Quatrième épisode de notre exploration du Quotidien de Montmartre publié en 1929-1930 qui est disponible sur Gallica (du n° 10 au n° 52). Pour lire la présentation du périodique, cliquez ICI. Pour retrouver tous les billets de cette série consacrée au Quotidien de Montmartre, cliquez ICI.
Dans le n° 36 daté du 11 mai 1930 Bernard Gervaise présente dans la rubrique "Les Gaités de la semaine" le projet des voyages interplanétaires mais exprime aussi des doutes sur la nature humaine qui transforme les avancées scientifiques en moyens de destruction...
Dans le n° 37 daté du 18 mai 1930 Bernard Gervaise, toujours dans la rubrique "Les Gaîtés de la semaine", imagine le futur de Paris en l'an 1970. L'anthologie Paris Futurs porte sur ce même thème: que deviendra la capitale dans l'avenir?
Suite du dépouillement ce périodique la semaine prochaine!
M. Robert-Esnault
Pelterie, qui consacre depuis des années le meilleur de son activité
à l'étude de cette science nouvelle qu'on nomme l'astronautique,
vient de faire une conférence au cours de laquelle il a prononcé
les paroles suivantes :
« A la suite
d'examens approfondis de la question, je peux conclure qu'avant dix
ou quinze ans, le voyage dans la lune et retour à la terre sera
réalisable. Il ne dépend plus maintenant que d'un facteur, la
découverte du mécène qui consacrera les millions nécessaires à
la construction et à la mise au point de l'appareil de transport
interplanétaire. »
En considérant
d'une part le rythme accéléré qu'affecte à notre époque le
progrès des découvertes mécaniques et, d'autre part, l'ardeur que
l'on apporte à les utiliser, on peut être certain que si le voyage
Terre-Lune et retour devient réalisable dans deux ou trois lustres,
comme le veut M. Robert Esnault-Pelterie, il sera immédiatement
réalisé, d'abord par quelques hardis sportifs amateurs de gloire,
puis par une quantité d'amateurs de plus en plus considérable.
Avec une rapidité
surprenante, nous verrons surgir des Compagnies commerciales
astronautiques dont les services organiseront tout d'abord des
« baptêmes de l'éther », puis peu à peu des excursions
plus étendues ! Trois jours dans la Lune... « Paris-Neptune,
via Mercure, Jupiter, Saturne, Uranus et retour... » Nous irons
passer le week-end à la surface de Séléné ; nos grandes
vacances se passeront au bord des canaux martiens, plus poissonneux,
il faut l'espérer, que les rivières d'ici-bas et Vénus sera le but
tout indiqué de tout voyage de noces !
La nouvelle
invention arrive d'ailleurs à point nommé. Elle répond à un des
plus pressants besoins de notre pauvre humanité dont le domaine se
rétrécit de jour en jour à mesure que s'accroît la vitesse des
véhicules mécaniques.
Il y a seulement un
siècle, il fallait quinze ou dix-huit mois pour faire le tour du
monde, le plus long voyage que l'on puisse accomplir sur terre en
ligne droite ou, si vous préférez, en ligne courbe. Cinquante, ans
plus tard, le temps-limite de cette randonnée avait déjà beaucoup
diminué, puisque les héros de Jules Verne purent le réduire à 80
jours. Aujourd'hui, nouveau progrès, les aviateurs doués de quelque
endurance et de bons moteurs bouclent la boucle en moins de trois
semaines.
Dans quatre ou cinq
ans, moins peut-être, c'est en trois jours que se fera ce périple.
Enfin, un jour
viendra, plus tôt qu'on ne pense sans doute, où l'on pourra se
faire transporter sur n'importe quel point du globe en moins d'une
journée. Ce sera la mort du tourisme, tout au moins du tourisme
terrestre. Qui donc, en effet, voudrait se mettre en route pour si
peu !
Il était grand
temps, comme on le voit, que de nouveaux débouchés s'ouvrissent à
notre activité. Grâce à l'astronautique, c'est chose faite, ou
presque. Lorsque nous nous sentirons par trop à l'étroit sur notre
misérable planète, rien ne nous empêchera de nous échapper par la
tangente pour aller faire un petit tour dans les étoiles.
Espérons que cela
contribuera dans quelque mesure à désembouteiller les routes de
banlieue !
