous). Parmi les romans du mois, Gaston Leroux et André Laurie
sont mentionnés. Enfin le Carnet de Romans-Revue traite de
l'actualité de la lutte « contre la presse malsaine » et
parle du cas Karl May.
Le
premier (long) article est le texte d'une conférence donnée par
Henry Pilate sur le thème des « lectures des enfants ».
Il regrette tout d'abord le défaut de lecture des enfants :
Les
Enfants. — La plupart des enfants ne lisent plus ou lisent mal.
La
faute en est à la vie moderne, à certains parents qui, d'aventure,
ne lisent pas plus ou pas mieux que leurs fils et leurs filles ; mais
surtout aux livres eux-mêmes, aux journaux et revues pour la
jeunesse.
La
vie moderne dissipe les facultés de l'enfant. Il s'attache rarement
à une occupation ; il ne sait pas se divertir avec esprit de suite ;
l'effort lui répugne, la persévérance lui est inconnue. Il joue
mal, et il lit encore plus mal parce que la lecture est moins
séduisante que le jeu…
Le
cinématographe est un grand ennemi de la lecture. Il captive la
jeunesse, alors que les projections expliquées ne l'intéressent
plus guère. C'est que le fantastique, qu'il est inutile de chercher
à comprendre, épargne à l'enfant un effort de la pensée pour
suivre le conférencier, un effort des doigts pour feuilleter le
livre de gravures.
Après
le cinéma, c'est le récit sous bande (ancêtre de la bande
dessinée) qui est attaqué :
C'est
une série de dessins accompagnés d'une courte légende et d'images
coloriées et soulignées par trois lignes de texte. Les images et
les dessins sont souvent de déplaisantes caricatures ; le texte
ne vaut pas mieux. Il n'y a là dedans rien qui soit capable de
laisser dans l'âme des enfants un début de formation morale et
artistique dont se dégagera peu à peu leur honnêteté et leur
goût. Ces mêmes bambins qu'on nourrit physiquement des aliments les
plus purs et les mieux stérilisés, n'ont pour le coeur et pour
l'esprit qu'un aliment à peu près grossier.
Et
si Henry Pilate reconnaît les mérites de Benjamin Rabier, Caran
d'Ache ou Forain, il indique que la caricature échappe trop souvent
aux enfants et que par la même ne leur est guère utile.
L'article
suivant, signé P. de Maigremont, a pour titre « La Semaine de
Suzette ». Ce périodique pour la jeunesse crée en 1905
reçoit les éloges de la rédaction :
« par
ses romans honnêtes, ses nouvelles, ses récits d'aventures, jusque
dans ses fictions elles mêmes et les exploits de Bécassine, non
seulement elle développe l'imagination, forme le goût, mais aussi
et surtout, elle laisse des traces durables et fécondes dans l'âme
et dans le coeur de ses jeunes lectrices.
Dans
les nombreuses publications enfantines que nous ayons là sous les
yeux, on se contente de rester neutre. A la Semaine de Suzette on se
déclare franchement pour Dieu et pour la religion catholique. »
La
rubrique consacrée à la presse a pour tâche d'étudier du point de
vue chrétien les périodiques du temps. Le Journal des Voyages
bénéficie d'un longe article :
LE
JOURNAL DES VOYAGES
Pourquoi
le cacher ? Je viens de parcourir l'année 1909 du Journal des
Voyages et mon attente a été bien déçue. J'espérais — ô
candeur ! — y trouver d'amusants récits de voyages, d'instructives
études géographiques, de suggestifs articles sur les us et
coutumes, les croyances, les moeurs des divers
peuples,
d'abondantes reproductions de sites pittoresques et de paysages
enchanteurs. Fiez-vous à votre imagination !
Sans
doute le Journal des Voyages donne dans ses 16 pages hebdomadaires,
bien imprimées sur beau papier, d'attrayantes photographies et
d'agréables lectures. En particulier, son supplément mensuel Sur
Terre et sur Mer avec ses quatre rubriques intitulées : le Mouvement
Géographique, du Sud au Nord, Les Troupes Coloniales, Les Sports
Modernes m'a paru bien rédigé. Mais à côté de ces pages
intéressantes, que de variétés insignifiantes, d'entre-filets sans
intérêt, de légendes farouches, de romans ineptes et puérils !
