En
1907, le Languedoc viticole, victime d'une grave crise, se révolte.
Le 19 juin, la troupe intervient et il y a des morts. Le site
Hérodote décrit ces événements (voir
ICI).
Le
22 juin 1907, dans L'Intransigeant, Léon Bailby se projette
dans le futur, condamne l'attitude du gouvernement et de l'Assemblée
et imagine ce que l'histoire retiendra de ce tragique épisode.
Ce
qu'on en dira
Notes
pour les manuels d'histoire de
l’an
1950.
En
juin 1907, le .ministère Clemenceau laissa grandir l’agitation
viticole qui soulevait quatre
départements du Midi.
Le
gouvernement, qui pensait à autre chose, ne comprit rien tout
d’abord à ce mouvement. Il
voulut le favoriser. Les compagnies de chemins de fer reçurent
l’ordre de transporter gratis les manifestants aux meetings
organisés dans les grandes villes. Préfets et sous-préfets
assistaient, par ordre, à ces réunions et pavoisaient les bâtiments
publics.
Tout
à coup, on décida, au ministère, que cette agitation était
illégale et qu’il fallait la faire cesser à tout prix. Il était
déjà trop tard. Les chefs des gueux (1),
Marcellin Albert (2)
et Ferroul, avaient décrété la grève de l’impôt. Ils
organisaient une révolte pacifique, la révolte des bras croisés.
Grâce à l’ascendant qu’ils avaient sur leurs fidèles, ils
faisaient respecter l’ordre, et jamais,
tant qu’ils restèrent à la tête de leurs troupes, la moindre
violence ne se produisit.
M.
Clemenceau trouva logique de faire arrêter Ferroul et Albert. Il
mobilisa, dans ce but, plusieurs corps d’armée. Il mit les
préfectures du Midi en état de siège. Et lui, qui avait pendant
les précédentes grèves du Nord, défendu au moindre pantalon rouge
de se montrer chez les grévistes, il dressa contre les viticulteurs
tant de cuirassiers, de dragons et de fantassins, que les fusils,
enfin, partirent tout seuls. Il y eut des morts et des blessés. Les
chefs des gueux n’étant plus là pour prêcher le calme,
l’agitation dégénéra en guerre civile…
Il
reste un
post-scriptum
à ajouter à ces notes. On dira si la Chambre, révoltée par tant
d’imprévoyance, a eu enfin le courage de jeter par terre ce
gouvernement d’inconscients, ou bien si, égarée une fois de plus
par de belles phrases, elle a osé
maintenir au pouvoir l’incohérence d’un Clemenceau. C’est le
secret de demain. Quoi qu’il arrive, la Chambre, qui a laissé
faire, sera reconnue comme aussi coupable que le ministre qui a fait.
Léon
Bailby, « Ce qu'on en dira », in L'Intransigeant,
n° 9838, 22 juin 1907.
(1)
La révolte des vignerons est appelée la « Révolte des
gueux »
(2)
sic :
Marcelin Albert
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