Selon Jules Verne,
le meilleur moyen pour aller dans la Lune était de s'y faire
expédier par un canon géant, à l'intérieur d'une sorte d'obus de
gros calibre. M. Robert Esnault-Pelterie estime qu'il vaut mieux s'y
rendre à bord de la fusée-dirigeable inventée il y a deux ou trois
ans par le professeur allemand Hermann Oberth.
C'est ce merveilleux
engin qui nous permettra d'aller nous promener un jour dans l'éther
comme on se promène actuellement dans les airs.
Puisse-t-il ne
jamais servir à autre chose, mais hélas ! n'y comptons pas
trop ! Jusqu'ici, toutes les inventions primitivement destinées
à faire le bonheur du genre humain ont été tour à tour mises au
service de l'art militaire. Il est donc fort probable que la
découverte du professeur Oberth ayant été comme les autres
détournée de son véritable objet, nous verrons bientôt la fusée
se substituer à l'obus dans les applications ordinaires de la
balistique.
Et vous pensez, avec
un engin capable de marmiter la Lune, quel jeu ce serait pour des
artilleurs européens de démolir New-York, Yokohama ou Pékin tandis
que les artificiers américains, japonais ou chinois écraseraient
Paris, Londres, Rome et Berlin !
Une fois de plus,
notre pauvre humanité, dont l'ambition était de canarder
pacifiquement les astres, n'aura fait que cracher en l'air pour que
ça lui retombe sur le nez !
Bernard Gervaise,
« Les Gaîtés de la semaine », in Le Quotidien de
Montmartre n° 36 daté du 11
mai 1930.
Dans le n° 37 daté du 18 mai 1930 Bernard Gervaise, toujours dans la rubrique "Les Gaîtés de la semaine", imagine le futur de Paris en l'an 1970. L'anthologie Paris Futurs porte sur ce même thème: que deviendra la capitale dans l'avenir?
Des calculateurs,
non dénués d'imagination, ont imagine de dresser une sorte de
recensement de la population parisienne en 1970. A cette époque, la
capitale et sa banlieue compteront huit millions d'habitants, pas un
de moins.
Ce chiffre a été
établi de façon scientifique, en appliquant le calcul des
probabilités aux données de la statistique. Depuis le milieu du
dix-huitième siècle, le nombre des Parisiens double environ tous
les cinquante ans. Ils étaient cinq cent mille en 1770, un million
en 1820, deux millions en 1870, quatre millions en 1920. Ils seront
donc huit millions en 1970 et un milliard en 2320, comme vous pourrez
aisément vous en assurer en continuant à faire paroli de cinquante
en cinquante ans.
Pour nous en tenir
aux chiffres cités par les auteurs de la statistique plus haut
reproduite, une chose semble à peu près certaine, c'est que la
circulation déjà bien difficile aujourd'hui dans un Paris de quatre
millions d'âmes (et surtout de corps) sera devenue, si nous n'y
mettons bon ordre, tout à fait impossible aux huit millions de
Parisiens de 1970. Conclusion : il faut trouver un remède à la
crise d'embouteillage dont souffrent de plus en plus les artères de
la capitale, nonobstant les divers palliatifs envisagés jusqu'à ce
jour.
Ce n'est peut-être,
mon Dieu, pas aussi difficile qu'on l'imagine. Voyons, pour rendre
nos rues accessibles à une intense circulation, il faudrait, de
toute évidence, les élargir. Mais comment ?... On a proposé
de démolir Paris pour le reconstruire ensuite sur de nouveaux plans.
Ce serait beaucoup de travail. Mais si l'on démolissait seulement le
rez-de-chaussée des maisons en remplaçant la maçonnerie par des
piliers de soutènement entre lesquels les véhicules
s'entrecroiseraient avec grâce et facilité...
C'est ainsi que,
pour ma part, je vois le Paris de 1970, lequel, étant de la sorte
monté sur pilotis aurait en outre l'avantage de se trouver à l'abri
des inondations...
Bernard Gervaise,
« Les Gaîtés de la semaine », in Le Quotidien de
Montmartre n° 37
daté du 18
mai 1930.
Dans
le n° 38 du 25 mai 1930 on trouve un conte pseudo-oriental, intitulé "Le vrai Mahamed Pacha", ayant
pour cadre le harem de Mahamed Pacha sous la signature de Jean de
Lozère, collaborateur régulier du Quotidien de Montmartre sous ce
pseudonyme ou celui de André Romane. Le conte est prétexte à un texte légèrement coquin illustrant la maxime quand le chat dort, les souris dansent...
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