Et
pas la moindre annonce : ce qui semble indiquer que le Journal des
Voyages compté des légions de lecteurs. Je doute qu'il ait
autant de sympathies dans le public féminin.
Les
nerfs de ses lectrices doivent être soumis en effet à de rudes
épreuves. Les couvertures de magazines se signalent en général par
la mièvrerie et la frivolité de leurs sujets. C'est un reproche que
je n'adresserai certes pas au Journal des Voyages. Les
gravures sur bois ou les compositions en couleurs qu'il nous donne
n'ont rien de fade; ni d'amollissant. Elles frappent presque toujours
par leur brutalité. Question de goûts, sans doute. Jugez plutôt,:..
Voici la Mort de Saô (1). Monseigneur le tigre Ong Kop dévore un
cadavre étendu dans la jungle mystérieuse ; -— La Vengeance du
Chaman (2) : dans la forêt qu'éclairé la lune impassible, une
panthère bondit sur un petit enfant couché à terré et ligoté.—
Les Bandits des Antipodes (3) : on se croirait dans certains
quartiers de Paris.. Si tu bouges, je te fais sauter la cervelle. —
Le Maître des Vampires (4) : le supplice de Prométhée. — Un
enfant sacrifié aux esprits (5) un sorcier élève une lance à la
hauteur de l'aisselle d'un malheureux enfant ligoté à un arbre.—
La Bastille Turque (6) : à chaque clou est fixée une tête et les
tyrans sanguinaires qui avaient ordonné ces décapitations venaient,
à la lueur des torches; contempler les visages de leurs ennemis. —
Les Esquimaux de l'Extrême-Nord (7) : Suivant une coutume dont ils
ne comprennent pas l'horreur, les Esquimaux transportent les
vieillards qui vont mourir sur les bords de la mer et, avant qu'ils
aient rendu le dernier soupir, ils les jettent dans les flots.
Pour
ma part, je ne comprends que trop l'horreur de ces « pages
dramatiques ». Ah ! si elles n'étaient qu'occasionnelles,
je n'en parlerais certainement pas. Mais ces gravures horribles sont
nombreuses : il n'est pas de numéro où je n'en rencontre deux ou
trois. Quand il serait si facile — certaines reproductions le
prouvent assez — de nous donner des illustrations vivantes,
artistiques et pittoresques !
Les
images, il est vrai, répondent parfaitement aux récits. Et quels
récits ! Des scènes de brigandage et de carnage, assassinats,
bagarres, rixes, batailles et attentats où apparaissent dans toute
leur hideur bandits de grand chemin et escarpes de moindre
envergure, anthropophages odieux et brutes incivilisées, apaches et
gredins, Sioux et Indiens. Revolvers et pistolets, fusils et épées,
dagues et poignards, lancés et cravachés, toutes les armes
y figurent. Y a-t-il eu quelque tuerie en Orient, les Arméniens
ont-ils été massacres ? Vite on nous raconté longuement cette
ignoble boucherie. Est-il dans un coin du globe une légende affreuse
? On ne nous en épargnera pas le moindre détail. Existe-t-il chez
certaines tribus sauvages des pratiques barbares, des coutumes
féroces, des usages cruels, des sacrifices sanglants ? On nous
initiera à leur accomplissement. C'est un véritable musée des
Horreurs.
Eh
! sans doute, je vous accorde volontiers qu'il y a encore des peuples
grossiers aux instincts belliqueux, aux habitudes bestiales, aux
moeurs violentes. Mais pourquoi vouloir arrêter complaisamment nos
regards sur ces races brutales, et nous en parler sans cesse ? Il ne
manque pourtant pas à travers le monde d'autres sujets
dignes de notre attention. Ne connaissons nous pas dans notre propre
pays nombre de légendes tristes ou gaies, attendries ou véhémentes,
simples ou fleuries, de ces aimables contes où l'âme populaire
s'est comme cristallisée dans sa naïveté et sa générosité?
Dites-nous les et nous vous en saurons gré.
Certes,
nous serions bien autrement intéressés que par ces vagues romans
d'aventures, toujours les mêmes avec leurs épisodes
invraisemblables et leurs pâles héros !
Le
Journal des Voyages publie dans chaque numéro trois romans
d'aventures. Si j'en excepte les Robinsons de l'Air et
L'Aviateur du Pacifique, de notre Jules Verne militaire, le
capitaine Danrit, que valent-ils ? Hélas ! ils ne conduiront pas
leurs auteurs sous la Coupole. Vous me direz qu'ils s'adressent à de
jeunes lecteurs et non point à des critiques grincheux comme votre
serviteur. Eh bien, raison de plus pour que le style de leurs écrits
soit très châtié, leur langue très pure et leur inspiration
morale nettement affirmée, il ne faut donner à la jeunesse que de
l'excellent : former le coeur d'un adolescent, éclairer son
jugement, fortifier sa volonté, cultiver son esprit, quelle tâche
noble et délicate ! Aussi, voyez la haute valeur
littéraire et morale des couvres qu'on nous offre !
Voici
Tom le Dompteur, de Louis Boussenard. M. et Mme Dixon
sont propriétaires du Great American Circus, de San Francisco —
évidemment, l'action ne peut se dérouler qu'en Amérique. — Ils
sont en butte aux vexations d'ennemis acharnés, les Treize qui ont
pour chef un millionnaire, s'il vous plaît, Jonathan. Leur fille
Jane est fiancée au dompteur Tom. La fille de Jonathan, Lizzy, a
vainement tenté de l'épouser. Ce Tom, qui a le flair d'un de ses
lions, aidé de son ami le détective Fil-en-Soie — c'était
inévitable — découvre les machinations de la bande.
Un
jour que le cirque se rendait à Mexico, les Treize font dérailler
le train. On se bat : les Dixon sont faits prisonniers. Lizzy, qui
décidément est une jeune fille charmante, veut se venger : si Tom
l'épouse, il sera libre. Quant à Jane, on la mariera à un de ses
Indiens.
Ces
conditions sont refusées. On va massacrer le dompteur et sa fiancée,
quand comme par hasard survient l'indispensable Fil-en-Soie avec un
clown du cirque. Nouveau combat : les Treize et leur chef sont tués.
Lizzy expire après que Jane lui a pardonné. Douces moeurs.
L'auteur
ne nous le dit pas, mais c'est bien certain, Jane et Tom se marièrent
alors, vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants.
Le
Roi du Radium de Paul d'Ivoi est bâti sur le même modèle. Mais
ici le détective s'appelle Dick Fann et les rivaux sont des
bijoutiers.
Le
Maître des Vampires, de René Thévenin, dont l'action se
déroule au Venezuela, est un chef d'oeuvre d'invraisemblance.
Les
Chasseurs de Turquoises d'Henry Leturque bataillent en Perse. Le
héros de ce bizarre récit est un jeune télégraphiste, Tape à
l'OEil — ô harmonie des noms — qui se trouve un beau jour de
juillet jeté dans le Nord-Express et tombe en Perse, où à peine
arrivé, il retrouve son père, disparu mystérieusement. Au milieu
d'incidents de toute sorte, il recherche le trésor du Mouton-Noir
caché sous la « pierre qui tonne. »
Ai-je
besoin d'insister sur le caractère factice et enfantin de ces romans
? Ce ne sont que des récits incolores et fantaisistes, aux
péripéties multiples et inattendues, aux personnages sans relief et
sans originalité. On n'y voit aucune suite dans les idées, aucune
liaison dans les faits. « Quand le hasard s'en mêle, il fait de
singulières choses, dit quelque part Tape à l'OEil ». C'est aussi
l'avis de nos auteurs. On dit quelquefois que le hasard est la
Providence des Journalistes. Que feraient les romanciers sans le
hasard ? Les événements les plus extraordinaires surviennent
toujours au moment le plus propice.
Tous
ces romans n'ont du reste aucune portée. Où trouver une idée, un
but moral dans ces lignes si décousues!
Somme
toute, il est très regrettable de voir quelles inepties on offre à
de jeunes lecteurs quand on pourrait leur donner de si beaux récits,
capables de leur inspirer des pensées nobles et généreuses ! Notre
histoire de France abonde en traits héroïques, en épisodes
grandioses, en exploits éclatants : quelle mine magnifique à
exploiter ! Notre histoire coloniale en particulier serait d'un
attrait puissant avec ses campagnes si pleines d'imprévu et de
bravoure, ses héros populaires. Le dévouement de nos missionnaires
ans les terres lointaines, au milieu des dangers les plus graves, des
périls les plus menaçants, quel thème splendide !
Mais
les Nick Carter et les Buffalo Bill sont à l'ordre du jour et je
vous avouerai qu'après tout c'était bien naturel que je trouve de
telles pages dans Le Journal des Voyages quand comme
prime d'abonnement, je recevais six livraisons des
Aventures de Toto Fouinard, le petit détective parisien. Les
titres étaient affriolants et suggestifs : on me donnait L'Etranglée
de la Porte Saint-Martin, L'Introuvable Assassin, Un Clou dans
un crâne, Les Exploits de Piédeboeuf, 600.000
francs de diamants, le Tueur d'Enfants.
II
y a déjà plusieurs années que se sont déclarés
les symptômes de ce mal inquiétant ét depuis les romans
policiers se sont multipliés à profusion. Il est absolument:
nécessaire de réagir contre ce danger, on l'a dit ici même bien
des fois.
Aussi,
bien qu'à l'ordinaire je n'y rencontre rien d'irréligieux (8) ou
d'immoral, j'aimerais peu cependant voir entre les mains de
jeunes lecteurs le Journal des Voyages ; les scènes
de cruautés, violentes, et brutales qui remplissent ses feuilles,
sont de nature à impressionner fâcheusement des adolescents ; elles
exciteraient leur imagination, émousseraient leur sensibilité,
fausseraient leurs caractères. D'autre part, comme il n'ani valeur,
morale ni grande valeur littéraire, sa lecture ne leur profiterait
guère.
Et
quant aux aînés, aux grandes personnes s'intéresseront-elles
à des romans destinés à de petits apprentis frais
émoulus de l'école primaire ? Hélas !
Robert
Devannes
(1)-No
633, 17 janvier. — (2) 637, 14 février. —.(3) 648 2 mai - (4)
650, 16 mai. - (5) 654, 13 juin. — (6) 656, 27 juin. - (7) n° 665,
29 août (8) Que dire pourtant de certains
articles où l'on nous représente la. Nuit de la Saint-Jean, comme
un prétexte à batailles pour, la populace romaine, où l'on nous
montre les pénitents noirs de Villefranche
en discorde avec les pénitents bleus, etc. Je ne nie pas
l'exactitude de ces renseignements, mais de grâce, pensez qu'il y a
bien d'autres faits religieux intéressants, même au point, de vue
pittoresque.
Dans
la rubrique « A travers les romans du mois » R. Varende
nous entretient du Fantôme de l'Opéra de Gaston Leroux et
du Maître de l'abîme d'André Laurie.
Le
Fantôme de l'Opéra de Gaston Leroux est classé comme « Roman
pour grandes personnes »
Voulez-vous
du merveilleux, de l'inédit ?
Cy
le Fantôme de l'Opéra.
Cette
histoire fantastique, mystérieuse, tragique est de celles qu'on ne
résume point.
Le
héros : Erick, laideur affreuse, tête qui semble une tête,de
mort, yeux magiques qui brillent phosphorescents dans la nuit comme
des yeux de chat.
Sa
vie : s'exhibe comme mort vivant, vit en Perse où il amuse la
favorite par ses tours, où il sème des trappes magiques, est
condamné à mort, revient à Paris où il entreprend du travail à
l'Opéra, se construit un abri dans les caves, effraie, terrorise,
épouvante.
Ses
aventures : il aime une cantatrice, se fait passer près d'elle pour
l'ange de la musique, est jaloux du vicomte qui l'aime ; enlèvement,
poursuite, ruse, victoire, toute la lyre. Il laissera partir la jeune
fille, puisqu'elle osera lui donner un jour un baiser et qu'elle ne
mourra point d'horreur.
La
morale : mystère.
Que
peuvent bien faire des histoires fantastiques, si ce n'est dresser
les cheveux du lecteur, s'il en a encore, et s'il est un peu crédule
?
Dans
la catégorie « Romans blancs » nous trouvons André
Laurie avec
Le
Maître de l'abîme
Qui
nous disait donc il y a quelques mois qu'André Laurie
était mort ? Il nous donne un roman.
Roman
d'aventures étourdissantes qui ravira d'aise les jeunes
gens, les
lecteurs assidus de Jules Verne. Jules Verne est mort, et Paschal
Grousset, c'est-à-dire André Laurie. Ils
publient
ericore
l'un et l'autre. C'est
un mystère.
Mais
les
jeenes
lecteurs ne
s'en plaindront pas.
Donc
quelques Français et un Espagnol, qui montaient un
sous-rmarin, ont été enlevés par un autre sous-marin, dans une
île, :admirablement défendue, où règne le maître de l'Abîme.
Comment ? Il serait trop long de le dire. Car leurs aventures leur
font faire des découvertes étonnantes à chaque pas.
Ils
vivent côté à côte, longtemps; réjouis par la gaîté d'un
inoubliable Marseillais; ils pourraient être heureux. Mais la
patrie..; Donc ils fuient en ballon.
Mais chemin
faisant, ils nous ont bien divertis, intéressés, instruits...
La
rubrique « Carnet de Romans-Revue » parle de l'actualité
de la lutte en faveur des « bons livres » à travers
l'Europe. On y apprend qu'en Allemagne une pétition a été signée
par 30.000 femmes contre la « presse malsaine »,
s'insurgeant notamment contre le nombre de mineurs condamnés après
avoir lu la presse immorale (c'est à dire les illustrés!). En
Suisse c'est la lutte contre les fascicules « Buffalo Bill,
Nick Carter et Co. »
et elle obtient des succès célébrés par Romans-Revue :
Les
conseils communaux de Fribourg, de Bulle, - comme ceux de Nyon
et Vallorbe
(canton de Vaud),
de
Neuchâtel,
de Zurich, de Bâle
-
ont interdit
d'exhiber
les
romans policiers ou
brutaux dans les kiosques et de les vendre aux mineurs. Le premier
arrondissement des
chemins
de fer
fédéraux, cédant
à une .emande du Conseiller d'Etat
qui dirige
la
police
du canton de
Fribourg
a fait disparaître la littérature policière et criminelIe(Nick
Carter,
Nat
Pinkerton,
etc.) de
toutes
les bibliothèques de son réseau, le 25 janvier dernier.
Enfin,
Karl May fait l'objet d'un article du « Carnet de
Romans-Revue » :
Karl
May, le Jules Verne allemand, a souvent fait parler de lui. Le
Journal catholique de Cologne, La Gazette populaire, l'accusa , il a
quelques années d'avoir fabriqué au temps jadis des romans
obscènes. Karl May se défendit, il certifia que les passages
obscènes avaient été introduits par l'éditeur dans le corps de
ses ouvrages : le tribunal lui donna raison dans des conditions
qui
restèrent
mystérieuses.
L'affaire
cependant fut oubliée (Voir Romans-Revue, mars 1908). Mais voici
qu'un écrivain nommé Libius a poussé les choses plus loin. Il
prétend que Karl May est un mystificateur effronté. Non seulement
il est l'auteur d'ouvrages pornographiques, non seulement il a commis
des plagiats, mais sa vie passée est infâme. Le Jules Verne
allemand serait, d'après Libius, un repris de justice, un voleur de
profession, un brigand dans toute l'acception du mot.
A
ces accusations, Karl May a répondu par une assignation, et devant
le tribunal des échevins de Charlottenbourg, la vérité a été
péremptoirement établie, Lebius a été acquitté, et Karl May
convaincu de brigandage.
Ces
révélations n'entachent en rien les traductions de Karl May qui ont
été publiées en France par la distinguée femme de lettres qui
signait J. de Rochay. Ces ouvrages, traduits et expurgés, méritent
toujours l'estime des familles chrétiennes.
A dimanche prochain !
A dimanche prochain !
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